La nouvelle loi sur le droit de manifester, promulguée le 24 novembre dernier, commence à faire effet. Plusieurs arrestations ont été recensées, dont celles de vingt-deux femmes et de deux figures de proue de l’opposition, Ahmed Maher (fondateur du mouvement 6-Avril) et Alaa Abdel Fattah.
La photo montrant plusieurs jeunes femmes derrière les barreaux a fait le tour du monde très rapidement. Arrêtées lors d’une manifestation contre le pouvoir en place, elles ont été accusées « d’avoir perturbé la circulation, détruit l’entrée d’un bâtiment, agressé des agents en service et troublé l’ordre public après avoir participé à une manifestation pro-Morsi pacifique organisée le 31 octobre à Alexandrie. Elles ont également été accusées d’appartenance à un groupe interdit se livrant à des activités terroristes » selon un communiqué de presse d’Amnistie Internationale. Sept jeunes filles, âgées entre 15 et 18 ans, seront traduites devant une cour juvénile, alors que les autres ont été condamnées à 11 ans de prison en vertu de la nouvelle loi.
Cette loi, qui ressemble à la loi 78 adoptée par l’Assemblée nationale l’année dernière, est beaucoup plus restrictive. Les organisateurs doivent informer (et non pas demander une autorisation, quoique la nuance des mots ne fasse pas de différence pour les autorités) de la tenue d’une manifestation trois jours à l’avance en détaillant l’itinéraire suivi, les demandes et même les slogans utilisés! Sans cela, les organisateurs et participants risquent d’encourir des peines de prison énumérées dans la loi. Elle donne même le droit aux policiers d’utiliser des moyens plus coercitifs qu’à l’habituel si la dispersion de la manifestation est nécessaire et que les moyens usuels ne donnent pas d’effet.
Les « puissances occidentales » doivent s’en mordre les doigts. Pas plus tard que l’été dernier, les porte-paroles de plusieurs États ont qualifié l’armée égyptienne de rempart pour la démocratie en Égypte lors du « coup d’État » porté contre le président Mohamed Morsi, membre des Frères musulmans et élu démocratiquement en juin 2012. Certains ont la mémoire courte des soixante dernières années durant laquelle les militaires ont mis main basse sur la gouvernance de l’Égypte et instauré une dictature. Peut-être font-ils référence à « la protection contre les mouvements islamistes » comme « processus de démocratisation », en l’occurrence l’inaptitude de la confrérie des Frères musulmans à pouvoir se présenter aux élections truquées, en occultant bien sûr l’ouverture entamée dans les années 70-80 d’Anouar al-Sadate.
Mohamed Morsi doit faire face à la justice égyptienne, alors qu’il est accusé d’avoir incité aux meurtres des protestataires de son pouvoir, alors que l’armée a tué plus d’un millier de manifestants « pro-morsi » depuis août dernier, sans compter les quelques deux mille membres des Frères musulmans arrêtés depuis.
La première manifestation qui semble avoir été autorisée par le Ministère de l’Intérieur a eu lieu le 1er décembre devant l’ambassade du Qatar au Caire. Des drapeaux turcs et qataris ont alors été brûlés et les centaines de manifestants chantaient des slogans contre la chaîne médiatique qatarie Al Jazeera, reconnue en arabe comme prolongement de la politique extérieure de la petite île. Son interférence dans les affaires internes de l’Égypte lui a été reprochée, en plus d’être accusée de désinformation sur la situation égyptienne.
Une version non officielle de la loi (en anglais) est disponible sur le lien suivant : http://english.ahram.org.eg/NewsContentPrint/1/0/87375/Egypt/0/Full-English-translation-of-Egypts-new-protest-law.aspx