À un ami qui, un jour, me faisait le reproche de médire de la Banlieue alors que j’en étais moi-même issu, je répondis que si j’en venais, c’était que les miens y étaient depuis le début. En être enracinés et non en quelconque exilés fuyant les taxes municipales trop élevées en quête de piscine hors-terre. Ma famille avait peut-être été devancée par Guillaume Couture, mais de peu !
Il est aujourd’hui bien vu de professer la haine de la Banlieue et de l’état d’esprit qu’elle sous-tend. Je tâcherais d’être original.
D’abord, il faut être clair : la Banlieue a depuis longtemps dépassé son cadre de notion géographique. Il s’agit maintenant d’un véritable concept métaphysique. Pour preuve, le centre-ville de Québec, et ce, jusqu’au cœur de sa Haute-Ville, est en plein processus de Banlieurisation. Voyez cette Église plus que centenaire (ce qui n’est pas rien en Amérique), jadis dédiée à la divinité commune, maintenant transformée en condos, lieux où seuls les frais sont communs, ou en énième salle multidisciplinaire. La Banlieue étend son empire.
La Banlieue, c’est l’uniformisation, c’est le manque d’imagination, c’est une certaine complaisance dans la médiocrité. Si dans une AG, des militants expliquent que des solutions toutes déjà usées jusqu’à la corde pourront changer les choses et incidemment le monde; déjà elle est là. Lorsqu’un ministre déclare que « les gens de Québec veulent une équipe de hockey, pas un pays! », elle triomphe.
C’est un esprit de renoncement et d’abandon. Il ne faut pas le confondre avec ce désir de retrait pour rentrer en soi lorsqu’on se désintéresse des choses du monde et qu’on aspire à la paix d’esprit. Le banlieusard est quelqu’un qui a négocié son retrait, son insignifiance. Il s’est vendu. J’aime le comparer, avec un certain amusement, à un astre qui accepterait de s’éloigner des rayons du Soleil en échange d’un léger accroissement de sa superficie.
Restons un instant sur cet astre. Comme sa superficie a augmenté, sa masse a forcément suivi et donc son effet d’attraction aussi appelé gravité. Ainsi agrandi, l’astre, ayant renoncé au bienfait de la lumière, n’en meurt pas moins.
Un astre mort qui attire tout vers lui, c’est ça, la Banlieue.