Ces slogans qu’on ne saurait voir

À en juger par le ton moralisateur qu’on emploie à l’égard des contestataires d’aujourd’hui, on pourrait presque croire que la complaisance puritaine est désormais préférable à la nécessaire remise en question des politiques publiques. Qu’est-il arrivé pour qu’on impose collectivement une « lourde responsabilité » aux individus ayant décidé d’unir leurs forces pour préserver le modèle québécois ?

Le rôle politique de la société civile n’est pas de s’informer passivement ni d’être un exemple de bonnes mœurs. De telles orientations constitueraient pour elle une abdication très simple de ses devoirs démocratiques traditionnels. Son rôle consiste plutôt à défendre des intérêts et des principes tout en responsabilisant l’État face à la population. Il s’avère qu’on a eu beaucoup de facilité à oublier que les groupes revendicateurs représentent ultimement un rempart nécessaire à la préservation des acquis collectifs.

Par une absurde ironie que je ne saurais expliquer, on semble toutefois penser que ce sont les mouvements contestataires qui doivent continuellement justifier leur existence auprès de la population. Lorsqu’ils expriment publiquement un désaccord avec une initiative de l’État, on leur impose le fardeau de la justification. Pourrait-on dire que les implications d’une telle réaction sont encore plus néfastes que ses conséquences ? En sommes-nous venus, honteusement, à repousser systématiquement ceux qui prennent la défense de la collectivité face à l’autorité des gouvernements ? Notre désir de quiétude et de confort nous a-t-il poussés jusque-là ?

En ce sens, si l’automne 2015 a bien lieu, il est fort possible qu’on ne connaisse pas sa conclusion absolue. Autrement dit, ça ne cassera pas et ça ne passera pas. Particulièrement pas si la population limite son attention aux simples slogans qu’on scandera dans les manifestations. La contestation n’est pas un concours de popularité, c’est une démarche d’opposition calculée et argumentée qui n’est que très rarement orientée vers le gain. Ce qui serait souhaitable, par contre, c’est qu’un dialogue collectif prenne place et que la population, aux côtés de la société civile, questionne l’austérité pour ensuite accepter ou refuser le projet de l’État.

Reste à voir, dans cette éventualité, si on souhaitera s’attarder à l’affichage des manifestations ou aux enjeux réels de la contestation.


 

Chronique en réponse à celle publiée la semaine dernière : « Automne 2015 : Ça passe ou ça casse« 

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