Entrevue avec Sara Lazzaroni
Patchouli, c’est le nom d’une jeune femme perdue dans la vie, quelque part entre le gris de sa mère mourante et le bleu ciel du café italien le Dolce Chiara. C’est aussi le nom de la première œuvre de Sara Lazzaroni.
Noémie Doyon
Je suis arrivée au Temps Perdu avec quatorze minutes de retard. Sara m’attendait dans le cadre de porte en bois. En me voyant courir vers elle, elle m’a dit, simplement : « Prends ton temps, il fait beau. » Puis, on a jasé, de Patchouli, de tout, de rien, pendant au moins une heure et demie. La vérité, c’est qu’après cinq minutes, je n’ai plus rien vu passer. Sauf ses mots.
Sara, c’est une étudiante de 20 ans, aussi charmante que la rue Saint-Jean, Jimmy Hunt et le Chocolat Favori ensemble, en plein milieu d’un mois de juin québécois. Ses mots, je les ai calés comme on cale une bouteille de Gatorade rouge après un triathlon. Autant ceux tout frais sortis de sa bouche, légers, que ceux longuement pensés qui remplissent les pages de sa première œuvre.
Parce que Patchouli, au fond, c’est cette odeur d’encens brûlé qui fume sur des anecdotes savoureuses, une intrigue vaporeuse et des prises de conscience touchantes. C’est une histoire presque impossible à résumer, puisqu’elle laisse amplement place à l’interprétation, à l’avis et au vécu du lecteur.
« J’ai écrit ça en quatrième année, je pense. Au début, c’était une nouvelle de dix pages. Je l’ai laissée de côté un bout de temps et j’ai finalement décidé de la retravailler. Ç’a été long. J’étais jamais vraiment satisfaite. Mais je me suis dit qu’il fallait que je l’envoie, alors je l’ai fait et, après ça, ça s’est passé vite. Je suis partie en voyage et en revenant j’avais plein de réponses. Des oui, des non. Mais j’ai eu un coup de cœur pour une éditrice en particulier. Elle avait écrit : « Sara, je capote”, alors que les autres étaient plus “Mademoiselle Lazzaroni, c’est un plaisir…” C’était vraiment le fun travailler avec elle, elle me conseillait, mais j’étais libre de faire ce que je voulais. Finalement, on a surtout changé la fin qui était assez sombre, et on l’a plus axée sur les relations humaines. »
De l’incipit à « En attendant » qui sont les derniers mots du court roman, tourner les pages devient un acte carrément addictif. Patchouli, ce n’est pas compliqué, c’est un livre qui se mange comme un sandwich à la crème glacée. On se gèle le cerveau et ça fait mal, mais ça goûte vraiment bon et, avant même d’arriver à la dernière bouchée, on en veut un autre.
Lis-le et arrache tes pages à toi. Après, donne-le à quelqu’un d’autre.
J’ai mis la page 96 dans mon oreiller et la 88 dans mon portefeuille. Le reste du livre, je l’ai donné à une fille pas très prudente qui marchait en lisant sur Saint-Joseph.