Tourner sa langue sept fois avant de parler, est-ce que ça compte pour ce qui est d’écrire? Est-ce qu’on tourne sa plume sept fois avant de rédiger quelque chose qui pourrait choquer? Si tel n’est pas le cas, devrions-nous le faire? Je ne suis pas le premier à sou- lever la question et sûrement pas le dernier, car c’est le fondement même de la liberté, la liberté d’expression.
Je me rappelle l’une des premières fois où j’ai mis les pieds à Impact Campus, il y avait sur la table de conférence le journal Le devoir qui affichait en Une, une photo des locaux incendiés du journal satirique Charlie hebdo, qui avait publié quelques jours plus tôt une caricature de Mahomet. Je me souviens alors m’être demandé, qu’est-ce qui peut bien mo- tiver quelqu’un à faire un geste de la sorte? Non pas d’incendier un immeuble pour des raisons idéologiques, mais plutôt de publier une caricature qui allait assurément faire ré- agir de cette façon. À l’époque, il n’y avait eu aucun blessé, aucun mort, seulement des dommages matériels.
La semaine dernière, le journal français a récidivé, mais cette fois en franchissant une frontière morale, ce qui a amené la population mondiale à se questionner sur les limites de la liberté d’expression. Il faut bien sûr se demander ce qui motivait le directeur de Charlie Hebdo à publier cette caricature, était-ce pour la visibilité que cela pouvait apporter, pour provoquer, pour défendre la liberté d’expression ou simplement par manque de jugement? Voilà jusqu’où nous mène la liberté d’expression, vers des avenues dangereuses qui parfois entraînent des dérapages. Je ne suis pas réfractaire au concept, mais dans la question de liberté, trop rarement on aborde la notion de limite, car après tout, ce serait aller à l’en- contre du fondement même de l’idée de liberté. C’est alors que les irréfléchis, les déma- gogues ou même les ignorants, abusent de l’idée de la liberté d’expression. Il faut donc se demander si la surutilisation de cette arme anticensure n’est pas des plus néfastes dans certaines situations.
Bien que mes propos soient sujet à être critiqués, je me permets de nuancer le fait qu’il faille anéantir toute forme de liberté d’expression. La liberté de presse, d’expression ou de penser se doit d’exister, et j’en suis l’un des plus grands défenseurs, mais qui dit liberté d’ex- pression ne dit pas nécessairement liberté de nuire à l’humanité. L’hebdomadaire Charlie Hebdo avait toutes les raisons du monde de publier cette caricature et surtout le droit de le faire, mais dans la présente conjoncture, il ne s’agit plus de défendre le concept de liberté d’expression, mais il s’agit plutôt d’arrogance envers tous ces hommes et ces femmes qui se battent pour défendre leur liberté individuelle.