Ce 13 novembre 2025, l’Université Laval a annoncé une transformation de l’offre alimentaire sur le campus. Autrefois assurée par Sodexo et les cafétérias étudiantes, deux nouveaux opérateurs prendront en charge ce service : le RADIS et les restaurants Cosmos. L’annonce ayant généré un conflit entre le vice-rectorat et les associations étudiantes, Impact Campus est allé à la rencontre des différents partis.
Par Elwin Atangana, journaliste collaborateur
Le changement de l’offre alimentaire
René Lacroix, vice-recteur aux infrastructures et à la transformation, explique que l’Université a reçu de nombreux commentaires concernant les prix et la qualité des services alimentaires des différents pavillons. Le vice-rectorat a alors engagé une transformation radicale de l’offre du campus. En novembre 2024, des expert.es ont fait le tour du campus et ont conclu que l’offre alimentaire était inadaptée aux besoins des universitaires (manque de diversité, prix, etc.).
Lors de l’appel d’offres, l’Université a exposé le modèle qu’elle souhaitait adopter : une baisse des coûts et une augmentation de la diversité. Huit groupes ont été consultés, six solides propositions ont été soumises et deux d’entre elles ont été retenues (le RADIS et Cosmos).
Cosmos opérera le Vandry, le Vachon et le De Koninck qui disposent de cuisines commerciales. Les repas préparés dans ces cuisines seront distribués dans les autres pavillons. Le café Le Fou AELIÉS, le PubU et le café Équilibre ne seront pas affectés.
M. Lacroix présente Cosmos comme une entreprise fondée par d’anciens étudiants de l’Université Laval, dont les enfants fréquentent ou ont fréquenté l’établissement. Ils possèdent deux restaurants à Québec. Selon lui, en tant qu’anciens membres de la communauté étudiante, ils seraient en mesure de comprendre les enjeux et la réalité des étudiant.es. M. Lacroix a également évoqué la possibilité que les points de service de l’entreprise puissent engager des étudiant.es de l’Université, créant de l’emploi pour la communauté étudiante, ce qui était, cela dit, déjà le cas des cafétérias étudiantes.
Le RADIS (Rassemblement pour l’Alimentation Durable et l’Innovation Solidaire) est une OBNL étudiante qui remplacera Saveur Campus au Desjardins. Selon M. Lacroix, leur dossier serait « risqué », mais se démarquerait sur plusieurs points. RADIS propose une double tarification : une à bas prix pour les étudiant.es, et une à un prix plus élevé pour le personnel de l’Université. L’OBNL compte ainsi s’attaquer à la précarité financière, ce qui a largement plu au comité de sélection.
Le vice-recteur insiste sur le fait que l’OBNL pourrait notamment remplacer certains fournisseurs actuels des cafés étudiants avec une sélection moins chère, ce qui aurait un impact positif pour les cafés et leur clientèle. Jean-Christof Bouchard, coordinateur exécutif du café Cétéris Paribouffe, se dit tout à fait ouvert à cette possibilité.
Voir l’article [Le RADIS : nouvelle offre alimentaire solidaire].
Baisse des prix et scepticisme des associations
Rassembler l’offre pour l’ensemble des pavillons sous un même distributeur permettrait, selon le vice-recteur, de baisser les coûts tout en assurant une certaine diversité. De plus, une équipe devrait être mise en place pour inspecter le service de Cosmos afin de s’assurer que les promesses faites à l’université soient respectées.
Cependant, Coralie Duchesneau, présidente de la CADEUL, émet certaines réserves. Pour elle, puisque la mission d’une entreprise privée est de dégager un certain profit, il y aura toujours une part de ce que les étudiant.es paieront qui iront dans les poches des propriétaires. Les initiatives étudiantes, quant à elles, sont des OBNL. Elles investissent leurs gains dans leur offre de services, sans chercher à dégager de profit.
Dans l’appel d’offres, l’Université a demandé aux répondant.es quelle part de leur profit pourrait lui être reversée. La CADEUL pense que cela a été déterminant dans le choix du comité de se tourner vers le privé et d’écarter les initiatives étudiantes.
L’AESGEUL partage cet avis. Selon sa présidente, Yeva Côté-Paradis et sa VP aux affaires exécutives, Sarafina Sénatus, également responsable de l’ADVE (Association pour le développement de la vie étudiante), « l’emplacement de la cafétéria de l’ADVE est stratégique et représente un fort potentiel de rentabilité pour une entreprise privée ».
Désaccords concernant les consultations
L’AESGUL avait déposé son projet au moment de l’appel d’offres de l’Université, mais n’a pas été retenue. Outre cela, l’exécutif de l’association affirme ne pas avoir été consulté. De son côté, le coordinateur exécutif de Cétéris Paribouffe, café étudiant du pavillon De Koninck, dit avoir été mis au courant de la décision avec l’annonce officielle du vice-rectorat.
La présidente de la CADEUL explique que l’association a bien été consultée à partir de novembre 2024, principalement sur les enjeux d’abordabilité, de la diversification et de la valorisation des initiatives étudiantes. Cependant, l’avis de l’association n’a finalement pas été pris en compte, ce qui rend, d’après elle, ces consultations sans valeur. L’association avait également déposé son projet à l’appel d’offres, mais son dossier n’a pas non plus été retenu. Une demande a été faite auprès de l’Université pour connaître les critères de sélection du comité, mais elle leur a été refusée.
René Lacroix estime que les plaintes des associations sont injustifiées. Le processus ayant commencé en automne 2024, les exécutifs n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui, mais des discussions ont bien eu lieu avec la CADEUL, l’AESGUL et d’autres associations. D’autres échanges ont eu lieu avec des focus groupes composés d’employé.es et étudiant.es de l’Université afin de saisir les besoins de la communauté.
Le vice-rectorat a cessé les discussions avec les deux associations lorsque celles-ci ont répondu à l’appel d’offres, car elles se retrouvaient alors en conflit d’intérêts. « Tu ne peux pas être à la fois juge et partie », commente le vice-recteur.
Mobilisations à venir
Bien que l’Université ait pris sa décision, les associations étudiantes ne comptent pas en rester là. La semaine suivant l’annonce du vice-recteur, la CADEUL a lancé, avec l’AESGUL, la campagne « Feu les caféts » pour sensibiliser et mobiliser la communauté étudiante. La campagne est soutenue par plusieurs cafés étudiants, comme nous l’a confirmé Jean-Christof Bouchard. Des affiches ont été posées dans les différents pavillons, ainsi que dans les cafés étudiants. La semaine suivante, les associations ont invité les étudiant.es à signer une pétition pour la conservation des cafétérias. À ce jour, la pétition a obtenu 4 000 signatures. Le 26 novembre, les associations avaient organisé une soupe populaire au cours de laquelle elles avaient invité les étudiant.es à signer la pétition. C’est 200 étudiant.es qui étaient présent.es.
Le 2 décembre a eu lieu le conseil universitaire. La CADEUL, l’AESGUL et un total de 500 étudiant.es ont occupé l’espace devant le pavillon Louis-Jacques Casault où s’était réunie la direction de l’Université, afin de manifester leur mécontentement.
Pour l’heure, la communauté étudiante se concentre sur les examens de fin de session. Conséquemment, les associations exerceront des pressions internes. L’AESGUL est parvenue à obtenir une rencontre conjointe avec le vice-recteur et les restaurants Cosmos concernant la cafétéria de l’ADVE dans le pavillon Vachon.
L’équipe du vice-recteur s’attendait à ce que ce changement suscite des réactions négatives de la part des associations. Cependant, l’Université considère que les services alimentaires actuels ne sont pas adaptés aux besoins des étudiant.es et juge essentiel de proposer quelque chose de nouveau. Il rappelle que c’est précisément dans cette optique de diversification alimentaire et de baisse des prix que le RADIS a été créé.
Quel avenir pour la communauté universitaire ?
René Lacroix et son équipe sont persuadés que cette initiative aura un impact positif à long terme sur l’offre alimentaire du campus.
Coralie Duchesneau, présidente de la CADEUL, déplore que, bien que les initiatives étudiantes étaient prêtes à revoir leur offre alimentaire, l’Université a toujours refusé cette discussion. L’abordabilité et la diversification ayant toujours été des objectifs des cafétérias étudiantes, il n’est pas concevable, selon elle, que Saveurs Campus et la cafétéria de l’ADVE aient été écartées sur ces critères. Saveurs-Campus a débuté ses procédures de fermeture. Néanmoins, la CADEUL prévoit de bonifier et de protéger ses autres services alimentaires tels que le PubU et le café Équilibre.
Yeva Côté-Paradis, présidente de l’AESGUL et Sarafina Sénatus, VP aux affaires exécutives de la CADEUL, affirment qu’elles ne se battent pas seulement pour conserver la cafétéria du pavillon Vachon, mais aussi et surtout pour protéger l’ensemble des intérêts de la communauté étudiante. « En prenant cette décision, l’Université Laval envoie le message que n’importe quelle initiative étudiante est menacée si elle décide de faire passer le profit avant les intérêts des étudiant.es. »


