Selon l’horoscope de l’astrologie québécoise, 2008 aura été l’année de l’Élection. À travers les débats qui finissent tous par se ramener à la crise économique, il y a l’incessante question du système de santé qui va mal. Il y a des gens, comme ma grand-mère, qui prétendent dur comme fer qu’il faut couper dans les prêts et bourses et augmenter les frais de scolarité afin de mettre l’argent gagné dans les hôpitaux, parce que l’avenir, c’est les vieilles personnes. Bon, c’est un point de vue.
Nos hôpitaux ne sont pas exactement des Club Med, merci de me le faire remarquer. Mais ça ne justifie pas les suppliques de tous ces plaignards qu’on entend jour et nuit. Des gens qui se plaignent, qui disent qu’on serait mieux avec un système de santé à deux vitesses pour permettre à ceux qui ont le pactole de se faire opérer plus vite.
Pourtant, quand on leur demande à quand remonte leur dernier don de sang… pas de réponse…
Ça, c’est le pouvoir citoyen. On sait qu’on peut payer 1 $ par appel pour voter pour son lofteur préféré. Ou pour écrire un message illisible sur un bandeau défilant à Musique Plus. Sauf qu’il ne nous vient pas à l’idée qu’en arrêtant d’aller voir le médecin à chaque fois qu’on a un petit rhume, ou qu’en allant donner du sang, on contribue à réduire les listes d’attentes qui sont bien moins longues chez nos voisins avec leurs hôpitaux privés…
Non. Mieux vaut voter pour le parti qui saura arranger ça. C’est la job du gouvernement, de toute façon. La population est là pour recevoir des services quand ça va bien, et se plaindre quand ça ne va pas bien. La démocratie, c’est le droit de choisir son berger. Et encore, ça c’est pour ceux qui vont voter…
Anecdote: je n’ai eu la chance d’aller donner du sang qu’une seule fois. On ne peut pas avant 18 ans, et peu après, j’ai commencé à prendre un médicament contre-indiqué par Héma-Québec. Donc, j’ai eu le temps de faire un seul don. J’avais une phobie noire des aiguilles. Là, j’étais dans mon fauteuil de don de sang et j’attendais que ma vie se déverse hors de mes veines par la petite aiguille, quand j’ai eu la mauvaise idée de regarder. Erreur. Je ne voulais pas que mon don soit invalidé, alors j’ai fait un effort pour garder contenance, mais une fois sur mes deux pieds, j’ai un peu perdu la carte. Un instant plus tard j’étais sur une civière, avec des bandelettes humides, et je me remettais de ma chute de pression. Le type qui était à côté de moi, par hasard, était une connaissance. Il me dit : «C’est dur, mec, mais ils vont te donner un biscuit à la fin. Pense au biscuit. Ça vaut la peine en maudit!» Ça m’a fait rire. C’était juste une petite chute de pression, mais ça m’a fait du bien de ne pas être tout seul.
Aujourd’hui, quand je déplore le fait que je ne peux pas donner de sang, les gens autour de moi me disent: «Pourquoi est-ce que tu irais donner du sang? Ça donne tellement rien d’aller là.»
J’ai juste envie de leur répondre: «Ouais, mais ils te donnent un biscuit. Pense au biscuit.» Mais je ne dis rien. Je vais garder mon secret, et le jour où je ne serai plus sous médication et que je récupérerai mon droit de donner du sang, je serai le seul à savoir que dans mes veines coule une réserve inépuisable de biscuits.