Lettre ouverte. La liste des signataires se trouve à la fin de la lettre.
Pour celles et ceux qui auraient oublié ce qu’est l’UEQ, rappelons qu’il s’agit d’une association nationale d’environ 79 000 membres (dont les 40 000 membres de la FAECUM qui n’ont jamais voté pour s’y affilier). Vous n’êtes sûrement pas sans savoir que la CADEUL a deux fois proposé à ses membres de rejoindre l’UEQ, propositions qui ont toutes deux été rejetées : en 2015 par 8 voix, en 2017 par 684 voix. Néanmoins, la CADEUL a conservé des liens étroits avec l’UEQ, deux anciennes exécutant-e-s de notre confédération ayant même réussi à se hisser dans l’exécutif de cette association nationale.
Or, si aujourd’hui nous dénonçons la CADEUL, ce n’est pas parce qu’elle tâche, depuis plusieurs années (certain-e-s diront depuis l’automne 2013), d’interpréter une version cheap de l’Œdipe-Roi en se crevant les yeux pour faire semblant de ne pas comprendre que ses membres n’en ont rien à chier de l’UEQ. Ce n’est pas non plus parce que la CADEUL est tellement reconnue comme une association corporatiste et déconnectée qu’il existe un mémoire de maîtrise qui montre qu’elle est « une organisation ayant peu de liens avec la population étudiante »[1]. En fait, nous avons une beurrée de raisons d’en vouloir à la CADEUL, au point qu’en 2017 un document de 41 pages est sorti pour la critiquer [2]. Si nous voulons aujourd’hui dénoncer publiquement la CADEUL, c’est parce que la lutte pour la rémunération des stages a démontré, une fois de plus, que la confédération se moque carrément de ses membres.
Lors du Caucus des associations du 25 janvier 2019, les membres présents ont débattu de la question des stages pendant au moins deux heures, moment pendant lequel certains membres de l’exécutif se sont maintes fois exprimés contre la proposition de rémunération de tous les stages, tentant clairement de convaincre l’assemblée de voter en faveur de la compensation. Finalement, après que deux tentatives d’amendements aient été battues, voici la proposition qui fut adoptée :
- Considérant que les stages non rémunérés avant, pendant et après les études ne font qu’augmenter dans les différents milieux et servent souvent à remplacer des emplois rémunérés, parfois syndiqués;
- Considérant que les stagiaires non rémunéré.es se concentrent majoritairement dans des domaines traditionnellement féminins
- Considérant que les stages non rémunérés appartiennent majoritairement au vaste domaine qu’est le care, soit le domaine des soins et de l’assistance, où le travail effectué par les travailleur-ses et les stagiaires est dévalorisé, sous-payé ou gratuit;
- Considérant que les personnes effectuant des stages non rémunérés ne sont pas protégées par la Loi sur les normes de travail;
- Considérant que la CADEUL a déjà appuyé et contribué à la lutte des stagiaires en enseignement
Que la CADEUL se positionne en faveur de la rémunération de tous les stages.
Pour être clair, les stagiaires, ce n’est pas deux-trois tapes dans le dos, un chèque de 9 cennes ou la chance de peut-être accéder à une bourse qu’elles et ils veulent, mais un salaire pour leur travail, et la CADEUL est censée respecter cette volonté-là.
Or, ce n’est pas aux actions du CUTE (l’organisation qui a mené une campagne pour qu’en date du 18 mars, 35 000 personnes soient en grève pour la rémunération de tous les stages) que la CADEUL participe, mais bien à celles de l’UEQ. Or, l’UEQ n’est pas pour la rémunération de tous les stages, elle est même contre, comme l’indique bien son projet de loi présenté au ministre de l’éducation (le fait qu’il était dans la FEUQ dans le temps est probablement une coïncidence en revanche, ne vous imaginez pas des affaires). Pour la FEUQ… euh… l’UEQ, les stagiaires ne méritent pas de salaires, mais plutôt des compensations.
Le 12 février et le 12 mars dernier, les exécutant-es de la CADEUL ont plutôt participé à deux actions de l’UEQ qui furent annoncées aux membres un ou deux jours avant ladite action dans l’hypocrisie la plus totale. Les messages d’invitation, publié sur le groupe Facebook 18-19 Caucus des assos de la CADEUL, ne mentionne jamais les organisateurs-trices de l’événement et ne fait aucune mention de la demande de rémunération. C’est seulement au moment de l’action que nous avons su que la CADEUL se joignait en fait à une initiative de l’UEQ. Il faut mentionner que ces « actions de mobilisation » et « actions symboliques », censées « accentuer la pression sur le ministre », n’ont mobilisé que quelques dizaines de personnes (et c’est généreux).
Nous savons déjà ce que vous allez nous répondre : « notre objectif est d’agir sur tous les fronts pour le bien de la cause » (ou quelque chose du genre). Mais où étiez-vous lorsque nous piquetions des cours, quand nous organisions des réunions, quand nous avions besoin d’argent pour produire de la documentation, quand nous avions besoin de faire de la mobilisation ? Où étiez-vous cette semaine alors que 5000 de vos membres sont en grève à réclamer haut et fort l’amélioration des conditions étudiantes ? Où est votre pub pour la manifestation co-organisée par le CUTE Québec ce jeudi 21 mars, où sont vos beaux sourires de conférence de presse, éclatants de manigances et d’opportunisme ? Ah oui, nous oubliions : vous n’aviez pas le temps, vous étiez trop occupé à aller aux activités d’une association nationale contre laquelle l’ensemble des étudiant-es de l’UL ont déjà voté deux fois[3], question de préparer une campagne dont aucun-e stagiaire ne veut.
Ce qui est le plus choquant dans cette histoire de participation à l’activité privée de l’UEQ, c’est que l’exécutif de la CADEUL a accepté de déployer un montant, payé à même nos cotisations, afin de louer un autobus jaune pour se rendre à ladite activité. Suscitant peu d’engouement chez le petit nombre d’étudiant-es ayant été invités à l’activité, seul l’exécutif de la CADEUL a profité de cette dépense inutile pour se déplacer. Nous tenons à rappeler ici que l’évènement avait lieu dans le Vieux-Québec, soit un trajet plus qu’accessible en autobus de ville à partir du campus.
Exécutant-es de la CADEUL, cessez de gaspiller nos cotisations afin de satisfaire votre soif de carriérisme et respectez les mandats que vos membres vous donnent au lieu de suivre ce que vos amis du national vous suggèrent.
Extrait du rapport annuel 2018-2019 de la CADEUL :
D’une certaine manière, la rapidité d’action du gouvernement a pris de court la CADEUL dans ce dossier. Toutefois, la mise en place d’un comité de travail spécifique (CTS, une structure décentralisée de l’Union étudiante du Québec) sur la question des stages a donné une occasion à la CADEUL de pouvoir faire valoir ses positions. À cet effet, le caucus des associations étudiantes adoptait en janvier 2019 une position forte en faveur de la rémunération des stages, dans l’optique des négociations à venir avec le gouvernement. Les associations étudiantes ont également mis en relief la diversité des conditions de stages. Dans l’état actuel de ses connaissances, la CADEUL peut clairement envisager qu’une solution unique ne sera pas adaptée aux conditions de tous les stages, car celles-ci sont définitivement trop variées. […]Dès décembre 2018, le gouvernement du Québec nouvellement élu s’attelait à la tâche du dossier des stages. La rapidité d’action du gouvernement était appréciable […].
Ce rapport montre bien la façon dont la CADEUL a décidé d’interpréter (de façon vraiment malhonnête) la position afin de ne pas répondre à leur mandat. Pourtant, le fait que le caucus ait voté une position pour la rémunérationde tous les stages (et NON pour la compensation, terme qui inclurait bourses et salaires) ne pourrait pas être plus clair. Et nous voulons la rémunération de TOUS les stages, pas de hiérarchie à savoir qui mérite un salaire, une bourse ou rien du tout.
Signataires
Emmanuelle Lefebvre
Déléguée aux affaires internes et externes de l’Association des étudiants et étudiantes en anthropologie (AÉÉA)
Selma Lavoie
Exécutante externe du Mouvement des étudiant-es en travail social de l’Université Laval (METSUL)
Catherine Lagacé Mc Maniman
Vice-présidence aux affaires externes de l’Association générale des étudiantes et étudiants en théâtre de l’Université Laval (AGÉÉTUL)
Félix Étienne
Coordonnateur général de l’Association des étudiantes et étudiants en histoire (AÉÉH)
Gabriel Savard
Vice-présidence aux affaires externes de l’association des étudiantes et des étudiants en physique de l’université Laval (ADÉPUL)
Guillaume Méthode-Brassard
Coordonnateur aux affaires pédagogiques de l’Association générale des étudiants et étudiantes en relations industrielles de l’Université Laval (AGÉRIUL)
Arian Omeranovic
Coordonnateur aux affaires externes du Regroupement des étudiantes et étudiants en Sociologie de l’Université Laval (RÉSUL)
Vincent Laurence
Coordonnateur à la trésorerie de l’Association générale des étudiants et étudiantes prégradué-es en philosophie (AGEEPP)
Philippe Perron-Savard
Exécutant de l’Association étudiante en enseignement secondaire de l’Université Laval (AÉESUL)
Louis-Xavier Lamy
Secrétaire aux affaires externes de l’Association des étudiants et étudiantes de science politique de l’Université Laval (AEESPUL)
Hubert Grenon
Vice-président aux affaires externes de l’Association de création et d’études littéraires de l’Université Laval (ACÉLUL)
Félix Beaulieu
Exécutant de l’Association des étudiantes et étudiants en études anciennes de l’Université Laval (AÉGÉA)
[1]É. Breton, Service ou mouvement : le dilemme de la Confédération des associations des étudiants et des étudiantes de l’Université Laval, Québec, Université Laval (mémoire de maîtrise), 1994, p. 43.
[2]Bravo la CADEUL !, 2017, en ligne : https://labouchedescanons.files.wordpress.com/2017/11/bravo-la-cadeul-36-ans-de-magouilles-1.pdf.
[3]Après avoir lamentablement échoué à adhérer à l’UEQ en 2015, l’AELIES a finalement décidé de ne pas faire de référendum d’affiliation en 2018, ayant réalisé que cette « Union » est la risée du mouvement étudiant depuis sa création.