Petite incursion dans une scène musicale méconnue

La scène anglophone de la métropole peut souvent sembler bien éloignée, presque étrangère. Pourtant, c’est présentement le berceau d’une communauté artistique foisonnante, vivante. Il émane présentement, par quelque miracle, des tièdes rues montréalaise une pop décomplexée, déconstruiste, retravaillée.

Faisons donc trêve des fausses rivalités anglo-franco-montréalo-québécoises qui nous habitent peut-être et explorons deux sorties champ-gauches, inclassables et savoureuses provenant du sud-ouest de notre chère capitale. Toutes deux aux opposées complets, mais se rapprochant toujours, de ce qu’on peut appeler l’avant-pop.

The Submissives – Pining for a Boy

The Submissives, groupe changeant mené par Deb Edison, faisait paraitre cette semaine une nouvelle cassette chez l’étiquette Egg Paper Factory. Le projet s’ajoute au catalogue de la drôle de maison ayant déjà fait paraitre certains des meilleurs secrets de la ville tels que Telstar Drugs, Un Blonde, Inland Island ou encore Margret.

Sur Pining For a Boy, les Submissives surprennent sans décontenancer, c’est encore la pop naïve, niaise, presque « outsider » à laquelle on est habitués, mais le groupe pousse sa musique, subtilement, dans une nouvelle direction : les tempos sont plus lents, les structures plus complexes, les chansons plus osées encore que sur Do You Really Love Me?, leur album précédent. La recherche sonore s’amplifie et prend davantage de place, notamment sur Release Me et Farewell, sans toutefois qu’Edison abandonne son écriture si particulière.

Chaque fausse note semble calculée et contribue à un étrange et charmant mélange entre la pop bubblegum californienne, le Velvet Underground, Beat Happening et, bien sûr, les mythiques Shaggs. Les longues descentes chromatiques d’Only Betty construisent une mélodie caverneuse entrecoupée de refrains rêveurs; un contraste très agréable. Les violons d’Obsessed divaguent et divergent autour de la note dans une mélodie aussi dérangeante qu’infectieuse. C’est dans l’équilibre délicat entre la familiarité, l’inquiétante étrangeté, l’intimité et l’extimité que réside l’intérêt des Submissives. Une écoute curieuse, déstabilisante, mais parfois un peu monotone; le groupe n’a qu’un truc dans sa manche, mais l’exécute à merveille.

Look Vibrant – The Up Here Place

Le quatuor Look Vibrant faisait paraitre cette semaine son attendu premier album : The Up Here Place. Pour une proposition fondamentalement pop, l’absence de fidélité est assumée et rafraichissante. Les fréquences sont réduites, tout est juste assez fort, la distorsion enveloppe les arrangements, particulièrement délicieux, d’ailleurs. L’album se déroule comme une apologie du volume où les synthétiseurs lumineux se conjuguent aux guitares modifiées, arpégées, transformées en textures hors de ce monde. Les allées et venues de Sweater In The Lake ne sont pas sans rappeler un Animal Collective qui aurait réussi son virage synthétique. My Nerves démontre les capacités du groupe à déconstruire les structures traditionnelles, rappelant les abrasivités de Palm ou Deerhoof avant de s’effondrer dans un refrain tout en douceur.

Le rythme entrainant de Last One To Survive se brise en un chœur, suivi tout de suite d’un solo de synthétiseur presque prog, rappelant les interventions toutes en dissonances de Robert Fripp. Il n’y a pas de gêne à la maitrise instrumentale, pas de gêne aux mélodies pop, pas de gêne à défier les conventions de genre, que l’on peut au mieux qualifier d’Art pop, sans que ça en soit vraiment. On ne doute pas que l’énergie tout en volume du groupe se traduit aussi bien en spectacle qu’en studio. Les garçons étaient d’ailleurs au Sous-Sol du Cercle en décembre dernier, juste avant sa fermeture, et on a pu entendre certaines des nouvelles compositions ici parues, parfaitement exécutées.

L’avant-pop du groupe est rêveuse et oblique mais reste toujours immensément accrocheuse. L’immédiatement satisfaisante My Old City, tout comme l’hymnique Cauliflower, en sont témoins. Nul ne sert de s’éparpiller sur les qualités uniques de chaque pièce tellement l’album offre une grande variété de compositions matures, abouties, intelligentes, où rien n’est laissé au hasard. Une écoute indispensable.

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