Témoignage : Pilule Contraceptive

[TÉMOIGNAGE] À l’hiver 2019, pour des raisons médicales et personnelles, j’ai pris la décision de changer mon contraceptif oral. Celui que je prenais à l’époque ne me convenait plus et j’avais eu vent des bienfaits de celui pour lequel je m’apprêtais à changer. Ainsi, je me suis risquée à la loterie des hormones.

Par Gabrielle Morin, journaliste collaboratrice

J’ai fait ce choix avec une certaine désinvolture, n’ayant précédemment subi que quelques effets physiologiques mineurs lors de mes tout premiers mois avec la pilule, effets tout de suite éclipsés par la fierté que je ressentais d’être enfin en contrôle de mon corps. L’affirmation peut maintenant faire sourire, mais, pour la jeune fille de 17 ans que j’étais, la prise d’un contraceptif semblait constituer une étape marquante dans mon cheminement de femme. Après tout, depuis les années 60, il avait permis à tant de femmes de prendre en charge leur carrière, leur (absence de) famille, leur destin. Ma première expérience n’a pas démenti la conception idyllique que j’ai pu avoir de la pilule miracle qui ne m’occasionnait aucun tracas, sinon la nécessité de mettre une alarme sur mon téléphone ou le stress occasionné par un oubli.

Or, cet hiver, un mois à peine après avoir changé mon contraceptif, j’ai pu constater les effets dévastateurs que pouvaient avoir les hormones sur mon corps et surtout, sur ma tête. J’avais, en effet, du mal à reconnaître comme miennes les humeurs qui m’assaillaient, qui variaient entre « une apathie constante, un manque de concentration et une angoisse généralisée » (extrait de mon journal). Heureusement, grâce aux conseils de bonnes amies et d’un médecin avisé, j’ai pu identifier la cause de mon trouble, et cesser immédiatement de prendre cette pilule devenue fardeau. Cependant, mon soulagement a rapidement fait place à une hébétude teintée de honte, sentiments causés par l’impression d’avoir été dépossédée de moi-même pendant les quelques mois où je prenais cette pilule. Je ne savais que faire ce court laps de temps, qui avait bel et bien existé, mais dont je ne parvenais pas à trouver la cohérence, et dont ne subsistait aucune trace tangible.

J’ai alors fait ce que toute milléniale digne de ce nom aurait fait, c’est-à-dire publier des stories sur Instagram relatant de façon approximative mon expérience, pour ensuite lancer un appel à celles qui pourraient s’y reconnaître. Si je m’attendais à recevoir quelques réponses, je n’étais pas préparée à la déferlante qu’a provoqué ma publication. Malgré ses limites, la plateforme a été propice aux confidences, a permis de joindre plusieurs
solitudes. Non seulement les symptômes que j’y ai partagés se sont avérés ressentis par d’autres, mais j’ai également reçu divers témoignages à propos d’autres formes de contraception hormonale, de troubles étalés sur plusieurs années, ou de médecins peu enclins à croire leurs patientes. Cette porte entrouverte m’a menée sur des chemins que je n’envisageais pas jusqu’alors.

Et maintenant, que faire de ces aveux ?

Si l’on ne peut évidemment pas en tirer de conclusion univoque, on peut néanmoins déceler chez celles qui se sont confiées un besoin évident d’être entendues. Loin de moi l’idée de présenter systématiquement tout contraceptif hormonal sous un mauvais jour (j’y ai d’ailleurs toujours recours !). Cependant, les silences et les lacunes décelés lors de mes échanges avec ces femmes méritent d’être nommés.

Si le sujet est de plus en plus abordé, il reste beaucoup à dire, me semble-t-il. Déjà, les quelques centaines de mots qui me sont alloués pour cet article se sont épuisés, et de nombreuses questions restent en suspens.

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