Lettre à un chroniqueur désillusionné

Cette semaine, notre cher ami Richard Martineau a eu l’amabilité de s’adresser à nous, jeunes chroniqueurs en devenir, dans une lettre qu’il a fait paraître dans le Journal de Montréal. J’aimerais le remercier de nous avoir fait part de ses précieux conseils, et j’aimerais aussi peindre ma conception du métier de chroniqueur.

M. Martineau

Sans vouloir vous vexer, je n’ai pas suivi votre premier conseil : j’aimerais devenir chroniqueur. Mais je l’avoue, il s’agit bel et bien d’un métier obsolète. Personne ne mourra demain si plus aucune chronique ne s’écrit, et le monde continuera d’être monde même si Foglia, Avard ou même vous cessiez d’écrire. La chronique comporte cependant une dimension sociale et personnelle ; elle donne la possibilité à ceux qui ne l’ont pas de réfléchir à des enjeux sociétaires fondamentaux qui parfois passeraient sous silence. Peut-être que cette désillusion que vous portez au sujet du métier de chroniqueur est alimentée par une fermeture d’esprit face à l’évolution du monde qui vous entoure. Peut-être êtes-vous emprisonné dans un univers de pensées qui vous a fait perdre le sens de la nuance, de la pertinence et de la réflexion.

Ma ( très ) modeste carrière ne m’a peut-être pas encore permis d’acquérir toute l’expérience que peuvent apporter plusieurs années de dur labeur, mais je crois tout de même pouvoir vous adresser quelques conseils. J’ai cru comprendre qu’aller à contre-courant n’était pas une très bonne idée, en raison des nombreuses critiques que cela pouvait engendrer. Je vous conseille plutôt de le faire, mais de façon réfléchie et stratégique, de façon à faire valoir vos propos et en essayant de réellement faire changer les choses. Mais attention, aller à contre-courant ne signifie pas prendre en haine chacun de ceux qui constituent notre société en s’élevant au-dessus d’eux et de simplement « chialer pour chialer ».

Deuxième conseil, pesez vos mots. De ce que j’ai pu lire de vos textes, vous ne semblez pas familier avec la rigueur. Règle numéro un en journalisme; ne rapportez pas de propos dont vous n’êtes pas certain de l’exactitude ( j’imagine que vous savez de quoi je parle. )

Finalement, le dernier conseil que je puisse vous adresser, le plus important de tous selon moi, est d’avoir le sens du respect. Sans cela, vous ne pouvez toucher droit au coeur de ce qui vous sidère, car l’arrogance vient empêcher l’autre de réfléchir à ce que vous dites.

Je tenais aussi à vous dire de ne pas vous en faire, que la chronique survivra malgré vous et qu’une jeune vague d’auteurs et de journalistes s’élèvera, car plusieurs autres jeunes gens. dont moi, avons encore ce que vous semblez avoir oublié, soit la fierté, le courage. Sur ce, je retourne boire ma sangria avec mes collègues, ça me permet de réfléchir.

Hubert Gaudreau

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