Il serait aberrant d’affirmer qu’il n’y a pas de compétition dans les jeux vidéo. Les rivalités qui en découlent, aussi amicales soient-elles, sont omniprésentes lorsqu’il s’agit d’aborder la question : que l’on parle des soirées entre ami.e.s devant une énième itération de Mario Party, des tournois d’e-sport, des trophées, ou encore des scores, la compétitivité suinte de la sphère vidéoludique. Un jeu vidéo, dans son essence, est une compétition, ne serait-ce qu’avec lui-même, s’il s’agit d’un jeu solo. Toutefois, certains d’entre eux nécessitent de collaborer avec d’autres joueur.euse.s pour vaincre l’équipe adverse ou encore compléter l’histoire qui nous est proposée. Dans le cadre de notre billet, ce sont ces jeux qui nous intéressent : ceux qui, sans la collaboration d’un.e ami.e physique ou virtuel.le, il serait impensable d’y jouer. Ici, l’autre est, au même titre qu’une arme, une composante fondamentale du jeu.
Par Ludovic Dufour et William Pépin, chefs de pupitre société et arts
Vous verrez, les suggestions sont assez diversifiées : nous avions pour objectif de ratisser large, afin que tout le monde puisse y trouver son compte. L’intérêt de ce billet est avant tout de faire découvrir des jeux – récents ou non, connus et méconnus – pour que les joueur.euse.s plus casual puissent trouver une porte d’entrée à cet univers parfois intimidant, voire hermétique.
Overcooked (2016) – Ghost Town Games
Windows, PlayStation 4, Xbox One, Switch
Suggestion de William
Ce n’est pas de gaité de cœur que j’insère ce jeu dans ma liste de suggestions. Si, pour moi, jouer à Overcooked équivaut à une séance cauchemardesque où les fondements mêmes de ma sérénité sont mis à mal, je crois qu’il peut s’agir d’une expérience stimulante pour les plus courageux et courageuses d’entre vous. Il s’agit d’un jeu où l’on doit gérer en équipe des restaurants, avec tout ce que cela implique: l’organisation des différentes commandes, les recettes, la cuisine, la vaisselle, les clients… et les obstacles du level design. Les joueur.euse.s devront s’unir et apprendre à communiquer pour mener à bien leur quête, non sans rencontrer plusieurs défis de taille, comme une cuisine séparée en deux par une traversée piétonnière, des éléments du décor qui changent constamment de position, des planchers glacés (et donc glissants)… Croyez-moi sur parole : Overcooked (que ce soit le premier du nom ou sa suite, d’ailleurs) testera votre patience, votre capacité de gestion, mais surtout vos amitiés. Vous constaterez également qui, dans votre groupe d’ami.e.s, possède toutes les qualités d’un.e leader (ou d’un.e bon.ne chef de quart chez McDo). Blague à part, il s’agit d’un jeu qui peut offrir de réels défis, surtout si l’on vise la note parfaite. Sachez, pour les plus motivé.e.s, que sa suite et ses nombreux contenus téléchargeables permettent d’allonger l’expérience sur de nombreuses heures.
Moving Out (2020) – DevM Games – SMG studio
Windows, Playstation 4, Xbox One, Switch
Suggestion de Ludovic
Je crois sincèrement que personne n’aime déménager. Faire des boîtes, déplacer les meubles, sacrer après un fauteuil qui ne passe pas par le cadre de porte et son ami qui ne lève pas assez son côté, tout le monde s’en passerait. Eh bien Moving Out vous permet de vivre cette fabuleuse expérience en y ajoutant un chrono. Vous allez devoir déplacer les meubles d’une maison à l’intérieur d’un camion de déménagement, et ce, dans le plus court laps de temps possible. Tous les moyens sont bons pour économiser de précieuses secondes, le lancer du lit double depuis la fenêtre du deuxième étage est une technique primordiale. Il faudra également s’assurer que le tout puisse entrer dans le camion à la fin! La comparaison avec Overcooked est évidente et on retrouve une expérience similaire à plusieurs niveaux. Cependant il y a une subtilité : Overcooked demande de séparer efficacement le travail, Moving Out, pour sa part, force le travail d’équipe en présentant des tâches ne pouvant être accomplies qu’à deux comme soulever des objets lourds. En bref, si vous avez aimé Overcooked, vous aimerez Moving Out, si ce n’est que pour avoir une autre raison de détester vos ami.e.s.
Lovers in a Dangerous Spacetime (2015) – Asteroid Base
PC, Playstation 4, Xbox One, Switch
Suggestion de Ludovic
Lovers in a Dangerous Spacetime est aussi mignon que son nom le laisse présager. Votre équipage doit voyager dans l’espace pour aller retrouver les morceaux du réacteur à passion. Chaque niveau demande de délivrer des animaux, qui une fois libérés, lancent des rayons arc-en-ciel qui ouvrent un portail en forme de cœur menant vers la suite du jeu. On ajoutera que l’amour est l’énergie la plus puissante de tout l’univers pour être bien certain que c’est suffisamment adorable. Outre l’abondance de la couleur rose, le jeu offre un gameplay intéressant. Votre vaisseau dispose d’un moteur, d’un bouclier et d’armes, mais tout ne se contrôle pas du même endroit. Comme il est impossible de tout faire en même temps, la coordination des membres d’équipage devient primordiale. Indiquer quelle arme doit être activée, quelle direction prendre, dans quel angle orienter les boucliers demande une bonne dose de communication. De plus, on dispose d’un système d’amélioration intéressant. De temps à autre, on obtient des gemmes qui peuvent être ajoutées à différentes parties du vaisseau et mélangées avec d’autres gemmes. On se demande alors ce qu’il vaut mieux augmenter et comment les augmenter. Par exemple, une gemme d’énergie et de métal transformera un canon en lance missile, donnera un moteur plus puissant qui jette des mines ou encore offrira au bouclier la capacité d’infliger des dégâts. En gros, un excellent jeu pour perfectionner votre travail d’équipe, parfait pour une soirée entre ami.e.s sur le divan.
Pico Park (2019) – Teco Park
PC, Switch
Suggestion de Ludovic
Pico Park est un jeu si simple qu’il est difficile de le décrire. On peut y jouer jusqu’à huit et on cherche simplement à ramasser une clé et terminer le niveau. Cependant chaque tableau à son défi qui lui est propre et demandera de coopérer d’une manière différente. Dans l’un, les personnages seront reliés par une corde, dans un autre on ils vont devoir se séparer pour récolter rapidement toute la monnaie et dans d’autres encore tous les joueur.euse.s contrôleront le même personnage. C’est de là que vient toute la force de Pico Park, chaque niveau est unique. Quand l’on pense maîtriser le jeu, ce dernier ajoute une nouvelle mécanique pour vous déstabiliser. On se retrouve à mi-chemin entre un jeu d’énigme et un jeu de plateforme, dépendamment du niveau.
Alors que plusieurs jeux deviennent plus faciles en augmentant le nombre de joueur.euse.s, ici c’est tout l’inverse. Chaque niveau est spécialement conçu pour s’adapter au nombre de participant.e.s et plus on en ajoute, plus il est difficile de rester coordonné.e.s. De plus, l’échec de l’un entraîne automatiquement la défaite des autres, tout le monde doit finir le niveau. Augmenter le nombre de joueur.euse.s voit donc augmenter le risque d’échec. On se surprendra de voir comment ses ami.e.s sont incapable d’accomplir des tâches simples comme ne pas appuyer sur le bouton ou attendre que la plateforme soit au sommet avant de sauter. Je crois que c’est ici plus que partout ailleurs où l’amitié sera en péril.
Warhammer : Vermintide 2 (2018) – Fatshark
Windows, Playstation 4, Xbox one, Xbox series x/s
Suggestion de Ludovic
Jeux d’action à la première personne se déroulant dans l’univers sombre de Warhammer, on s’éloigne ici beaucoup des titres précédents avec Vermintide. Oubliez les graphismes colorés et le gameplay plein d’innocence et appréciez plutôt des paysages glauques où vous allez découper vos ennemis par centaines et couvrir votre écran d’hémoglobine. Ce n’est pas une hyperbole, le sang des hommes-rats va parfois masquer l’action à force de démembrements. Au centre de cette boucherie, il y a quatre personnages, et si vous manquez de compagnons, l’intelligence artificielle prendra le relais pour maintenir ce nombre. Les objectifs changeront avec les niveaux, mais on retrouve le même principe en son centre, le carnage.
Si la coopération peut sembler ici moins directe que dans les autres jeux, détrompez-vous, elle est essentielle. Partager certaines ressources comme des munitions et des potions de vie fera la différence entre une défaite et un succès. Certains ennemis spéciaux peuvent immobiliser un personnage qui aura alors besoin d’être secouru. Autres aspects intéressants, il y a cinq personnages, chacun avec trois classes différentes (quatre avec le contenu téléchargeable) et chacun possédant plusieurs choix d’habileté et d’équipement. Outre l’aspect de personnalisation qui est ajouté, cela permet également à votre équipe de s’entendre pour adapter ses choix à des situations différentes afin d’être prête dans toute circonstance. On a indiqué plusieurs jeux qui risquent de tester vos amitiés, mais je crois que celui-ci va plutôt les renforcer. On forme une belle camaraderie après s’être entraidé.e.s dans un bain de sang.
Minecraft (2011) – Mojang Studios
Multiplateforme
Suggestion de William
Plus haut, je ne retenais pas ma réticence pour Overcooked, jeu que je juge stressant, angoissant, anxiogène, bref, des plus désagréables pour ma sérénité. Minecraft (en mode coop), c’est pour moi l’exact opposé : oui, le jeu possède sa part de difficultés et de moments désespérés, mais tout dépendra des défis que vous vous imposerez. Le jeu date d’une dizaine d’années (déjà) et s’est placé dans le panthéon des titres les plus populaires de l’histoire, alors il m’est inutile de le présenter en détail, même pour les néophytes. À mon avis, il s’agit du jeu idéal pour jaser avec un.e ami.e tout en se perdant dans nos pensées, en pilote automatique, à mi-chemin entre la lune et les grottes. C’est zen.
Journey (2012) – thatgamecompagny – Santa Monica Studio
PlayStation 3, PlayStation 4, Windows, iOS
Suggestion de William
Journey propose un style coopératif hors du commun. Loin des parties compétitives où la moindre erreur va provoquer une pluie d’insultes de la part de vos compatriotes, on retrouve ici une expérience calme et contemplative. Dans cette mer de sable ou la musique et la beauté des scènes vous donneront l’impression, non pas de jouer, mais d’observer une œuvre d’art, vous serez parfois rejoint dans votre périple par d’autres joueur.euse.s. Le système de communication y est simple : un bouton vous fait chanter. Bien que cela puisse être limitatif, on efface de cette manière toute trace de toxicité et on garde l’immersion si précieuse à ce voyage.
Ce jeu, je l’ai fait seul (comme un grand). Si, avec Minecraft, je soulevais l’idée de pouvoir jouer tout en jasant de choses et d’autres, en pilote automatique, je crois que c’est davantage le cas ici. L’ambiance sablonneuse nous enveloppe dans un périple initiatique qui ne dure pas plus de deux heures, où la paix d’esprit est l’objectif. Si le jeu doit perdre un peu de sa dimension anxiogène lorsque l’on y croise d’autres joueur.euse.s anonymisé.e.s, il permet certainement d’y ajouter une richesse, dans un monde parfois froid : la solitude se soustrait au profit d’une collaboration passive, apaisante.
Rayman Origins (2011) – Ubisoft Montpellier
PlayStation 3, Xbox 360, Wii, 3DS, PS Vita, Windows, Mac OS X
Suggestion de William
Vous l’aurez compris, je triche un peu en sélectionnant certains jeux que je considère comme étant « collaboratifs ». En réalité, si certains d’entre eux n’offrent pas vraiment matière à collaboration, ils permettent néanmoins d’y jouer minimalement à deux, et ainsi d’affronter les défis du jeu à plusieurs. On a davantage affaire ici à une collaboration qui met en avant le sentiment de solidarité, plutôt qu’à une entraide directement liée à certaines mécaniques du gameplay. C’est le cas de Rayman Origins, jeu de plateforme 2D où les deux joueur.euse.s devront réussir les niveaux ensemble pour continuer l’aventure. Le plaisir réside ici dans une expérience commune et partagée plutôt que dans l’entraide : c’est la fusion de deux expériences individuelles, vécues en simultané, qui fait la force de ce mode de jeu.
