Pool de grève

Les paris sont ouverts : qui, des professeurs ou des étudiants, fera la grève à l’Université Laval cette année?

Je l’accorde, il semble clair comme de l’eau de roche que nous, étudiants, resterons inertes et ébahis devant l’augmentation sans cesse plus vertigineuse de nos frais de scolarité (quand nous ne l’applaudissons pas – regardez les jeunes libéraux qui proposent de tripler notre facture). Cette session, nous paierons 150 $ de plus en frais de scolarités qu’à l’hiver 2007. Si nous avions eu à réagir, nous l’aurions fait plus tôt.

Rassurez-vous, ceci n’est pas un appel à la grève tardif. La tentative avortée de l’an dernier aura démotivé quiconque se sentait l’âme gréviste. Il s’agit plutôt de nous mettre devant la contradiction : malgré notre facture qui grimpe, nous avons de moins en moins de professeurs à l’Université Laval.

Surtout pour des revendications salariales, mais aussi en désaccord avec l’Université qui veut abaisser leur plancher d’emploi (nombre minimal de profs à conserver) de 1190 à 1180, les professeurs lavallois seront invités par leur exécutif syndical à voter
12 journées intermittentes de grève pour la session d’automne lors d’une assemblée au début d’octobre. Les négociations entamées au printemps ont (déjà) achoppé en ce qui concerne la négociation de la nouvelle convention collective, échue depuis mai.

Le nombre de professeurs a continuellement diminué dans notre institution entre 1995 et 2005, passant de 1688 à 1380, selon une étude de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CRÉPUQ). Le corps professoral lavallois a perdu du poids par rapport à celui des autres universités durant cette période. À l’Université Laval, le ratio étudiants/professeur serait de 23, alors que la moyenne québécoise est de 21 et que, selon la CRÉPUQ, il devrait être de 18 pour assurer la qualité de l’enseignement.

À la lumière de ces informations, comment ne pas rire lorsque le recteur Denis Brière dit sérieusement vouloir faire de l’Université Laval l’une des plus-meilleures-universités-au-monde? Malheureusement, on ne devient pas le meilleur avec des vœux pieux. N’importe quel étudiant vous le dira. Si Laval veut conquérir l’excellence, comme elle le dit si bien, elle doit permettre à ses étudiants l’accès à un plus grand nombre de professeurs. Bacheliers, combien de profs avez-vous vu passer dans vos salles de classes? (D’accord, certains sont plus occupés par la recherche que par l’enseignement, c’est aussi un facteur.) Un bac se passe généralement davantage sous l’égide de chargés de cours. Pourtant, l’augmentation du nombre de professeurs serait un argument de vente pour une université qui veut tant miser sur le recrutement. Il permettrait plus de choix en ce qui concerne l’encadrement aux cycles supérieurs et pourrait attirer les meilleurs doctorants et post-doctorants visant à devenir professeurs, en leur faisant comprendre qu’ils ne resteront pas dans des conditions précaires toute leur carrière.

Il est certain que la situation financière de l’Université Laval n’est pas enviable, avec son déficit record et le réinvestissement dans l’éducation post-secondaire qui se fait attendre depuis des lunes. À l’impossible, nul n’est tenu… Toutefois, certaines priorités peuvent laisser perplexe : en tant qu’étudiants, préférez-vous une gestion simplifiée de votre dossier d’études (en remplaçant Adage) ou une meilleure qualité d’enseignement?

En attendant un don de la philanthrope docteure Céline Dion, il faudra s’assurer de maintenir un corps professoral suffisant à l’Université Laval. Quelle est la barrière minimale? Au syndicat et à l’Université de la déterminer. Mais un recul n’est certainement pas un pas dans la bonne direction, ni pour les profs, ni pour les étudiants.

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