Photo: Tirée de Facebook, Film Fiction

Le regard toujours aussi lucide de Denys Arcand

C’est dans une salle bondée que le Certificat sur les œuvres marquantes de la culture occidentale recevait, dans le cadre de ses Conférences Hors-d’Oeuvres, le cinéaste Denys Arcand, vendredi le 26 octobre dernier au pavillon Alexandre-Vachon de l’Université Laval.

Alexandre Provencher-Gravel, chargé de cours au certificat, dirige l’entretien pour la première heure. Sa première question porte sur le Déclin de l’empire américain, un film qui brisa les records au box-office, mais fut aussi reçu avec antipathie : chez Téléfilm Canada, son scénario fut jugé « pourri ». Denys Arcand explique cette opposition en définissant son art comme une quête d’authenticité. Tendant un miroir à la société, ses scénarios sont difficiles à lire, car ils ne correspondent pas aux clichés télévisuels. Selon Arcand, les gens se sont reconnus dans les personnages du Déclin, ce qui explique son succès international. «On s’est rendu compte que des milliers de gens avaient vécu la même chose dans le monde», explique Arcand.

La discussion s’est ensuite poursuivie sur le thème de l’amitié dans Les invasions barbares. Le cinéaste nous révèle que, tel qu’il l’a vécu, le statut d’intellectuel de ses personnages les isole du monde et renforce leurs liens d’amitié. « Ils représentent la première génération de gens très instruits. Ils ne peuvent plus parler à leur père.» Denys Arcand est cinéaste, son frère anthropologue, sa sœur criminologue et son autre frère, artiste au théâtre et comédien de grand talent. Entre eux et leur père, il y avait un fossé énorme.

Des sujets principalement bourgeois?

Assiste-t-on à un renversement dans Les invasions barbares, demande Alexandre. Le fils devient-il le barbare à qui il manquerait une culture, un goût des vraies bonnes choses de la vie ?

Arcand répond avec une sincérité désarmante qui suscitera le rire général à plusieurs reprises : «Je ne sais pas du tout ce que je voulais dire». Il enchaîne toutefois avec une histoire personnelle éclairante. Sans-le-sou à Montréal, il accepte un poste de chargé de cours en écriture de scénarios. Il se retrouve alors confronté à un groupe d’élèves qui ne connait rien des auteurs classiques. Son ami, directeur de département de littératures, lui confiera que «tout ce qui est 17e et 18e siècle, c’est illisible pour eux ». Cette perte de culture inquiète Arcand et il en fait un thème important dans Les invasions barbares.

Quant à la situation de l’art au Québec, Denys Arcand se montre pragmatique et un peu amer. Devenir cinéaste ici n’est pas une chose facile. Il relève une « fascination pour les bas-fonds » qui explique qu’on lui reproche de traiter de sujets « bourgeois ». Le cinéaste québécois se bute aussi à un marché très petit, trop petit, de sorte que nos grands artistes sont souvent obligés de s’exiler en France pour faire carrière.

Questionné sur sa conception de l’art, Denys Arcand répond que son crédo, l’authenticité – tendre un miroir à la société -, n’est pas une règle absolue. « C’est valide pour moi, selon Arcand. L’art pousse partout. Il n’y a pas une forme d’art qu’il faut écrire. »

L’éternel retour à Duplessis

Alexandre Provencher-Gravel termine l’heure par des questions politiques en lien avec les documentaires de Denys Arcand. Celui qui a signé le film Le Québec, Duplessis et après, répond en référant au génie politique de Duplessis : « Si un parti réussissait à occuper le centre droit comme Duplessis l’a fait, il éclipserait les autres ».

La deuxième heure est vouée aux questions du public qui ne se font pas attendre. Denys Arcand révèlera que la défaite référendaire a été un choc pour lui et qu’il délaissa complètement la cause. Ses films suivants ne parlent plus du tout d’indépendance : les personnages du Déclin parlent d’histoire et d’art, mais pas de politique.

Et à la grande question, à savoir ce qui fait une grande œuvre, le cinéaste répond : le temps.

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