Raphaël Lavoie
Je ne sais pas si c’est le malaise collectif que nous procure la mort ou autre chose, mais dites-moi, la dame de fer qui brûle en plein Londres, vous trouvez ça normal ? En tout cas, faut avouer que ça nous a donné des images assez particulières.
Brûler, c’est un grand mot. On n’a pas sorti le bûcher, mais c’est tout comme. Imaginez plutôt des Anglais tout sourire agitant des portraits de Margaret Thatcher affublée de petites cornes rouges. Tout ça arrosé de mousseux, savouré au goulot même. Rien de moins. « The witch is dead », pouvait-on lire sur plusieurs pancartes et chandails. Ça change du signet mortuaire traditionnel.
Alors, si je ne cautionne pas les célébrations, je cautionne les politiques de Miss Maggie ? Non, pas vraiment. Je ne suis pas un franc partisan du néolibéralisme. Encore moins de l’héritage politique qu’a légué au monde Thatcher. Cela dit, je me vois mal me faire un barbecue en plein centre-ville afin de souligner son séjour en enfer.
La dame de fer a divisé la Grande-Bretagne et vendu pas mal tout ce qu’elle pouvait. Beaucoup ont souffert de ses 11 ans et demi au pouvoir et il serait hypocrite d’oublier cette partie de l’histoire. Mais à ce que je sache, bien que Margaret Thatcher fricotait avec Pinochet, elle n’était pas elle-même dictatrice. Pour que les Anglais la porte au pouvoir trois fois de suite, on devient bien l’approuver quelque part.
Que certains fêtent son départ du monde politique en 1990, ça m’apparait totalement logique. Mais qu’on s’extasie devant sa mort, alors là, je n’en vois strictement pas l’intérêt. Depuis qu’elle a laissé le pouvoir, on ne peut pas dire qu’elle a brassé grand-chose. Elle s’est contentée de commenter à l’occasion, d’apparaître en public. D’exister. Mais il semble que c’était déjà de trop pour certains.
Je suis peut-être un homme qui a la pitié facile. C’est quelque chose que j’assume.
Toutefois, je ne dois pas être le seul à sourciller devant ces célébrations morbides. On peut bien faire des blagues, comme proposer de donner le contrat de ses funérailles au privé, mais danser gratuitement autour du cadavre, je ne vois pas ce que ça apporte à quiconque.
À la limite, pour un groupe de Londoniens qui désirent s’abreuver de champagne à tout prix, un sous-sol quelconque muni de stucco m’apparait idéal. Mais de grâce, un peu de retenue en pleine rue. Margaret Thatcher ne mangeait pas d’enfants, elle n’égorgeait pas de chiens.
Oui, elle était de droite profonde. Oui, elle a parfois manqué de jugement. Et que dire de sa mise en plis tristement célèbre . Cependant, on se souviendra d’elle avant tout comme une première ministre élue démocratiquement. Et c’est pourquoi un minimum de respect ne me semble pas impossible.