« Nous sommes en 2034, la situation planétaire est plus que catastrophique », déclare le fameux Charles Patenaude avant de quitter la Terre dans son vaisseau pour trouver une nouvelle planète. Bien que cette légendaire série québécoise soit fictive, elle trouve aujourd’hui un écho important sur la situation terrestre en 2020. Arrêtons notre voyage dans le temps, pour observer notre présent. En effet, nous nous inscrivons dans la 6e vague d’extinction massive, une vague qui se caractérise par une perte de biodiversité importante.
Par Léonie Faucher, rédactrice en chef
Quelles sont les 5 autres grandes extinctions ?
Malheureusement – ou heureusement, car je vivrais mal que mon voisin soit un t-rex – la planète est loin d’être à
sa première extinction massive de ses habitants ; la plus populaire étant celle des dinosaures. Il y a eu cinq extinctions massives à ce jour. Planète Animal précise que « De manière générale, lors d’une extinction de masse une moyenne de 75 % des espèces animales et végétales présentes sur la terre et dans les océans disparaissent. Malheureusement, une sixième extinction de masse aurait débuté… Ces crises majeures du vivant ont généralement été l’occasion d’une transition d’une forme de vie dominante pour une autre. L’idée que le vivant alterne des phases d’extinction et des phases de renouvellements des faunes et des flores est née au 18e siècle grâce à deux experts de l’époque : Georges-Louis Leclerc de Buffon et Georges Cuvier. »
- L’extinction de l’Ordovicien, il y a 445 millions d’années, a impliqué la disparition de 70 % des espèces animales. De ce que l’on sait, à cette époque, l’espèce dominante était le trilobite (un arthropode de quelques centimètres vivant dans le fond des océans). Cette extinction aurait été causée par l’explosion d’une étoile à plusieurs années-lumière de la terre. Quand la supernova a explosé, elle a libéré une masse incalculable de rayon gamma qui a transpercé l’atmosphère de la Terre. Le plancton brûle sous la chaleur entraînée par les rayons ; ainsi, le premier élément de la chaine alimentaire s’éteint ; le reste ne met pas longtemps à suivre.
- L’extinction du Dévonien, il y a 385 millions d’années, frappait une Terre qui était un vaste océan et un super continent au pôle Sud. La végétation est luxuriante, les insectes prolifèrent grâce à la chaleur et l’humidité. Il n’y a quasiment pas de faune. C’est l’extinction massive la plus lente, elle mettra 3 millions d’années. Elle est causée par un réchauffement climatique, par l’explosion volcanique sous la Sibérie actuelle qui réduit l’oxygène. C’est une dévastation du vivant, 75 % des espèces disparaissent.
- L’extinction du Permien, il y a 252 millions d’années, entraîne la disparition de 95 % des espèces marines et de 70 % des espèces terrestres. L’auteur D.H Erwin la caractérise comme la mère des extinctions de masses. Elle aurait été due au changement des courants océaniques, à l’impact de plusieurs météorites et à l’explosion du super volcan au niveau de la Sibérie actuelle.
- L’extinction Trias-Jurassique, il y a 200 millions d’années, est un sujet controversé chez les paléontologues selon Planète Animal puisque la cause exacte est inconnue ; ce serait davantage une synthèse de plusieurs évènements. Changement climatique graduel, collision avec des astéroïdes, épisodes volcaniques, un amalgame emportant près de 20 % des espèces. Cette extinction permet pourtant la domination des dinosaures et des mammifères dans la prochaine génération.
- Finalement, l’extinction du Crétacé-tertiaire, il y a 65 millions d’années, fait disparaitre six à huit espèces sur dix. Parmi les grands disparus, les dinosaures ! Presque aucun animal de plus de 20 à 25 kg n’aurait survécu, à l’exception des crocodiliens. Les deux causes de l’extinction les plus plausibles sont l’impact d’un astéroïde d’environ 15 km de diamètre au Mexique et une série d’éruptions volcaniques qui auraient sévi durant 1,5 million d’années sur l’Inde moderne.
La 6e vague, pas de la science-fiction
L’humanité se trouverait dans la sixième extinction de masse, l’extinction humaine par la perte de biodiversité. La particularité de celle-ci, c’est que contrairement aux cinq précédentes décrites plus haut, la cause principale n’est pas une catastrophe naturelle, mais bien un mammifère : l’homme. C’est la différence que remarque National Geographic dans son reportage sur la sixième extinction de masse : « Cette fois, nous sommes les seuls responsables de ce qui se produit. ». Science Advances publie une étude en juin 2013 qui mentionne que le taux d’extinction des espèces pourrait être 100 fois plus élevé que lors des précédentes extinctions massives, et ce en prenant seulement en considération les espèces connues et recensées, car le fond des océans et les forêts denses cachent encore des espèces que nous n’aurons potentiellement jamais le temps de découvrir, et qui pour certaines d’entre elles sont déjà disparues.
Un évènement si rare qu’il n’a frappé que cinq fois
La Sixième Extinction, un roman scientifique d’Elizabeth Kolbert, présente la 6e vague avec des constats qu’elle a
faits sur le terrain, dans plusieurs pays différents en compagnie de spécialistes. Tout d’abord, d’où vient l’idée d’extinction elle-même ? La journaliste Kolbert mentionne que le terme est apparu à la suite de la découverte du Mammouth et des travaux du naturaliste Georges Cuvier. À partir de ce moment, la disparition d’espèces ayant foulé le sol avant nous frappe la sphère scientifique. Quelques années plus tard, c’est au tour du scientifique Lyell de se prononcer, tout comme ses compatriotes, il transmet que l’extinction se fait de manière si lente qu’elle passe presque inaperçue. Bien que toutes les variétés d’organismes aient existé à une époque, rien n’empêche ceux-ci de réapparaitre si les conditions adéquates de leur apparition se mettaient en branle à nouveau.
Eh bien, l’homme est le premier mammifère à modifier autant son environnement et le premier à domestiquer des animaux. Un exemple frappant de l’impact de l’homme sur la sélection naturelle nous vient de Charles Darwin. Par exemple, si on regarde l’évolution des animaux domestiques tel que le bétail, lorsqu’une variété plus vigoureuse ou productive est obtenue, elle supplante rapidement les autres races.
Darwin fit remarquer que dans le Yorkshire, par exemple, « il est historiquement attesté que l’ancienne race de vaches noires a été remplacée par celle à longues cornes, et que celle-ci a été éliminée par la race à cornes courtes, comme emportée par quelque peste mortelle. »
Ce n’est malheureusement pas la première fois que l’homme moderne marque son territoire de la sorte par sa domination. Elizabeth Kolbert mentionne que « l’homme moderne est apparu en Europe il y a environ quarante mille ans, et les découvertes archéologiques démontrent sans ambiguïté que, dès lors qu’il s’installait dans une région habitée par des néandertaliens (autre stade d’évolution de l’homme), ceux-ci disparaissent. » Encore aujourd’hui, l’homme s’affaire à couper toutes les branches de son arbre généalogique avec ses plus proches parents : les grands singes. Pourquoi tous les grands singes (à l’exception de l’homme) sont menacés d’anéantissement ? Les chimpanzés, les gorilles des montagnes et ceux des plaines : « leur population a diminué de 60 % durant les seules deux dernières décennies. Les causes de cet effondrement sont le braconnage, les maladies et la destruction de leur habitat. Ce dernier facteur a été exacerbé par plusieurs guerres. Après avoir anéanti, il y a bien longtemps, nos espèces sœurs (les néandertaliens), à présent, ce sont nos cousins germains. Lorsque nous aurons fini, il est tout à fait possible qu’il ne reste aucun représentant des grands singes, à l’exception de l’homme. », déclare la journaliste scientifique.
« Homo sapiens ne sera pas seulement la cause de la sixième extinction, il en sera aussi l’une des victimes. » Richard Leakey, paléoanthropologue
Qu’arrivera-t-il à celui qui a voulu posséder l’univers sans payer ses taxes ?
À cette heure, on ne peut pas définir officiellement ce qui aura raison de nous, mais plusieurs options sont déjà formulées. Dans le cadre de cette dernière extinction qui gardera la trace humaine en travers les dents (avec tout le grabuge qu’on a fait, pas certain que Mère Nature se donne en cadeau à une espèce humanoïde à nouveau). Une possibilité transmise par la galerie de la biodiversité est que nous serons également éliminés, en raison de la transformation que nous avons imposée à l’environnement. En modifiant complètement les facteurs de sa survie (déforestation des forêts tropicales, altération de la composition de l’atmosphère, acidification des océans), nous mettons en danger notre propre survie.
« En poussant les autres espèces à l’extinction, l’humanité ne fait que scier la branche sur laquelle elle est assise. » Paul Ehrlich, spécialiste d’écologie scientifique de l’Université Stanford.