Sous son casque, Youri sourit

Bien qu’il prétende vouloir casser son image de « ténor dogmatique de la droite », l’adjoint parlementaire du ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Youri Chassin, rejetait déjà la demande des Cégeps de hausser leur financement au moment même où il annonçait qu’il entendait revoir leur modèle, préférant se concentrer sur la « façon ».

Dogmatique, pour décrire Youri, est un euphémisme. Fort d’une maitrise en économiques de l’Université de Montréal sur la question de l’éducation comme facteur d’ascension sociale aux États-Unis, l’antipathique personnage s’est fait connaitre comme économiste et chercheur à l’Institut économique de Montréal (think-tank du patronat), notamment pour ses nombreuses positions contre l’interventionnisme de l’État.

Youri, le sonneur d’alarme

« Si je me montre si suspicieux envers les solutions étatiques, c’est principalement parce que je ne crois pas au mythe d’un État au service du bien commun, déclarait-il un peu plus tôt cette année. Déjà, l’idée qu’il puisse exister un « bien commun » sonne l’alarme. »

Ce qui sonne l’alarme, c’est de voir un ancien sbire du patronat qui rejette ouvertement l’idée de bien commun se retrouver à revoir le modèle de financement des Cégeps, pourtant un grand facteur d’ascension sociale au Québec. Son principal cheval de bataille sera d’ailleurs de faire « travailler davantage les établissements d’enseignement supérieur au service de l’entreprise privée ».

Rien d’étonnant sous le soleil, considérant ses nombreuses prises de positions publiques auxquelles s’ajoutent celles de François Legault, qui avait déclaré il y a quelques années que si le système d’éducation était à refaire, « on ne devrait pas avoir de Cégeps », avant de poursuivre en ouvrant la porte à l’abolition de ces derniers, prétextant que « c’est une maudite belle place pour apprendre à fumer de la drogue et puis à décrocher».

Bien qu’on puisse reprocher une panoplie de choses au modèle collégial, on voit que les ténors de la CAQ ont en haute estime l’un des fleurons québécois. Nous prétexterons un nationalisme colonisé de type « Bob Gratton » (mais ils l’ont-tu l’affaire, les américains!), la marque de commerce de ce parti autonomiste aux relents de l’Union nationale.

Le «gros bon sens» – ça semble le crédo de François « on verra » Legault- serait d’abord et avant tout d’écouter les acteurs et actrices de première ligne dans ce dossier : le personnel enseignant des Cégeps.

Youri, touches pas à mon Cégep !

S’il se défend au moins d’avoir un agenda caché et se dit ouvert à la discussion (je crois que c’est le minimum qu’on peut exiger d’un député), l’ancien membre de Force jeunesse, du Conseil permanent de la jeunesse et de la Fédération étudiante universitaire du Québec, inquiète les syndicats du secteur public… et avec raison.

Ce n’est pas tellement un agenda « caché » qui effraie, mais bien le curriculum tout à fait public de Chassin qui laisse présager le pire en terme de marchandisation du savoir et d’arrimage des services publics aux aléas du marché. Lorsqu’il s’exprime sur l’éducation, c’est en terme de « performance », « d’investissement » et de « capital humain».

S’éduquer est, pour Youri, un choix personnel qui bénéficie d’abord à l’individu, ce qui justifierait de s’endetter. Drôle de discours lorsqu’on ne jure que par les rapprochements de l’école et du marché… c’est à croire que les entreprises y trouvent aussi leur compte.

« C’est dans le diplôme et sa reconnaissance que se situe la finalité de l’éducation », écrivait-il dans le Huffington Post en 2012. On aura vu plus complet et nuancé comme vision de l’éducation pour un adjoint parlementaire responsable de réformer le financement des Cégeps, qui plus est, au sein d’un gouvernement qui prétend faire de l’éducation sa priorité nationale.

Auteur / autrice

Consulter le magazine