Au premier abord, rien de grave : quelques minutes d’attente avant de rentrer aux concerts ou aux matchs d’improvisation, des ralentissements à la sortie des classes quand les cours se terminent aux mêmes horaires. Pourtant, les mouvements de foule représentent un risque réel dans nos sociétés. Ils font en moyenne 380 victimes par an dans le monde.
Par Lucie Bedet, journaliste multimedia
À l’échelle de l’université, le bilan est loin d’être alarmant, mais nous nous sommes tout de même posés la question des risques. À chaque début de session, le Show de la rentrée rassemble de nombreux artistes et surtout un grand nombre d’étudiants. Et l’hiver arrivant, les tunnels vont rapidement être pris d’assaut. Le froid et les tempêtes ne laissent pas le choix que de s’y réfugier. Et malgré leur apparence bénigne, ces événements peuvent créer des attroupements.
Mehdi Moussaïd est chercheur à l’Institut Max Planck de Berlin. Il a choisi de se spécialiser en mouvements de foule. Il les explique avec passion dans son livre Fouloscopie: ce que la foule dit de nous, mais aussi sur sa chaîne YouTube :
« Au delà de cinq personnes par mètre carré, ça commence à devenir sérieusement dangereux. La foule est prise de tremblements dûs à des vagues de bousculades qui se propagent ». La pression peut alors devenir écrasante.
Autre phénomène tout aussi dangereux, les mouvements de panique : « Par un élément déclencheur ou par la peur, une personne ou un petit groupe de personnes vont entraîner les autres derrière elle, et les gens qui chutent risquent d’être piétinés ».
Sur le campus, Ludovic Rousseau n’a pas eu à faire face à de telles expériences. Le directeur des services de sécurité et de protection, pour qui la mission est de protéger la communauté universitaire, les infrastructures et les biens de l’Université Laval, avoue tout de même que ses équipes ne sont pas spécifiquement pas formées à ces cas particuliers. « Mais il faut savoir que nous faisons beaucoup de prévention : on a des patrouilles, des caméras de surveillance et nous savons gérer et encadrer les incendies. De plus, nous sommes au fait de ce qu’il se passe dans les différents pavillons ».
Les tunnels et les véhicules, ces facteurs à risques
Le risque au sein de l’Université semble faible. Toutefois, Mehdi Moussaïd met en garde : « L’architecture étroite et en virage des tunnels n’est pas optimale pour gérer les flux et limiter les accidents : s’il n’y a pas trop de monde, ce n’est pas trop un problème, mais ça serait une mauvaise idée d’organiser un gros festival de musique. » En effet, cela provoquerait un grand rassemblement et si tous les étudiants se trouvaient en même temps dans les couloirs, cela augmenterait drastiquement la densité, c’est-à-dire le nombre de personnes par mètre carré. Cet indicateur est le plus important pour déterminer les cas dangereux.
Quand les individus sont trop serrés les uns aux autres, ils vont commencer à stresser et vont avoir tendance à bouger plus brusquement. « Le fait que les tunnels soient complètement fermés sur une centaine de mètres crée une forte résonance auditive, développe Mehdi Moussaïd, c’est un facteur psychologique qui peut faire augmenter le niveau de stress et donc les risques. »
Même limités à une vitesse de 10 km/h, les « mini-scoot » qui se déplacent dans les tunnels peuvent aussi causer des rétrécissements des voies et des ralentissements. Pour contrer ce risque, Ludovic Rousseau souligne les règles de santé et sécurité en place : « Tous ceux qui conduisent ces véhicules ont une formation préalable dédiée à ça, ils doivent ralentir quand ils croisent des gens etc., c’est évident. »
Prévenir les risques lors des gros rassemblements
On évoque plus haut le risque lié à un festival. Mais comment ne pas parler du Show de la rentrée ? Cet événement a rassemblé en début de session « près de 10 000 spectateurs, autour de 14 prestations sur cinq scènes », selon la CADEUL. Et tout cela en un même lieu : le pavillon Alphonse-Desjardins. On peut se demander comment les services de protection anticipent ces risques. Lors des files d’attentes, les gens ont tendance à se rapprocher les uns des autres par peur de se faire prendre leur place. Dans les concerts, les étudiants dansent, se bousculent. Alors, sur place, les services de sécurité présents conseillent les organisateurs sur le nombre maximal de personnes à faire entrer et veillent au bon déroulement des soirées.
« Nous nous assurons que les sorties de secours sont dégagées en tout temps, que de la sécurité soit déployée lors d’événements et que les capacités déterminées par le Service des Immeubles soient respectées », garantit Patrick
Rioux, coordonnateur aux infrastructures.
Mais 10 000 personnes, est-ce trop ? Sylvie Veilleux est architecte et directrice adjointe de la Gestion immobilière de l’Université Laval. Dans son département, elle explique justement qu’une « étude de code avait été réalisée il y a quelques années pour déterminer la capacité de cet événement ». En tout, le Grand Salon, l’amphithéâtre et l’atrium peuvent accueillir 1775 personnes et le Pub Universitaire ainsi que le bar Fou Aelies, 481.
Sur le papier, seules 2256 personnes auraient donc pu participer au Show pour que la sécurité soit assurée au maximum, soit quatre fois moins que les chiffres annoncées par la CADEUL cette année.
Si, malgré la vigilance des organisateurs, un mouvement de foule se déclarait, les conseils de l’expert des foules sont les suivants : → Ne pas s’engager quelque part si la densité est trop importante, si vous touchez vos voisins sans le vouloir. → Repérer la largeur, les flux bidirectionnels et les virages pour voir où est-ce que vous passerez mieux. → S’éloigner des parois. → Rester stable sur ses jambes, éviter de bousculer, suivre le mouvement plutôt que vouloir le bloquer. Vous n’y arriverez pas. → Essayer de garder un espace autour de votre cage thoracique pour continuer à respirer si jamais la pression est trop forte.
Repenser les installations ?
Au vu de ces risques, qui sont, rappelons-le, moindres dans le cadre d’une université, faut-il en- visager de penser ou repenser les installations ? Mehdi Moussaïd considère que les architectes commencent à prendre en compte ces données : « Dans les endroits destinés à accueillir beaucoup de monde, comme les stades de football par exemple, on utilise de plus en plus de simulateurs de foule qui permettent de voir comment les gens vont se répartir sur un site. » Ceci n’est pas le cas pour une université ou un centre commercial. Cependant, l’université est « dotée de plans d’évacuation précis pour chaque bâtiment et il y a des entraînements réguliers », rassure
Ludovic Roussel.
Par contre, à l’échelle d’un lieu public, penser en amont les mouvements de foule peut améliorer le confort de marche. Le chercheur donne l’exemple du traçage des routes. En effet, en plus des routes bitumées et bien balisées, des petits chemins de terre apparaissent à travers les pelouses ou sur la neige à force que les étudiants empruntent des raccourcis. « Des études ont été faites et ont montré que ces chemins montrent les liens préférentiels entre les différents bâtiments dans un campus, détaille le spécialiste, ils sont en général complètement différents de ce que les architectes ont prévus, comme des grandes voies tracées très perpendiculaires ». Il serait alors envisageable dans cette situation que les architectes laissent un grand terrain de pelouse pour ensuite bitumer les endroits tracés par la foule.