L’héritage de 1789

La semaine dernière, nos gouvernements occidentaux et nos médias libres n’ont cessé de critiquer ouvertement la Chine pour son traitement du 20e anniversaire des événements de la Place Tienanmen : aucun rassemblement n’a été permis à Pékin, sinon celui d’un groupe de militaires, chargé de s’approprier la place pour éviter tout débordement. A contrario, plusieurs grandes villes dans le monde ont décidé de se mobiliser pour, encore une fois, pointer le manque de liberté individuelle dont les Chinois sont victimes. Cependant, le déficit de ce droit fondamental semble toucher des pays où la liberté, l’égalité et la fraternité sont des préceptes établis depuis longtemps.

Effectivement, depuis quelques mois, plusieurs affaires ont défrayé la chronique en France, le soi-disant pays des Droits de l’homme. Entre zèle de policiers, de politiciens et remise en cause de la liberté d’expression, la France traverse une période trouble dans l’interprétation de sa démocratie. Deux affaires sont particulièrement troublantes et même risibles.

En avril dernier, en Gironde, dans le sud-ouest, deux cousins de six et dix ans se sont fait arrêter à la sortie de leur école primaire, pour un vol présumé de vélo. Six policiers ont été nécessaires pour embarquer les bambins au commissariat. Ni leurs parents, ni le directeur de l’école n’avaient été prévenus au préalable de cette arrestation. La mère d’un autre enfant de l’école avait requis cette intervention, pensant avoir vu l’un des deux accusés au guidon de la bicyclette de son fils. Finalement, le deux-roues appartenait bien à l’un des deux cousins. À la suite de cette histoire, le ministère de l’Intérieur a annoncé qu’une enquête interne tenterait de faire la lumière sur cette affaire.

Même les commentaires les plus puériles et sarcastiques sur Internet peuvent être considérés comme des atteintes à la réputation des personnes publiques. Une Française de 49 ans a été convoquée par la Brigade de répression de la délinquance contre la personne après avoir commenté une vidéo de Nadine Morano, la secrétaire d’État à la famille. Elle a simplement écrit : «Hou la menteuse.» Mme Morano a considéré cette phrase comme injurieuse et a décidé de poursuivre son auteure. Depuis, des dizaines d’internautes, pour marquer leur soutien à l’accusée, ont commenté la vidéo de la même façon.

La multiplication des interpellations et des gardes à vues, qui ont augmenté de 35 % entre 2003 et 2008, créént un climat délétère en France et une impression d’oppression policière. L’arrivée de Sarkozy au sein du gouvernement en 2002 n’est pas innocente à la situation actuelle. Loin d’égaler la répression du pouvoir chinois, la France, tout comme d’autres pays occidentaux, dont le Canada, glisse tout de même dangereusement vers un idéal de maîtrise totale du message public, dont la motivation est teintée d’idéologie. Situation assez paradoxale, lorsque l’on voit nos chefs d’États condamner systématiquement les manquements à la démocratie de pays dits «voyous», tels que la Corée du nord, la Chine ou l’Iran. Sans conteste, l’État doit jouer son rôle de protecteur du citoyen, donc celui de policier de la nation, mais à trop vouloir endiguer la violence par la création d’une société aseptisée, il rogne de plus en plus sur les libertés individuelles.
 

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