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Les athlètes sont-ils sensibles aux cris et aux huées des spectateurs?

Une étude menée en 2007 par des chercheurs de l’université d’Harvard révélait que la taille de la foule et le lieu d’attache du terrain pouvaient influencer les décisions d’un arbitre. Chez Impact Campus, nous nous sommes alors demandé si les applaudissements ou les huées de la foule changeaient aussi quelque chose dans le jeu des sportifs.

Par Lucie Bédet, journaliste multimédia

Ils étudient à l’Université Laval et dédient une partie de leur vie au sport. Nadine et Samuel sont membres du Rouge et Or. Elle, pratique deux disciplines individuelles peu connues du grand public : le lancer de marteau et de poids. Lui, à l’opposé, s’adonne au football. Ils nous ont raconté leurs avant-matchs, leurs angoisses et leurs joies.

« Parfois, on passe à la télévision ou on joue au PEPS devant 18 000 personnes. On se sert de l’énergie du public pour s’amener à un autre niveau. Ça nous sert sur le terrain. »

C’est ce que raconte Samuel Lefebvre, joueur de ligne offensive. Et il n’a pas tort : l’étude initiale de Ryan H. Boyko, menée en 2006 et basée sur les résultats de plus de 5 000 parties de soccer, démontrait que les équipes marquaient en moyenne 1,5 buts à domicile, et 1,1 à l’extérieur. De plus, pour chaque groupe de 10 000 spectateurs supplémentaires, l’équipe locale était en mesure de marquer 0,1 but de plus. Ces observations fonctionnent tant pour le football que pour le soccer. Mais ces résultats sont-ils à mettre en corrélation directe avec le soutien de la foule ?

En réalité, c’est plus compliqué que cela : il y a, évidemment, un avantage à jouer à domicile mais plusieurs facteurs entrent en compte. Il y a d’abord le côté technique : les joueurs connaissent mieux le terrain sur lequel ils se sont entraînés, puis le côté physique. Ils n’ont pas la fatigue liée au transport et enfin, le côté psychologique, avec l’impact de la foule, à la fois sur leur moral mais aussi sur les biais inconscients des arbitres.

La pression de la foule

« La foule qui vous observe et vous encourage va vous mettre de la pression. Ça déclenche du stress mais les gens y réagissent différemment. Pour certaines personnes, ce stress va être positif et pour d’autres, elles vont s’effondrer », explique Mehdi Moussaïd, expert en mouvements de foule.

Nadine Kremer est en maîtrise de communication publique. Elle vient du Luxembourg et vit depuis deux ans à Québec. Au Rouge et Or, elle estime que chaque paire d’yeux qui la regarde lui donne plus de pression. « Je suis plus tendue quand je connais les personnes qui viennent me voir. Surtout si ce sont des gens qui ne me prennent pas au sérieux, je veux vraiment leur montrer que je fais les choses bien ».

Samuel réagit différemment, il ne ressent pas ce stress : « Quand il y a du monde qui crie pour toi, ça t’amène un boost d’adrénaline, tu as l’impression d’être plus grand d’un pouce et de peser 10 livres de plus. »

Malgré leurs émotions opposées, les deux athlètes parviennent à se mettre dans une bulle et se concentrer pour atteindre les mêmes performances qu’à leurs entraînements. « À l’extérieur, quand il y a de grandes foules contre nous, ça peut changer notre façon d’aborder le match, développe Samuel, une foule hostile attend que tu fasses une erreur mais est-ce que moi personnellement ça modifie mon jeu ? Je ne pense pas… »

L’esprit équipe et les attentes des autres

Nadine Kremer, en plus de se démarquer au lancer, a su se faire une réputation de joueuse d’échecs au Luxembourg, à Vienne en Autriche et dans l’est de la France. En ayant un niveau assez reconnu, les autres joueurs et le public l’attendent au tournant : « Ils ont des attentes sur mes performances, et récemment, j’ai connu une période de pause. J’aime rejouer ici car personne ne connaît mon niveau et est étonné de mes bons ou de mes mauvais jours. »

Pour ce qui est des sports d’équipe, les attentes sont différentes. Au football, ils sont douze sur le terrain avec chacun leur partie du travail à faire. Le sentiment d’appartenance est un plus mais peut aussi apporter une forme de culpabilité si un joueur fait une erreur. « Si un de nous ne fait pas son jeu, on ira nulle part, c’est sûr. De ce côté-là, c’est un peu individuel mais quand tu retournes aux vestiaires, onze autres gars sont là pour te taper dans le dos et te dire que ça va aller, qu’il faut se reprendre ».

« Lorsqu’il y a beaucoup de monde, il y a la pression mais pas de changement dans mon comportement car j’ai une routine de compétition et je ne me laisse pas influencer. Il faut être forte mentalement pour bien lancer. »
– Nadine Kremer

Cet esprit d’équipe existe aussi dans les sports individuels mais davantage lors de l’entraînement. Nadine apprécie s’entraîner avec quelqu’un qui a le même niveau qu’elle ou même en dessous. Elle explique que ça l’aide à se surpasser. « Si elle s’approche de mon record, ça va me piquer dans mon ego et m’inciter à aller plus loin. Et elle, ça la motive aussi à lancer plus loin pour se dépasser. »

Dans toutes ces situations, Samuel et Nadine apprécient toujours avoir des encouragements. Le footballeur précise même que pour l’équipe Rouge & Or, c’est un plaisir de « jouer à Québec, devant les meilleurs fans au Canada ».

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