Lauréate de la bourse OpenCon 2016 remise par la Bibliothèque de l’Université Laval, la doctorante en droit international pénal, Claire Magnoux, aura la chance de participer à un congrès à Washington du 12 au 14 novembre. En lien avec le libre accès, ce dernier réunira de jeunes chercheurs de partout dans le monde.
Cette rencontre permettra à ses participants de partager leur point de vue sur le concept. Claire Magnoux s’attend à en ressortir avec des outils suffisamment importants pour être en mesure de convaincre les autres des bienfaits du libre accès en recherche.
Pour être admissible à la bourse, celle dont la thèse de doctorat s’intitule « Les politiques de poursuites du procureur de la Cour pénale internationale » a rempli un formulaire. Elle devait, entre autres, expliquer en quoi la participation au congrès lui serait utile par rapport à son champ d’expertise.
L’étudiante native de Limoges, en France, est partie du principe que les droits humains et la justice internationale pénale ne peuvent être compris que lorsque les ressources pour l’expliquer sont accessibles. « On travaille notamment sur des sujets qui peuvent paraître extrêmement compliqués, mais dont on a pour vocation de vulgariser. »
« Pour réussir tout ce processus de vulgarisation, de prévention et de diffusion de la connaissance sur les droits humains, il faut que les gens aient accès à nos recherches, soutient-elle. Et il faut que l’on aille accès aux recherches des autres chercheurs. Le fait que tous les articles soient payants, ça empêche la diffusion du savoir. »
Enjeu mondial
Claire Magnoux indique avoir découvert la problématique du libre accès quelques mois après son arrivée au Québec, à l’automne 2014. La Bibliothèque de l’Université Laval a alors dû effectuer une opération de rationalisation des périodiques scientifiques, notamment en raison du coût de leur abonnement, qui est en constante augmentation.
Malgré ces coupures, les étudiants de l’Université Laval demeurent avantagés par rapport à de jeunes chercheurs d’ailleurs dans le monde, indique la doctorante. « On est dans une université d’Amérique du Nord qui nous permet d’avoir accès à des articles payants, mais il faut s’imaginer que plein d’autres universités n’ont pas ce budget-là et n’ont pas cette possibilité-là. »
« L’idée que notre travail puisse être réservé à une élite, c’est un peu contraire à nos objectifs, soit de diffuser la connaissance, d’avoir un dialogue, d’argumenter et de contester ce que l’on dit. Qu’il y ait tout cet aspect payant fait que ça n’arrive pas. »
À ses yeux, le libre accès est donc un enjeu hyper problématique à l’échelle mondiale. Actuellement, l’accès à plusieurs documents scientifiques est payant. Le développement des connaissances se retrouve ainsi ralenti.
« On ne fait pas de la recherche pour que la finalité soit un papier de recherche, mais pour que d’autres rebondissent sur ce que l’on écrit, insiste-t-elle. Le fait de rendre ce processus payant en empêche d’autres de nous citer ou de contester ce que l’on a fait. Ça empêche, quelque part, le dialogue scientifique. »
La Semaine internationale du libre accès 2016 est soulignée du 24 au 30 octobre.
Avant de s’installer au Québec pour son doctorat, Claire Magnoux a eu l’occasion de vivre un an en Bosnie-Herzégovine à l’occasion de son Service volontaire européen. Même si elle n’y a pas fait de droit, c’est cette expérience qui lui a donné envie de revenir à la recherche.
Pendant 11 mois, elle a eu l’occasion de travailler pour une association et de s’intégrer à la population de ce pays ayant été impliqué dans une guerre importante avec d’autres pays des Balkans au cours des années 1990.
La doctorante y a rapidement constaté certaines discordances au sujet de la justice internationale pénale. Elle dit avoir été marquée par la différence entre ce qu’elle avait appris dans ses cours et la façon dont l’aide se faisait ressentir sur place.
« Il y avait un décalage énorme entre ce que les gens vraiment victimes de violation des droits humains ont ressenti comme étant les apports de cette justice internationale et la façon dont celle-ci se présentait. »
« Pour la plupart, les gens ne gardent pas un très bon souvenir du Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie et de certaines interventions ou non-intervention des Casques bleus. Sur le terrain, la vision un peu idyllique qu’on a de la justice internationale pénale est largement remise en cause. »
Elle avoue que d’avoir été concrètement mise aux faits de cette situation lui a donné envie de faire de la recherche autrement, soit « de s’interroger sur des enjeux un peu moins juridiques, mais qui sont de l’ordre de la légitimité, du ressenti et des perceptions des populations. Ça m’a donné envie de travailler là-dessus ».