Pendant plus de 80 ans, le tramway a circulé dans les rues de la Ville de Québec. Commencé en 1865, les voitures étaient tirées par des chevaux jusqu’à l’ouverture du tramway électrique dans la Capitale en 1897. En 2018, l’idée de ce type de transport semble renaître à Quebec. ll est de lieu commun qu’étudier l’histoire permet d’éviter les erreurs commises par le passé. À supposer que la Ville aille de l’avant avec le projet, voyons ce qu’elle pourrait retenir des échecs de l’original.
par Christophe Saillant, journaliste collaborateur
Un défaut consensuel
« Tout le monde se plaint de la lenteur du service des tramways », déclare M. Archambault dans le journal Le Soleil, en 1942. En effet, dès 1907 : « Encore des retards inexplicables sur le tramway de la rue St-Jean », 30 ans plus tard : « Il arrive souvent, entre cinq et six heures de l’après-midi, par exemple, que le client attende cinq, dix et quinze minutes avant de voir poindre la voiture.». Comment se fait-il que l’ancien tramway de Québec fut constamment en retard?
Les obstacles
Contrairement aux autobus, qui peuvent adapter leur parcours en fonction des besoins, le tramway dépend de son circuit. Lorsque la voie du tramway est obstruée, le chauffeur n’a d’autre choix que d’attendre. Ainsi, tout obstacle est une cause de retard. Cela arrivait fréquemment : « Une fois, un camion de livraison déchargeait sur la rue St-Pierre, le tramway ne pouvait pas passer : le camion était trop proche des rails » explique Jean Breton. Parfois, ce sont des cortèges funéraires, d’autres fois, des convois de marchandises, des camions employés à l’enlèvement de la neige, des parades militaires, etc. Certes, toutes ces choses ralentissaient le tramway, mais elles ne semblent pas expliquer la constance des retards de l’ancienne compagnie.
Le traffic
La raison principale de la lenteur du tramway est que celui-ci était souvent coincé dans le trafic : « les voitures circulaient sur la voie du tramway, quand la lumière était rouge, le tramway pouvait être le dixième en arrière ». Ainsi, le transport était d’autant plus lent que les rues étaient achalandées. Ainsi, la compagnie de tramway était incapable de respecter ses horaires. Le problème était particulièrement grave pendant l’hiver.
L’hiver
En 1897, à l’inauguration du tramway électrique, il n’y avait pas de service de déneigement des rues. Puisque le tramway avait besoin de voir ses rails, la compagnie décida de payer le déneigement des rues où il passe. Comme le reste de la ville n’était pas déneigée, les voitures ont décidé de circuler presque exclusivement sur ces chemins, générant une congestion épouvantable. «Souvent des voitures s’enlisaient [dans la neige], le tramway ne pouvait qu’attendre derrière elles.» soutient Jean Breton.
Solutions
Le site propre
Placer le tramway en site propre consiste à lui donner sa propre voie réservée. Ainsi, dans un monde idéal, le tramway en site propre n’a plus à se soucier de ces innombrables obstacles. Dans la réalité, cependant, il est fort probable que des voitures puissent circuler sur les rails dans les intersections, surtout en croix. Il s’agit donc d’augmenter la fiabilité sans toutefois la garantir. En effet « Aucun système n’est parfait, il pourrait y avoir un accident de voiture sur la ligne en site propre parce qu’elle croise d’autres rues. Si un piéton ou un cycliste a un accident, il va falloir arrêter la ligne. Ce n’est pas comme un autobus, on ne peut pas contourner un véhicule arrêté. » explique Dominique Villeneuve, professeur agrégé à la Faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design de l’Université Laval.
Il y a tout de même amélioration. Étant situé au centre des rues, l’ancien tramway de Québec était exposé à ces risques sur tout le réseau. En site propre, seules les intersections sont des lieux d’accidents potentiels. Ainsi, ces derniers sont généralement plus performants et fiables. Par exemple, la ville de Melbourne a constaté une diminution de 25% du temps d’attente après avoir réaménagé certaines portions de leur réseau centenaire. Au contraire, « Le tramway de Toronto a plusieurs lignes qui ne sont pas en site propre, [elles] ne sont pas du tout fiables. On ne sait jamais quand le tramway va arriver parce qu’ils sont pris dans la circulation et la congestion.».
Le règlement
Pour augmenter davantage la fiabilité du système, le tramway pourrait bénéficier d’un statut privilégié par le Code de la route. Par exemple, nous pourrions lui donner priorité dans les intersections pour qu’il n’ait jamais à subir de feu rouge. Dans ce cas, il faudrait aussi interdire les virages à gauche.
Le déneigement
Aujourd’hui, toutes les rues de la ville sont déneigées, cependant, un site propre serait inaccessible aux déneigeuses que nous employons actuellement pour les routes. Il faudra donc investir dans un équipement spécialisé pour le déneigement des rails.
L’entretien de la chaussée
Les autobus de la RTC contournent les travaux routiers, mais cela est absolument impossible pour un tramway. Il faut aussi minimiser de potentielles mises hors services. À cette fin, des travaux préparatoires ont déjà cours à Québec. On déplace les réseaux souterrains de manière à dégager le tracé du projet. Ainsi, en cas de bris de canalisation, par exemple, il ne serait pas nécessaire d’arrêter le tramway le temps des réparations.
Citoyens, le temps est à la délibération : le projet de tramway est encore en phase de développement. Il est temps d’orienter le discours public autour du tramway sur son futur design. L’avenir de notre ville est notre responsabilité.
Bibliographie:
Le Soleil (21 décembre 1934). Lettre ouverte https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3293111
Le Soleil (3 septembre 1907). Sur les tramways https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3486531?docsearchtext=Tramway;%20retard
Le Soleil (16 septembre 1942). J. Archambault demande des sacrifices à la population. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3301460?docsearchtext=plaintes;%20tramway
Mon quartier Québec (2025). René-Lévesque, Saint-Roch, 1re Avenue : quelques travaux du projet TramCité cette année dans nos quartiers. Thomas Verret.