Lettre ouverte sur la poursuite des luttes contre les violences sexuelles

Un an après la série d’agressions sexuelles dénoncées sur le campus de l’Université Laval, le Comité Femmes propose de retracer le fil des événements jusqu’à aujourd’hui. Que ces circonstances nous amènent à réfléchir sur ce que nous exigeons de nos campus, de nos collègues et ami.e.s, et du monde. Lettre ouverte.

Lettre ouverte par le Comité Femmes de l’Université Laval

Briser le silence, ouvrir une brèche

À l’automne 2016, des femmes vivant aux résidences du pavillon Alphonse-Marie-Parent ont eu le courage de dénoncer les agressions sexuelles qu’elles ont vécues dans la nuit du 14 au 15 octobre. Un an plus tard, le silence dans lequel s’est campé le rectorat suite à cet évènement retentit toujours aussi bruyamment dans nos souvenirs.

Dans les jours qui ont suivi, les membres du Comité Femmes ont été parmi les premières à dénoncer l’inaction de la haute administration de l’Université Laval et à apporter un soutien public aux femmes survivantes. Nous étions indignées de constater qu’encore une fois, on faisait porter aux femmes la responsabilité de leur agression, car elles n’avaient pas « barré la porte » de leur chambre.

Nous refusions de taire des violences sexistes trop souvent banalisées et passées sous silence. Nous avons appelé à une mobilisation nationale et à des actions politiques concrètes contre la culture du viol. Et notre appel a été entendu: des dizaines d’établissements collégiaux et universitaires, des organismes communautaires et des associations étudiantes ont manifesté leur soutien à l’échelle de la province.

Le 20 octobre 2016, des motions ont été adoptées à l’unanimité à l’Assemblée nationale du Québec pour « lutter efficacement contre le sexisme et la culture du viol » et mettre en place « une stratégie gouvernementale pour prévenir et contrer les violences sexuelles ».

Force est de constater que ces événements ont permis d’ouvrir une brèche dans laquelle les femmes ont uni leurs voix pour dénoncer les violences sexuelles qu’elles ont subies. La création d’un tel espace, dans l’urgence d’agir, a rendu compte de l’omniprésence des violences.

Souvenons-nous de la vigile féministe de solidarité du 19 octobre qui s’est tenue devant les résidences du pavillon Alphonse-Marie-Parent comme un moment exemplaire d’écoute et de reconnaissance : des dizaines de femmes ont pris la parole, devant des centaines de personnes rassemblées, pour partager leurs souffrances, et dénoncer leurs agresseurs pour certaines, mais aussi pour porter un message d’espoir pour un avenir exempt de violences. Espérons que cette forme de sensibilité s’incorpore à nos pratiques quotidiennes ; que cette solidarité nous permette de cheminer collectivement ; que ce souci de l’autre devienne notre priorité commune.

Les violences sexistes sont quotidiennes, la lutte pour les éradiquer est sans trêve

Le caractère systémique de tels évènements demandait une prise en charge politique et sociale afin de lutter efficacement contre les violences sexuelles. Nous saluons les initiatives qui ont été entreprises au courant de la dernière année et nous revendiquons qu’elles ne restent pas de l’ordre des idées de bonne foi.

Nous appelons à ce que les valeurs du consentement intègrent le quotidien de chacun et de chacune, que les mesures gouvernementales annoncées soient mises en application, et qu’une forme de justice réparatrice soit rendue aux survivant.e.s de violences sexuelles.

Ces violences font bel et bien partie du quotidien des femmes, tant dans l’espace public que dans l’espace privé. Elles s’inscrivent dans les corps, dans les vies, dans l’intimité de celles qui nous entourent. Comme en témoigne l’enquête Sexualité, sécurité et interactions en milieu universitaire (ESSIMU, 2016) menée dans six universités québécoises, une personne sur trois déclare avoir été victime de violence sexuelle au cours de son parcours universitaire au Québec, la grande majorité de ces personnes étant des femmes [1].

Rappelons que, loin d’être des cas isolés, ces situations s’inscrivent dans un phénomène plus large de violence sexuelle, dont nous voyons encore la preuve cet automne avec la série de voix qui se lèvent contre les agissements de Harvey Weinstein et la vague de #moiaussi sur les réseaux sociaux. Ne tolérons plus que des incidents comme ceux-ci, et d’autres moins médiatisés, ne soient pas pris en charge consciencieusement.

Le Comité Femmes réitère son soutien inconditionnel aux survivant.e.s d’agressions sexuelles. Personne ne devrait avoir à porter le fardeau de telles violences dans le silence.

Nous exigeons que nos campus soient des lieux de savoir, d’inclusion, de respect et de sensibilité. Qu’ils demeurent des espaces où la parole est prise en réponse au silence ; où la mobilisation riposte à l’inaction.

La lutte continue.

Encore et toujours : on vous croit.


Le Comité Femmes ULaval

Référence (s) :

[1] BERGERON, M. et al. (2016). Violences sexuelles en milieu universitaire au Québec. Rapport de recherche de l’enquête ESSIMU, Montréal : UQAM.

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