De tous temps, l’humour a constitué l’une des armes employées par les groupes sociaux dominés pour mettre en lumière les systèmes sociaux d’oppression et de domination orientés contre eux. La critique prend ainsi une forme ironique, mais qui n’en demeure pas moins mordante, et vient allier le plaisir et la joie à sa dimension proprement militante.
Par Félix Étienne, directeur de l’information
C’est ce 10 mars que s’est tenue la première édition du Womansplaining Show depuis la réouverture des salles de spectacle. Ce spectacle récurrent, animé par Noémie Leduc-Roy et Anne-Sarah Charbonneau, met « en vedette des humoristes femmes, personnes non binaires, transgenres et fluides dans le genre » et vise à combattre le patriarcat par l’arme de l’humour et de la dérision.
Devant une salle comble et un public majoritairement féminin, les deux animatrices du spectacle d’humour ont présenté tour à tour les numéros des différentes artistes invitées, soit Véronique Isabel Filion, Emna Achour, Marie-Hélène Racine-Lacroix et Suzie Bouchard, en plus de présenter chacune leurs propres sketchs humoristiques. En allant voir un spectacle d’humour féministe, je m’attendais évidemment à voir abordés sur scène de nombreux sujets sensibles relatifs aux différentes dimensions du patriarcat, et en tant qu’homme, à prendre davantage connaissance de ces réalités.
L’appellation du spectacle vient d’une déformation de l’expression mansplaining (pour ceuzes qui ne connaissent pas le terme, le mansplaining réfère à un moment où un homme explique à une femme quelque chose qu’elle sait elle-même pertinemment). Pour les animatrices, le Womansplaining show vise donc plutôt à donner la parole aux humoristes issues de la gente non masculine et à permettre aux membres du public de rire ensemble du patriarcat, mais aussi de nombreuses autres oppressions, pour mieux les détruire.
À travers les différents numéros présentés tout au long du spectacle, plusieurs sujets sensibles ont été abordés d’une façon mordante tout en présentant une réflexion profonde. Culture du viol, homophobie, grossophobie, crise écologique, capitalisme, xénophobie et même la confiance masculine : tous ces sujets étaient passés au crible par les humoristes participantes du spectacle.
Je dois dire qu’autant sur le plan de l’humour que sur la portée critique, j’ai été pleinement satisfait par cette édition du Womansplaining Show. En tant que représentant de la catégorie privilégiée par excellence qu’est l’homme blanc cis hétéro, plusieurs des numéros présentés m’ont fait considérer d’un point de vue nouveau les enjeux abordés par les humoristes, tout me permettant de profiter d’un très bon moment de franche rigolade. Si je devais mentionner deux coups de cœur, je dois avouer que les passages des numéros de Marie-Hélène Racine-Lacroix et de Suzie Bouchard, portant respectivement sur la grossophobie et sur la confiance en soi masculine (et la charge mentale qui incombe aux femmes devant en tenir compte) m’ont particulièrement fait réfléchir à ces enjeux.
Pour les personnes qui souhaiteraient revoir ce spectacle militant d’un niveau exceptionnel, et faire la découverte d’autres artistes féministes, le Womansplaining Show sera de retour dans la Vieille Capitale, toujours au Théâtre du Petit Champlain, le 1er juin prochain.