Dans son texte, ce jeune militant de Québec Solidaire affirme notamment que M. Landry « mépris[ait] […] les militants et théoriciens altermondialistes », qu’il a livré un « discours incohérent et démagogique », ne visant qu’à « manipuler les citoyens » et avait une « attitude politicienne et partisane ». Tout cela, sans parler du fait qu’il a la prétention d’avoir remis à l’ordre M. Landry et d’avoir eu gain de cause… Soyons sérieux, s’il vous plaît !
Ce qui me surprend, dans tout cela, c’est d’abord de voir M. Denis dénoncer avec tant de véhémences « l’incohérence et la démagogie » des propos de M. Landry alors que les propos de M. Denis pourraient, eux-mêmes, être qualifié de « démagogiques », ou plutôt de « sophistes », en s’attaquant à son interlocuteur et sa crédibilité plutôt qu’à ses arguments. Pratiques qui ressemblent d’ailleurs étrangement aux méthodes des conservateurs de Stephen Harper, ne trouvez-vous pas ?
M. Denis déplore aussi le fait que la salle ait « applaudi à tout rompre » la réponse de M. Landry à sa question. Selon lui, on devrait s’attendre à un esprit critique beaucoup plus développé de la part d’étudiants universitaires. On ne peut certes pas le contredire à ce sujet, mais je me pose tout de même la question suivante : et si ces applaudissements étaient, justement, une manifestation de l’esprit critique des universitaires ? Si, par leurs applaudissements, les étudiants avaient choisi celui qui, entre les deux, avait les meilleurs arguments ? Je peux comprendre que M. Denis ne soit pas d’accord avec les arguments adverses, mais je doute que cela ne justifie une attaque aussi gratuite de sa part, surtout lorsque son adversaire, en l’occurrence un ancien premier ministre du Québec, n’a pas la chance de lui redonner la réplique.
Je note aussi que M. Denis qualifie Bernard Landry d’être politiquement et économiquement d’idéologie néolibérale. Encore une fois, on ne peut nier le fait que M. Landry, un économiste réputé, ne soit pas l’homme le plus à gauche au Québec. Mais est-ce que le fait de ne pas être aussi à gauche que M. Denis l’est lui-même, fait automatiquement de nous des néolibéraux ? Je vous rappelle que M. Landry, lorsqu’il était premier ministre, défendait des politiques plutôt de centre gauche. En effet, c’est à son gouvernement que l’on doit des mesures pourtant très progressistes, et qui font la fierté des Québécois dits « de gauche » aujourd’hui encore. Parmi ces mesures, notons les garderies à 5 $ (maintenant 7 $) et l’adhésion du gouvernement du Québec au protocole de Kyoto. Son gouvernement a aussi mis l’accent sur la lutte à la pauvreté, notamment par le dépôt d’un projet de loi anti-pauvreté établissant un revenu minimum garanti pour les travailleurs au salaire minimum, aux chômeurs et aux assistés sociaux inaptes au travail le 12 mai 2002. Malheureusement, ce projet de loi mourut au feuilleton suite à la défaite électorale du 14 avril 2003 portant Jean Charest au pouvoir. Bref, dire que M. Landry est un idéologue de droite, en se basant seulement sur une publication, c’est manquer de sérieux et de rigueur !
Avant de conclure, je répondrai aussi aux arguments de M. Denis sur le fond de sa question, afin qu’on ne puisse m’accuser aussi d’évitement chronique. Ainsi, à la question de M. Denis, à savoir s’il était compatible de défendre des idéaux de justice sociale, de solidarité et de respect des nations, tout en étant favorable aux institutions internationales, comme le FMI et la Banque mondiale, M. Landry a répondu que ces institutions étaient dirigées par des socialistes notoires, comme Pascal Lamy (pour le FMI) et Dominique Strauss-Kahn (pour la Banque mondiale), et donc, que la critique de ces institutions devait être relativisée. En effet, pour M. Landry, et c’était le véritable argument, il vaut mieux être assis autour de la table de négociation et tenter d’influencer la décision finale, plutôt que d’être dans les rues à manifester sans trop savoir de quoi il en retourne. Je dois dire que je suis assez d’accord avec lui. Que l’on soit d’accord ou non avec l’orientation de ces institutions et leur fonctionnement, on a beaucoup plus de poids à l’interne qu’à l’externe. Ainsi, il vaut mieux tenter d’apporter les changements souhaités en y participant plutôt qu’en les dénonçant. D’ailleurs, et pour faire suite aux arguments de M. Denis, Jospeh Stiglitz et Paul Krugman ne font que critiquer l’orientation et le fonctionnement du FMI et de la Banque mondiale; jamais ils ne remettent en question le rôle et l’existence de ces institutions, surtout dans une optique d’aide au développement. D’ailleurs, certaines de ces institutions « néolibérales » ont été instaurées à la demande des pays en développement, afin d’obtenir plus facilement des liquidités pour leurs projets à des taux d’intérêt très inférieurs à ceux offerts par le secteur privé.
En somme, il ne fait aucun doute, à mon avis, que M. Denis fait preuve de mauvaise foi en attaquant aussi gratuitement un homme qui a maintes fois prouvé sa valeur et son dévouement envers le Québec et la social-démocratie. Rien dans les propos de M. Landry ne pouvait justifier une telle attitude et une telle sortie publique. M. Denis, vous devriez peut-être réécouter la conférence et réévaluer le ton de votre question afin de comprendre l’impertinence de vos propos à l’égard de Bernard Landry. Vous devriez également relire votre texte du 19 octobre dernier afin d’y constater tout le mépris dont vous faites preuve à l’égard des étudiants de l’Université Laval. Bref, s’il vous plaît, M. Denis, soyez sérieux dans vos prochaines critiques…
Marc-André Pharand
Président
Association du Parti Québécois de l’Université Laval