La formation Perdrix présentait son Rock Poutine au monde entier le 26 mars dernier. La version physique est livrée enveloppée d’un faux-napperon de casse-croûte, graisseux ou non, au choix de l’acheteur. Le groupe est mené de front par les sœurs Mariève et Mélanie Harel-Michon aux voix, entourées de Guillaume Mansour et Raphaël Léveillé derrière les guitares, d’Arthur Bourdon-Durocher à la batterie et d’Agathe Dupéré aux basses fréquences.
Les lignes de basse sont une des grandes forces du projet, toujours douces à l’oreille, accrocheuses, parfaitement placées. Rares sont les albums où la basse brille autant par-dessus les autres couches instrumentales. Particulièrement sur l’ensoleillée Rengaines de fille moyenne, où elle se mélange à des guitares quasi-hawaïennes. Les harmonies du refrain de cette même pièce sont sans doute déjà le haut point de l’album. Difficile de ne pas chanter dans son salon avec les sœurs Harel-Michon et leur chœur. Difficile aussi de ne pas sourire en écoutant le monologue terminant la pièce, débordant d’un humour créatif, tout en contraste avec la voix sans émotions l’exclamant.
Parlons justement de l’humour du groupe. Incisif, féministe, réussissant à traiter de sujets autant banals que sérieux avec grand succès. Les textes sont toujours pertinents, sans toutefois se prendre au sérieux ou devenir lourds par excès de blagues. On n’est pas chez Les Trois Accords ou tout autre groupe de musique humoristique : Perdrix c’est de la musique drôle, pas de l’humour avec un accompagnement, et c’est tout à leur honneur!
Des influences variées
La réalisation de Navet Confit est en tout point impeccable. Les pièces sont colorées, ont de l’impact quand il faut, les instruments sont habilement séparés dans le spectre stéréo. Elles rappellent le party grunge que Navet fait si bien, sans toutefois en être un pastiche. Bye Bye Hymen en est un excellent exemple, la pièce semble craquer sous l’impact des guitares et la montée en fin de pièce est un vrai délice avant de laisser la pièce s’aventurer dans un « stop and go » interrompu de saxophone.
Star Laundromat, avec ses relents de Gainsbourg sur Histoire de Melody Nelson ou encore de Beck sur Sea Change, est une excellente pièce, qu’on avait déjà entendu comme simple, mais qui prend encore plus de sens dans le contexte de l’album. D.T.F., bien qu’elle soit hilarante, est la première pièce où la formule du groupe fonctionne un peu moins. Le rock américanisé, rempli de cloche à vache, du refrain est un peu déconcertant. Perdrix fonctionne à son mieux en explorant plusieurs traditions musicales et en leur ajoutant une touche ludique et accrocheuse. Le groupe ne prétend sans doute pas réinventer les conventions des genres qu’il explore, mais cette fois, on sent l’inspiration peut-être un peu trop proche, pas assez adaptée aux forces des Montréalais.es. Même impression pour le début de Grano’l digga, qui se perd dans des méandres psychés-progs qui laissent un peu indifférent. Les vapes se dissipent au refrain, absolument génial, qui met en valeur une mélodie vocale surprenante et infiniment satisfaisante. Les interactions des guitares de Guillaume Mansour et Raphaël Léveillé, autant dans ce refrain que dans le « jam » final sont sans doute aussi savoureuses que le tofu soyeux dont traite la chanson. L’idée des paroles, d’ailleurs, est délicieuse : se chercher un.e partenaire, un.e mécène, binaire ou non, queer ou trans, pour aider au financement de l’épicerie biologique, qui coûte trop cher.
Une finale un peu plus faible
Zombielove est une excellente pièce pop-rock qui s’étend peut-être un peu trop longtemps, l’exploration en accelerando à la Black Sabbath fait sourire, détonnant avec les refrains remplis de synthétiseurs qui suivent et précèdent. La pièce suivante, Gina, avec ses guitares oscillant entre les références au noise-rock de Sonic Youth et le rock lourd de Codéine est un changement de ton agréable.
Allergique (as-tu pris le pouls du poulpe?) est une offrande finale un peu difficile à suivre dans ses multiples changements stylistiques : de la pop vintage au slacker au death metal. C’est drôle, c’est surprenant, mais on voudrait parfois entendre davantage des meilleures sections et on est un peu laissé sur notre faim. Ce qui rappelle que l’album, malheureusement, se termine généralement plus faiblement qu’il a commencé. Il faut dire que la barre établie par les premières pièces était excessivement haute.
Perdrix nous offre une proposition rafraichissante dans un paysage musical québécois qui, même dans l’humour, se prend trop souvent au sérieux. Il y a définitivement sous les doigts des Montréalais et Montréalaises de Perdrix davantage de succès pour faire danser les foules avides de pop intelligente.