On nous révélait, il y a deux semaines, qu’un groupe de joueurs pathologiques avait intenté un recours collectif à l’endroit de Loto-Québec, soutenant que la dépendance au jeu d’environ 119 000 individus serait attribuable aux terminaux de la société d’État.
Pour être direct, cela me semble tout aussi incongru que l’idée selon laquelle les armes à feu ou encore leurs concepteurs sont responsables de meurtres plutôt que ceux qui les manient, ou encore que les voitures devraient être blamées pour les excès de vitesse de leurs conducteurs.
Un des arguments communément soulevé par ces joueurs compulsifs est que Loto-Québec n’a pas suffisamment fait d’efforts pour avertir les usagers du risque d’accoutumance au jeu. Pour poursuivre mon analogie bidon, c’est l’équivalent de la succession d’un coureur automobile décédé au cours de ses fonctions qui poursuivrait l’écurie en prétextant que celle-ci ne l’avait pas averti qu’il peut être dangereux de filer à tombeau ouvert dans ce qui n’est déjà qu’un cercueil sur roulettes.
Ayant donné voix à cette opinion, on m’a déjà répondu que la comparaison était invalide, que le coureur automobile, lui, est un professionnel qui gagne sa vie avec son occupation.
Justement. Le jeu, quoique récréatif, peut aussi être un gagne-pain bien particulier. On prend un risque calculé, on compromet une petite somme pour l’évanescente probabilité de remporter un lot gargantuesque. On perd toujours plus qu’on gagne et on espère que la chance nous sourira avant d’avoir trop dépensé. Les individus raisonnables s’arrêteront après avoir gagné ou perdu quelques dizaines de dollars.
Tout va bien jusqu’ici, sauf que nous, hommes et femmes, sommes des créatures paresseuses et avares. Certains verront donc dans le jeu l’appât du gain facile, le chatoiement des pièces d’or, tout comme d’autres décident d’investir dans une arnaque pyramidale quelconque ou encore d’envoyer des milliers de dollars à un prince nigérien qui doit soudoyer les autorités dans le but d’accéder à sa fortune et ensuite renvoyer ici quelques millions pour services rendus.
Ces personnes décident donc de miser tout leur argent, leurs possessions, leur famille, leur vie. Certains d’entre eux gagneront une grosse somme, de plusieurs dizaines de milliers de dollars ou encore plus, et décideront que ce n’est pas assez, qu’ils veulent continuer jusqu’à l’infini et plus loin encore. Bien sûr, il y aura rarement une deuxième fois.
Mais pas d’inquiétude. Si, à la fin, ils n’ont pas réussi à faire LA passe de cash, c’est simple: il n’y a qu’à blâmer le gouvernement. Je les entends se plaindre: «Le gros méchant loup a voulu m’accoutumer à la victoire en me faisant gagner à quelques reprises, j’aurais vraiment voulu arrêter à ce moment-là, mais le loup tenait un gros revolver chargé directement sur ma tempe et j’ai été forcé contre mon gré à jouer tout ce que j’avais, le beurre, l’argent du beurre, et le cul de la fermière!»
Honnêtement, je n’en peux plus d’attendre la prohibition du jeu. Un peu comme ce junkie qui s’est fait arrêter après avoir appelé la police pour se plaindre qu’un revendeur lui avait fourni de la cocaïne de mauvaise qualité, j’ai bien hâte d’entendre parler de ces joueurs illégaux qui tentent de poursuivre la mafia pour les avoir floués avec des pratiques commerciales déraisonnables.