Quartier Saint-Sauveur : Petite histoire de grandes transformations

Dans le Saint-Sauveur d’avant les centres commerciaux, on échangeait les dernières nouvelles au même endroit où on achetait ses œufs : chez l’épicier du coin. Après la Seconde Guerre mondiale cependant, la vie dans les quartiers populaires connaît de profonds bouleversements. Dans son livre tirée de sa thèse de doctorat, Dale Gilbert brosse le tableau d’un monde en noir chamboulé par la modernité.

Témoignages de résidents, photos d’archives, cartes géographiques : Vivre en quartier populaire : Saint-Sauveur 1930–1980 est une petite encyclopédie du quartier Saint-Sauveur. Ce n’est pas une monographie que propose l’ancien doctorant de l’UL, mais bien un portrait représentatif des bouleversements que connaissent les quartiers populaires au siècle dernier, explique le principal intéressé au bout du fil.

Saignée urbaine

Des années 1930 aux années 1980, Saint-Sauveur perd plus de la moitié de sa population. Après avoir atteint « son maximum démographique au début des années 1940 », explique l’historien, « il perd plus de la moitié de la population par l’exode dans les banlieues ou vers d’autres secteurs urbains en développement comme le nord de Limoilou ou les Saules. » L’attrait d’un logement plus récent ou le rejet d’une vie passée dans « logements de qualité plutôt discutables » poussent de nombreux résidents à migrer vers ces milieux de vie modernes.

Étiolement de la vie de quartier

Pour ceux qui restent, la vie de quartier se transforment tant de l’intérieur que de l’extérieur. Les petites enseignes qui quadrillent Saint-Sauveur ne peuvent résister à la poussée de grands magasins et de centres commerciaux. « Alors qu’il y avait des centaines de petits commerces, lieux de services ou de divertissements, il y a beaucoup de faillites et de fermetures », expose Dale Gilbert.

Les relations de voisinage encaissent elles aussi les contrecoups de la modernisation de Saint-Sauveur. Dans les années 1930, la vie sociale était régie par la proximité et la convivialité, comme en témoigne l’une des résidentes questionnées : « C’était amical hein, tout l’monde se connaissait. Quand y t’voyait arriver, le monde connaissait le nom d’la personne qui arrivait. »

Cependant, avec la montée de l’individualisme, « la chaleur dans les échanges se transforme, les gens sont plus repliés dans leur famille », note le chercheur. La fermeture des petits commerces, qui font également office de lieux de rencontre, n’aide en rien la situation, ajoute-t-il. « Les loisirs paroissiaux vont également perdre de leur superbe au profit des loisirs privés comme les cinémas commerciaux. »

En l’espace de cinquante ans donc, il semble que la « butte à moineaux », surnom donné au quartier en raison du cancan perpétuel de ses résidents, devienne peu à peu un petit royaume d’asphalte et de béton.

Auteur / autrice

  • Kim Chabot

    Journaliste culturelle dans l’âme et historienne de formation, Kim est passionnée par la littérature, les arts visuels et le théâtre. Elle aime découvrir de tout, des grands classiques aux projets artistiques de la relève. Pour elle, les scènes de l’Université Laval et de la Ville de Québec sont des gros terrains de jeux aux possibilités infinies. Elle nourrit aussi un grand amour pour la langue française, au grand dam de ceux qu’elle reprend inlassablement pour des « si j’aurais ».

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