C’est ce 14 janvier dernier que l’artiste pluridisciplinaire Kathia Rock, originaire de la Côte-Nord, lançait son premier single, Terre de nos aïeux. Elle en est la fière productrice, accompagnée dans sa démarche de Samian des Production Nikamo Musik et de François Lalonde qui en signe la réalisation. Armée d’une voix chaude, puissante, transcendante, elle compose et interprète des mélodies qui puisent leurs sources tant dans le répertoire ancestral de son peuple que dans la musique folk rock contemporaine avec des subtilités néo trad. Son art transpose des symboliques telles que l’importance de la transmission de sa culture, l’unification avec les autres nations…Entretien avec une artiste qui gagne à être connue, mais surtout entendue et écoutée.
Par Frédérik Dompierre-Beaulieu (elle), journaliste multimédia
Impact Campus : Terre de nos aïeux est officiellement votre premier vidéoclip et votre premier single. Artiste pluridisciplinaire, ce n’est pas l’expérience qui vous manque. Comment avez-vous trouvé de mettre de côté la scène pour finalement vous retrouver devant les caméras ?
Kathia Rock : Mon parcours a été, d’entrée, dans le monde du conte et du côté comédienne, de réalisation et de mise en scène. Ce sont des choses que j’ai eu la chance de faire. Donc, pour moi, ce vidéoclip, chez moi, dans ma région, dans ma Côte-Nord, dans ma communauté et avec ma famille, ça a été une première demande que j’ai faite à mon équipe. Par la suite, mon équipe est venue m’accompagner dans la communauté pour justement mettre en œuvre ce projet. Le fait d’être accompagnée a vraiment été un beau cadeau, d’autant plus que Louise à créer et la robe en rappel aux femmes autochtones. De pouvoir tourner avec ma mère, ma famille et mes enfants a aussi été quelque chose qui m’a honoré et dont je suis très fière.
I.C. : Outre le fait que ce soit le premier vidéoclip, qu’est-ce cette expérience représente pour vous personnellement? Est-ce que c’est quelque chose que vous aviez en tête depuis longtemps ?
K.R. : Plusieurs chansons dans l’album qui vont faire le tour du territoire, où on entre vraiment dans les racines du chemin des ancêtres. Pour moi, le message le plus important est le fait de retourner aux sources et aux racines de la culture à travers ces images et le tambour traditionnel, par exemple. C’était important pour moi de se reconnecter avec la culture. Aujourd’hui, avec Terre de nos aïeux, je voulais y faire un clin d’œil et continuer à porter cette parole pour dire que les enquêtes ont été mises sur tablettes. Est-ce qu’on peut les mettre à jour et poser action? On tend la main aux Québécois, mais aussi au fédéral, pour écrire de quelle façon on peut marcher ensemble à partir d’aujourd’hui.
I.C. : On mentionnait le fait que vous aviez déjà côtoyé diverses disciplines artistiques, notamment le théâtre, la danse, le multimédia et la composition musicale et littéraire. Ce sont des éléments qu’on peut retrouver dans le vidéoclip, notamment avec les parties qui sont davantage parlées. En quoi ce métissage des arts est important pour vous, et que vous apporte-t-il ?
K.R. : La vie m’a amené à écrire, à composer, à rencontrer des poètes, des comédiens, des metteurs en scène, des musiciens et des conteurs. Tout cet univers qui m’entoure et qui m’a renchéri au niveau de ma personne et de mon côté créatif, je voulais en retrouver les sphères et les disciplines sur la scène pour dire « voilà ce que je suis ». Ça fait partie de moi, de ce que je fais, et je suis tout ça.
I.C. : C’est un message très poignant que vous livrez avec votre chanson. Certaines paroles ont tout de suite attiré mon attention, entre autres lorsque vous dites « Étions-nous insoumises, à ce point mauvaises. Étions-nous trop belles, étions-nous trop femmes. Pour justifier vos gestes infâmes ». Portez-vous un intérêt particulier aux enjeux reliés à la condition féminine ?
K.R. : C’est sûr. Il y a une route dans l’Ouest canadien qui s’appelle The Trail of Tears. C’est le chemin de jeunes filles qui quittent leur communauté pour aller vers la ville afin d’améliorer leur sort. Ces jeunes filles, pendant plusieurs années, se sont fait kidnapper à cet endroit. Sauf que ce phénomène est partout à travers le Québec, partout à travers le Canada. Mon but, mon rêve même, ce serait que les enquêtes reprennent pour qu’on puisse retrouver nos femmes. Il faut arrêter de se fier aux préjugés, c’est faux de penser que ce sont toutes des prostituées. Il y a de jeunes filles qui se sont fait kidnapper dans leur communauté même. Je pense à Tina Fontaine, 15 ans, qui a été trouvée dans un sac dans la Rivière Rouge au Manitoba. D’une certaine manière, ce sont des petites victoires qui me touchent et qui me font me dire que si je peux apporter un petit grain de plus pour faire connaître ces histoires atroces, ce sera ma mission personnelle. Je veux que ces corps soient retrouvés, qu’ils soient enterrés pour que les familles reposent en paix.
I.C. : La transmission de la culture semble être au cœur de votre démarche artistique. Au-delà de la représentation, du partage et de l’unification, ressentez-vous le besoin de faire de l’art explicitement revendicateur ?
K.R. : Mon point central est vraiment la transmission de ce que les ainés m’ont transmis. Pour moi, ce message est très important. C’est certain que je ne peux pas passer à côté de la politique. Que je le veuille ou non, j’y suis collée, mais ce n’est pas mon mandat premier. Ma mission, en tant que femme autochtone, c’est de parler de tout ce que les pensionnats nous en enlevés, mais plus largement de tout ce qu’on nous a enlevé au fil des années, et de les reprendre. Je veux recreuser dans la terre pour reprendre le tambour, me le réapproprier et chanter haut et fort pour la beauté de la culture.
I.C. : Finalement, y a-t-il d’autres projets que vous aimeriez réaliser prochainement?
K.R. : C’est certain que l’écriture m’appelle de plus en plus, que ce soit des livres audios, des livres numériques. J’aimerais explorer cette avenue dans les prochaines années.
Pour accéder à son site internet : http://kathiarock.com/