Stéphanie Vincent : 23 262 km au travers de l’Amérique à vélo

C’est parce que c’est beau, bon et pas cher que Stéphanie Vincent a choisi le vélo pour effectuer un périple entre Vancouver et Ushuaia. Elle était pourtant loin de se douter que le véhicule à deux roues deviendrait une condition essentielle à son bonheur. Trop bref récit d’une traversée de l’Amérique à vélo de 19 mois.

À la fin de son baccalauréat en études littéraires, en 2012, Stéphanie Vincent se fait poser la même question à répétition : « Qu’est-ce que tu vas faire avec ça ? » Comme plusieurs de ses semblables, l’étudiante de l’Université Laval ne sait quoi répondre. Va-t-elle poursuivre ses études à la maîtrise ? Ou optera-t-elle plutôt pour le marché du travail ? Indécise, elle branle dans le manche.

Puis, surgit une idée folle, un flash qui va changer le cours de son existence dans les mois et années à suivre. « Pourquoi ne pas prendre la clé des champs, s’évader sur deux roues en direction de l’autre bout des Amériques ? » Si la jeune vingtenaire avait déjà caressé le projet par le passé, elle voit dans le cul-de-sac auquel elle est confrontée l’occasion de le concrétiser.

Quelques mois plus tard, la voilà à Vancouver, en compagnie d’une amie, Kim, et de son Trek 520, la monture en acier de 16 kilogrammes qu’elle chevauchera jusqu’à Ushuaia, la « fin du monde », en Argentine. Le plan initial : rouler les 18 000 kilomètres qui les séparent de leur objectif en neuf mois. Nous sommes en octobre. Le retour est prévu pour l’été suivant.

En route vers le Salar d'Uyuni, Bolivie - Courtoisie Stéphanie Vincent
En route vers le Salar d’Uyuni, Bolivie – Courtoisie Stéphanie Vincent

Plein gaz

C’est un départ : le duo s’élance sur la côte ouest-américaine. Entre les « state parks super bien aménagés » et les interminables journées de pluie, elles roulent « plein gaz », avalant la côte ouest en un mois et demi. Chemin faisant, les premières anecdotes de route surviennent, dont cette fois, près de Monterey, où chaque jeudi et mardi, « Paul s’installe avec Kermie, son véhicule de type Westfalia, et distribue des biscuits maison (délicieux) et des conseils aux cyclotouristes de passage ».

Vient ensuite le Mexique, cette « terre inconnue des cyclistes » où les guerres entre les cartels de drogue sèment la terreur. « On commence à avoir l’habitude des véhicules militaires remplis de soldats armés jusqu’aux dents […] C’est toujours un peu drôle à vélo de voir les militaires vous envoyer une main avec enthousiasme alors que dans l’autre ils tiennent un fusil d’assaut. » Cela ne les empêche pourtant pas de croiser certains de leurs semblables, des rencontres qui se répéteront à de multiples reprises.

Lac Atitlán, Guatemala – Courtoisie Stéphanie Vincent

Guatemala (beaucoup de questions sur leur état matrimonial), Salvador (55 degrés Celsius au soleil), Nicaragua (volcano boarding) : le voyage progresse en Amérique centrale. Le moral, lui, en arrache. C’est que, du propre aveu des deux cyclistes, « elles ne voyagent pas au même rythme ». Résultat : au bout de six mois, ou 8500 kilomètres, Kim met fin à son périple et retourne au Québec. Stéphanie continue toute seule, « en solo ».

Second départ

Avec ce « deuxième départ » viennent de nouveaux objectifs. Stéphanie, soudainement moins pressée dans le temps, remet aux calendes grecques la fin de son voyage. Désormais, elle roule avec, en tête, l’idée lointaine d’une ligne d’arrivée, mais sans plus. Ce qui lui laissera de s’imprégner à plein de la culture des pays sud-américains qu’elle s’apprête à traverser. Et de saisir toute la sauvage beauté des innombrables paysages montagneux qu’elle franchira à la force de ses jarrets. Saviez-vous d’ailleurs qu’au Pérou, dans les virages des cols, les voitures accélèrent en klaxonnant au lieu de ralentir ?

Finalement, au bout d’un périple de 23 262 km ponctué de son lot de crevaisons, de moments de découragement et d’actes de rare générosité, la voilà arrivée au bout de la Terre de Feu. Nous sommes en mai 2014, soit près d’un an après la date de retour prévue. Outre ses gambettes qui se sont considérablement développées, tout comme son système D, c’est son regard sur son quotidien d’autrefois qui s’est métamorphosé. « Le stress ? Connais pas : j’ai traversé l’Amérique à vélo ! »

Photo : Courtoisie Stéphanie Vincent
La Paz, Bolivie – Courtoisie Stéphanie Vincent

Ultime saut dans le temps : jeudi dernier en marge d’une conférence donné à la Jeune Coop Roue Libre du Cégep Garneau, dans le cadre des activités de la Semaine des transports collectifs et actifs. Réfléchissant à voix haute sur « l’après », celle qui est maintenant à la maîtrise à l’Université de Montréal avoue qu’elle aurait « de la misère s’imaginer voyager autrement qu’à vélo. » À ce propos, elle cite le contact « plus chaleureux » avec les gens, tout comme les visites en dehors des chemins battus touristiques.

Mais, en filigrane, ce qu’on comprend vraiment, c’est qu’elle n’a jamais été plus heureuse que derrière son guidon. Bref, que le vélo est devenu une condition essentielle à son bonheur.

Pour revivre l’aventure de Stéphanie au travers de ses propres mots : www.crazygirlonabike.wordpress.com

Auteur / autrice

  • Maxime Bilodeau

    Journaliste (beaucoup), kinésiologue (un peu) ainsi qu’amateur de sports d’endurance (jamais assez), Maxime œuvre au sein d’Impact Campus depuis 2013. Le journaliste-bénévole qu’il était alors a ensuite dirigé les Sports pour, finalement, aboutir à la tête du pupitre Société, une entité regroupant les sections Sports, Sciences & technologies et International. Celui qu’on appelle affectueusement le « gârs des sports » collabore aussi à diverses publications à titre de pigiste. On peut le lire entre autres dans Vélo Mag, Espaces, et L’actualité.

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