Photo par Undersplash

Mulan, entre adaptation et conflit politique

Après une sortie houleuse sur la plateforme Disney+ au coût de 34,99 $, c’est officiel le remake du film Mulan passe au petit écran. Ce classique jeunesse était attendu depuis le printemps 2020. Cependant son accueil par le public s’est fait plus froidement qu’espéré. Entre la déception des admirateurs.trices de Disney face aux changements et les mouvements de mise à l’index du film, Mulan n’a pas fini de se battre après la victoire de l’Empire de Chine!

Par Léonie Faucher, rédactrice en chef

Politique : une sortie boycottée

À la suite de la sortie du film Mulan sur la plateforme Disney+, un appel au boycottage suit sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas le film en soi qui pose problème, mais les propos de l’actrice Liu Yifei (interprète de Mulan) sur la situation politique à Hong Kong qui sont originaires de la controverse. En effet, l’été dernier lors d’une manifestation prodémocratique, l’actrice a publié une photo montrant son soutien aux forces policières de Hong Kong. Ironique, non ? Mulan qui défend les intérêts de l’empire dans le film exerce la même médecine dans la réalité de l’actrice.

C’est l’activiste Joshua Wong, figure du mouvement pro-démocratique de Hong-Kong, qui lance l’appel au boycott dans un message sur Twitter : « Puisque Disney s’incline devant Pékin, et parce que Liu Yifei supporte ouvertement et fièrement la brutalité policière à Hong Kong, j’encourage tous ceux qui soutiennent les droits humains à boycotter Mulan [#BoycottMulan] », a-t-il écrit.

Mais les vagues de frustrations autour du film ne s’arrêtent pas là, alors que plus récemment un autre appel au boycottage est dénoncé par Amnistie internationale certains lieux de tournage. En effet, quelques scènes ont été tournées, dans la région chinoise de Xinjiang l’emplacement où les Ouïghours font l’objet d’internements en camp de concentration.

En plus, dans le générique du film, « Disney a remercié quatre départements de propagande et un bureau de sécurité publique dans le Xinjiang […] qui est le lieu de l’une des pires violations des droits de l’homme au monde aujourd’hui », mentionne Isaac Stone Fish, de l’Asia Society, dans le Washington Post.

Soutien aux violences communistes, tournage dans des camps de concentration, soutien à la propagande, un nuage sombre semble entouré ce film de l’industrie cinématographique de notre enfance.

Adaptation rime avec déception

Sans prendre en compte les cacophonies politiques, les premiers commentaires qui ressortent sur le film sont « mais où est Mushu ? », le petit dragon représentant les esprits de la famille de Mulan qui tente d’accompagner la guerrière dans ses périples. Malheureusement, après La Belle et la Bête et Le Roi Lion qui ont habitué le public a retrouvé un film pratiquement copié-collé sur leurs souvenirs d’enfance, Disney a plutôt opté pour une adaptation de Mulan dans le style du cinéma chinois. Donc, c’est sans surprise que le film perd sa saveur Disney en retirant les animaux parlants, les chansons omniprésentes et en réduisant l’histoire d’amour.

Quelques changements narratologiques étranges

À mes quelques écoutes du film, il y a des éléments de la narratologie qui m’ont titillés. Je comprends l’idée d’abandonner certains éléments du film original au profit de coller aux clichés du cinéma chinois (scènes de combat presque irréelles, cinéma de l’extrême et l’influence des arts martiaux avec le Chi), mais certains changements m’ont semblés aller à l’opposé de ses choix narratologiques.

Premièrement, pourquoi la grand-mère de Mulan disparaît  ? Voilà un choix scénaristique étrange, car dans la culture asiatique traditionnelle, les grands-parents ont souvent une place privilégiée dans l’éducation des enfants. Cependant, le père de Mulan paraît plus âgé dans cette nouvelle version, ce qui pourrait expliquer l’absence de la grand-mère. En effet, le père étant plus vieux, son incapacité à aller se battre est accentuée.

Ensuite, le plus beau meuble ajouté au nouveau film est la sœur de Mulan qui ne sert pas l’histoire. Elle apparaît dans cette nouvelle version comme une figurante. Bien que sa peur des araignées remplace facilement la scène absurde du criquet de la grand-mère dans l’original, la sœur de Mulan ne servira qu’à ça dans le film. Ah oui, et d’apporter l’honneur à la famille en se préparant à son mariage à la fin.

Finalement, le choix du phénix comme emblème de la famille m’est un peu obscur. Le dragon, omniprésent dans la culture asiatique, semblait être un choix plus éclairé, alors que le phénix est moins populaire. Évidemment, le côté poétique de Mulan qui accepte sa vraie identité sur le champ de bataille en laissant mourir son alter ego masculin peut soutenir la légende du phénix renaissant des flammes, mais c’est tiré par les cheveux.

Qualité & décors hallucinants

Outre mes incompréhensions de quelques choix, j’ai adoré la facture visuelle du film. Entre les décors grandioses accompagnés de Mulan et les maisons pittoresques de village, le film a su reproduire ce à quoi la Chine antique pouvait ressembler. Il faut dire que la caméra s’est baladée sur tous les territoires, tantôt le désert, tantôt les montagnes enneigées, sans oublier les vastes plaines. Ce film donne l’impression de couvrir le pays d’un bout à l’autre.

Le jeu d’acteur était particulièrement touchant. L’interprète de Mulan avait une approche de jeu très forte, autant dans ses expressions faciales solides et dans les moments de sensibilité. D’ailleurs, l’interprète du père, Tzi Ma, a su bien consolider le rôle ambigu du père entre être fier de sa fille et respecter les traditions pour l’honneur.

Nouveau n’est pas égal à mauvais

Finalement, il faut regarder ce film sous un nouvel œil, sans rester dans le « ce n’est pas le vrai mulan sans Mushu » pour apprécier l’œuvre, car oui le film diffère de la version originale et c’est bien. Une partie de moi adore revoir ses classiques d’enfance en prise de vue réelle, mais la partie de moi adulte aime aussi voir comment les concepts présents dans ces films ont évolué au fil du temps. Par exemple, la place du féministe dans le nouveau Mulan est scindée en deux pour lui offrir une voix plus forte. Mulan se bat pour sa place, tandis que la Sorcière accepte de rester l’esclave de Bori Khan (dirigeant des Huns) dans l’espoir de s’affranchir. Même si une partie de moi aurait aimé voir une fin à la Disney où la Sorcière trouve rédemption, celle-ci termine en force sur une scène touchante. Pas autant que les retrouvailles de Mulan et de son père, mais noble en émotion quand même.

Auteur / autrice

  • Léonie Faucher

    Passionnée de l'écriture, Léonie termine cette année son Baccalauréat en études et pratiques littéraires. Plus tard, elle vise l'enseignement de la littérature au collégial. Son parcours universitaire est marqué par son implication journalistique. Les mots et la photographie sont ses outils de prédilection. En tant que journaliste, les sujets sociaux, artistiques et les créations l'intéressent particulièrement.

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