En cette fin mars où les jours rallongent et les oiseaux s’éveillent, la Bordée nous propose une nouvelle production : Et puis par la fenêtre, nous pourrons voir les champs. Sous la direction artistique de Marie-Hélène Gendreau et la mise en scène de Gabrielle Lessard, nous assistons à un drame familial qui nous rappelle à quel point le temps est fragile et la mémoire, précieuse.
Par Camille Sainson, journaliste multiplateforme
Papa. Papa. Papa.
Un mot simple qui pourtant signifie beaucoup.
Un mot dont l’écho résonne encore une fois la pièce terminée.
Et puis par la fenêtre, nous pourrons voir les champs, c’est l’histoire d’une famille qui gravite autour de la figure paternelle dont les souvenirs commencent à s’ébranler. Derrière le poids d’un héritage et les multiples conflits évolue la rumeur sourde de la maladie, de cet ennemi impossible à abattre qu’est Alzheimer. Le texte de Stéphanie Labbé nous plonge avec beaucoup de justesse dans les méandres de l’acceptation et d’un deuil qu’il faut déjà entamer. Parce qu’une fois le diagnostic posé, la sentence est irrévocable. C’est donc à travers une chronologie morcelée que nous reconstituons le passé de cette fratrie et de leur mère, face au déclin du père. Le décor sert de support à la narration : un champ de blé surplombe un petit salon, parfois accompagné d’une brebis, soulignant le rêve de toute une vie, l’environnement social, tout autant que le poids de la transmission. Que reste-t-il de nous après notre mort ? De nos ambitions, de notre patrimoine ? Les enfants ont-ils pour responsabilité de préserver la mémoire de leurs parents ?
D’abord sujet tabou, l’ombre de la maladie finit par ronger tous les personnages. Et si celui du père est très effacé, les jeux de lumière et le design sonore viennent signaler les neurones qui se détraquent, le passé qui supplante le présent. Nous sommes finalement plongé.es dans sa tête et dans ses souvenirs, avec cette douce musique apaisant l’angoisse. La dernière scène est d’ailleurs la plus touchante de la pièce, parce que si les enfants vont perdre leur père, la femme va aussi perdre son mari. Et c’est pour empêcher qu’il ne mette fin à ses jours qu’elle lui fait une magnifique déclaration d’amour : « je ne crois pas en la religion, mais je crois aux promesses », et quelle plus belle promesse que celle de rester à ses côtés jusqu’au bout, jusqu’à ce que l’oubli l’emporte ?
Papa. Papa. Papa.
Un mot simple qui pourtant signifie beaucoup.
Un mot dont l’écho résonne encore une fois la pièce terminée.
Vous avez jusqu’au 6 avril pour découvrir cette pièce à La Bordée.