Un des plus grands auteurs de théâtre, William Shakespeare, amène plusieurs questionnements quant à la paternité de ses œuvres. Comment un petit commerçant d’une plus petite ville encore a-t-il pu enfanter une œuvre aussi riche, aussi dense, aussi intemporelle et à ce jour inégalée ? Comment un tel homme, durant la Renaissance anglaise où une immense majorité de la population est quasi-illettrée, a-t-il pu écrire des dizaines de pièces si extraordinaires, dans une langue aussi poétique ? Plus de 400 ans après sa mort, la question n’est toujours pas résolue. Certainement qu’un voyage dans le temps permettrait de trouver la réponse, mais nous devrons nous contenter des théories les plus populaires quant à l’identité cachée de l’auteur.
Par Léonie Faucher, rédactrice en chef
Un de mes auteurs préférés du passé est certainement William Shakespeare, dont les pièces sont encore jouées sur les scènes québécoises d’aujourd’hui. Bien que nous connaissions plusieurs éléments du passé, celui-ci conserve des blancs, des trous sans réponses. D’ailleurs, la série télévisée La malédiction d’Oak Island met à l’avant les frères Lagina qui cherchent un trésor sur une île canadienne. Une des théories avancées serait que le trésor qu’ils recherchent contient des manuscrits de Shakespeare qui pourraient révéler sa véritable identité et ainsi combler certaines interrogations historiques.
Effectivement, Shakespeare pourrait bien être un pseudonyme, une pratique courante à l’époque pour épargner la honte aux familles, car l’Église catholique considérait les acteurs du milieu théâtral comme des dépravés et ils devaient renoncer à leur métier artistique avant leur mort pour pouvoir être enterrés dans un cimetière en terre sacrée. Pensons au cas de Molière, alias Jean-Baptiste Poquelin, qui s’est vu refuser le cimetière, n’ayant pas renoncé avant sa mort à la scène.
Les théories présentées sont en partie fondées sur les rumeurs populaires que j’ai eu la chance d’apprendre dans mon parcours scolaire en théâtre et en partie fondées sur les dernières découvertes de l’histoire de l’auteur anglais.
Théorie 1 : La tombe maudite
Les circonstances de la mort de William Shakespeare ne sont pas exactes et restent assez nébuleuses. Puisqu’il avait commencé à rédiger son testament plusieurs mois avant sa mort, il est possible de croire qu’il a succombé à une longue maladie. Sa tombe a toujours été source de légendes, notamment en raison de sa célèbre épitaphe : « Mon ami, pour l’amour de Jésus, abstiens-toi de creuser la poussière enfermée ici. Béni soit celui qui épargne ces pierres. Et maudit soit celui qui déplace mes os ». La légende veut que dans cette tombe, Shakespeare ait été inhumé avec des objets et des œuvres inédites. Et c’est pourquoi, l’épitaphe met en garde de ne pas fouiller dans la poussière de sa tombe ; pour garder un secret. Cependant, en 2016, des archéologues ont radiographié la tombe de Shakespeare et ont réalisé un documentaire sur le sujet destiné à la télévision britannique. Une des curieuses découvertes : le crâne de Shakespeare semble avoir disparu. Il faudrait ouvrir la tombe pour en avoir le cœur net, mais l’église de la Sainte-Trinité à Stratford où est enterré Shakespeare a refusé l’ouverture aux archéologues, car elle n’ose pas tenter le diable ou défier les spectres de la malédiction gravée. « Pour moi, il est très fortement probable que son crâne ne se trouve pas à la Sainte Trinité », insiste le professeur dans le documentaire diffusé à l’occasion des 400 ans de la mort du grand dramaturge.
Théorie 2 : La sexualité de Shakespeare
Être ou ne pas être homosexuel, telle est la question ! La sexualité de Shakespeare reste une énigme. Qui est ce Mr WH à qui la première édition en 1609 des sonnets shakespeariens était dédiée ? L’ami Henry Wriothesley serait alors un tout autre type d’ami de l’auteur. Il faut dire que les comédiens à l’époque étaient tous des garçons et interprétaient également les personnages féminins. Les interprètes originaux de Roméo et Juliette étaient donc deux hommes. Aussi, il semblerait que Hamlet ait été homosexuel. Oui, oui, l’homme au crâne ! C’est probablement l’argument le plus faible, mais une légende urbaine veut que la première copie publiée de la pièce contenait un acrostiche disant « I am homosexual ».
Théorie 3 : Pas le bon auteur
Probablement la théorie la plus connue et la plus populaire, Shakespeare serait un mytho qui n’était pas réellement l’auteur de ses pièces. Pourquoi ? Shakespeare aurait été un paysan illettré. En effet, il n’est pas attesté qu’il ait reçu une éducation. Alors que ses contemporains ont laissé des traces de leur travail et de leur écriture, de Shakespeare, on ne trouve que quelques exemples de sa signature, un gribouillis peu inspirant. Logiquement, on voudrait qu’un génie littéraire ait du vocabulaire et une signature soignés, mais non. Alors, qui a écrit les œuvres de Shakespeare ? Quatre auteurs talentueux de l’époque sont nommés en théorie : le comte d’Oxford, Francis Bacon, Christopher Marlowe et le comte de Derby. Quatre potentiels Shakespeare. Les experts possèdent tous leur théorie sur la paternité des œuvres de Shakespeare, mais aucune réponse définitive n’a pu être donnée. William Shakespeare serait donc un pseudonyme pour un autre auteur.
Théorie 4 : Le voyageur
Potentielle explication de l’absence de documentation sur la vie de l’auteur ; Shakespeare aurait été un voyageur et c’est pourquoi aucune trace de son éducation et de son vécu n’aurait été conservée. Les pièces se déroulent souvent en Italie ou en France, alors qu’il demeurait en Angleterre. Les descriptions paraissent tellement réalistes et précises, que certains partisans croient en la théorie d’un Shakespeare français ou italien. Par contre, où William Shakespeare aurait-il puisé ses connaissances de l’Antiquité, de l’Histoire, du Droit et de l’anatomie ? Comment l’auteur aurait-il pu connaître dans le détail de nombreux aspects de la vie de cour et des habitudes exotiques de l’aristocratie, lui qui gravitait si loin de ces cercles ? Était-il simplement un troubadour voyageant d’une ville à l’autre sans laisser de trace ?
Théorie 5 : Inventé !
Une théorie émet que Shakespeare n’a tout simplement jamais existé. En effet, les pièces shakespeariennes regorgent de princes assassinés et de remises en question plus ou moins subtiles de l’autorité monarchique à une époque où le pouvoir en place détenait justement la capacité d’envoyer en prison ou de tuer ceux qui dévalorisaient la monarchie. Si William Shakespeare n’a jamais eu de démêlés avec la monarchie, c’est peut-être simplement parce qu’il n’a jamais existé, sinon il aurait été arrêté comme plusieurs autres écrivains qui ont fait un séjour en prison. Par exemple, le cas de la pièce Tartuffe, même si Molière était l’écrivain protégé de Louis XIV, sa pièce a été soumise à la censure par l’Église. Si on ne peut pas prouver que Shakespeare est bien Shakespeare, c’est peut-être parce que c’est une invention immatérielle d’un auteur qui voulait se protéger de la passible punition de ses propos en créant un auteur fantôme.
Alors, William Shakespeare, invention, réalité ou auteur fantôme ?