Les personnes âgées, source de sagesse, sont-elles exclues de la société? Impact Campus s’est entretenu avec Émilie Raymond, professeure à l’École de Travail social et de criminologie de l’Université Laval, pour comprendre le phénomène d’inclusion sociale des aînés dans la société. Vieillir, verbe pouvant créer des peurs et inspirant parfois la solitude, l’inclusion pourrait être la solution !
Par Léonie Faucher, rédactrice en chef
Entre inclusion et exclusion
L’inclusion a plusieurs définitions, celle qu’Émilie Raymond en fait se caractérise par « la capacité qu’a une société de créer les conditions favorables à ce que l’ensemble des citoyens puissent accéder aux services publics et puissent participer à leur goût dans la collectivité. Une ville inclusive va permettre à tout le monde d’accéder aux espaces libres et de participer aux délibérations. Enfin, d’être considéré comme un citoyen à part entière. »
L’exclusion se caractérise par un processus qui amène certains groupes, notamment les personnes aînées, à vivre une situation de non-respect ou de déni de leurs droits. Par exemple, l’exclusion sur le plan socioéconomique se traduit par une personne qui n’a pas accès aux ressources financières nécessaires pour ses projets ou pour vivre décemment.
« L’exclusion sociale est conformée par plusieurs éléments, notamment par les politiques sociales, par l’exclusion économique et par les politiques de sécurité du revenu qui sont interpellés au premier plan des facteurs. Ensuite, la façon de considérer les aînés avec l’âgisme ambiant crée de l’exclusion symbolique ou culturelle. »
– Émilie Raymond, professeure à l’École de Travail social et de criminologie de l’Université Laval
Quelle influence avons-nous ?
Parlons de reconnaissance sociale et de dignité humaine, cessons-nous d’être humain lorsque l’étiquette « vieux» nous est attribuée ? Les structures de notre société créent de l’exclusion. Le rôle de la société est d’influencer un cadre d’acceptation des particularités du vieillissement : perte d’autonomie ou difficulté motrice.
La professeure poursuit cet objectif de préserver les droits. « Je refuse les perspectives animées par les concepts de vulnérabilité, je fais très attention de ne pas infantiliser les personnes aînées, donc je ne pense pas que ce sont des groupes vulnérables. Je pense qu’il y a plusieurs circonstances de leur existence qui les mènent à développer des incapacités. Du fait que le réseau social finit par s’étioler avec le temps, les personnes très âgées disent souvent qu’il n’y a plus personne autour d’elles, car les gens meurent les uns après les autres. »
« J’animais un groupe de discussion au Chili avec des personnes âgées, on parlait de ce que représentait d’être une personne âgée, plusieurs m’ont parlé de solitude, d’abandon. Il faut se préoccuper de la capacité de notre société, dans ce cas-ci de la société chilienne, d’inclure les personnes âgées. »
On est vieux longtemps, maintenant !
La société québécoise est organisée sur une répartition tripartie : scolarisation, vie salariée et retraite. Organisation qui vaudrait la peine d’être revisitée du fait que les personnes vivent de plus en plus longtemps. La vieillesse s’étire de trois à cinq décennies avec les centenaires de plus en plus fréquents.
« Quand on parle d’âge de la retraite, pénurie de main-d’œuvre, je suis vraiment d’accord pour dire qu’il faut se questionner sur comment on organise les choses. Ça n’a pas de bon sens que les 20-50 ans soutiennent les pensions ou les politiques sociales qui rejoignent beaucoup de gens de 60-65 à 100 ans. Deuxième chose, je pense que ça peut être attrayant pour certaines personnes de poursuivre une vie de travailleur après 60-65 ans pour autant qu’il n’ait pas de conscription ou de pression à maintenir un emploi. Les aînés devraient contribuer à la société. », ajoute Émilie Raymond.
La société actuelle influence un bris de la répartition tripartie traditionnelle, car de plus en plus de personnes retournent à l’école ou sur le marché du travail après leur retraite. Les nouvelles générations vivent dans la flexibilisation de leur occupation. Par exemple, à l’Université Laval, il existe l’université du troisième âge qui permet d’avoir un accès au savoir, bien universel, pour les retraités.
Bien vieillir : l’anxiété de ne pas être un fardeau
Plusieurs modèles ont été repensés, notamment la promotion de la vie saine et active auprès des aînés, pour éloigner la menace grise du vieillissement accéléré. La professeure décrit l’impact du phénomène :« C’est très bien de passer d’un modèle centré sur le retrait social des personnes âgées vers un modèle qui valorise la citoyenneté, la participation et l’activité des personnes aînées. En même temps, ce sont des modèles qui génèrent certains conflits normatifs, des injonctions de ce que ça veut dire de bien vieillir. Quand on parle du vieillissement des personnes âgées en forme, ça a l’air d’être des gens au début de la cinquantaine qui font du yoga à tous les jours ! »
Finalement, cette image génère une pression à la bonne santé. Lorsqu’une personne développe des incapacités et sent qu’elle ne suit pas le modèle, elle ressent l’impression d’être un fardeau, puisqu’elle nécessite plus de soins. Au fond, l’inclusion, c’est aussi prendre conscience des différentes trajectoires de la vieillesse en encourageant ceux qui peuvent rester actifs sans oublier ceux qui ont des besoins particuliers.
L’Université Laval apporte sa contribution
L’inclusion sociale des aînés : un enjeu collectif est le projet d’intervention et de recherche déployé par l’Université Laval, soutenu par un appui du gouvernement du Canada de 4 M$ pour cinq ans. Son objectif est de favoriser l’inclusion sociale des aînés sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ). Les aînés de 65 ans et plus vivant dans des milieux présentant des hauts risques d’exclusion (indices de défavorisation, milieu rural, minorité linguistique, communauté autochtone, etc.) seront les principaux bénéficiaires des actions et des services d’inclusion instaurés dans les prochaines années, notamment dans la Ville de Lévis, la Côte-de-Beaupré, l’île d’Orléans, La Jacques-Cartier et la Ville de Québec. L’objectif est de rendre la CMQ un lieu modèle pour ce qui est du vieillissement actif et en santé dans une perspective d’inclusion sociale.
L’article se poursuit avec un témoignage de
Michel Pigeon, étudiant à l’Université Laval
âgé de 74 ans, qui raconte l’ouverture de la
société face à sa situation :
http://impactcampus.ca/le-mag/apres-65-ans-cha…nte-radotage-moi/