Dans toute la tourmente médiatique – bien compréhensible – qu’a provoqué l’incident de Lac-Mégantic, les québécois en ont laissé passer une belle. Et quand je dis «belle», je le dis au sens figuré.
En effet, nous avons appris cette semaine de nos collègues de La Presse Canadienne un des premiers détails sur la négociation entre le Canada et l’Europe sur un éventuel accord de libre-échange. L’Union européenne a ouvert la porte à la multiplication par huit du nombre de véhicules automobiles vendus sur son territoire.
S’il s’agit d’une potentielle victoire pour le secteur automobile canadien, principalement installé en Ontario, cette ouverture ne se fait pas sans condition. Et c’est une analyse allemande de 7 pages, datée du 18 juin dernier, qui met en lumière plusieurs éléments jamais dévoilés des négociations Canada-Europe.
L’un de ces éléments stipule que le Canada serait prêt à se débarasser de la règle restreignant à 49% la propriété étrangère des mines au sein de l’industrie…de l’uranium!
Appuyez sur pause.
Le secteur automobile canadien est en Ontario. L’uranium canadien est majoritairement sur la Côte-Nord, au Québec.
En ce sens, une question très pertinente se pose: est-ce que le Québec est en train de se faire passer un sapin? Est-ce qu’en plus de demander aux québécois de financer à coups de milliards l’industrie automobile ontarienne, on va leur demander de prendre des risques environnementaux sur la Côte-Nord?
Et les Premières nations qui gravitent autour de Sept-Îles? Leur a-t-on demandé leur avis?
D’ailleurs, il vous faut savoir que nous connaîtrons le contenu complet de cet accord de libre-échange une fois qu’il sera signé, et ce, même si le fédéral nous a «promis» de demander l’opinion des provinces. La dernière fois que le fédéral a promis de nous demander notre avis, on s’est fait imposer des super-prisons à nos frais, alors…
Pendant ce temps, en Alberta…
Et pendant ce temps, au royaume albertain du pétrole, le gouvernement vient d’autoriser Shell à aller de l’avant avec son projet Jackpine qui, selon les dires d’Environnement Canada, aurait des «effets irréversibles sur l’environnement». Est-ce que je vous entends dire que ça n’a aucun impact sur le Québec?
Vous vous trompez. Sachez que très bientôt entre en vigueur les crédits carbones. Ce sont, grosso modo, des droits de polluer (au-dessus d’un certain seuil) que s’échangeront les nations entre elles. Ça représente des milliards de dollars annuellement à compter de la prochaine décénnie.
En ce moment, le Canada surpasse le seuil acceptable de beaucoup. Et le Québec, lui? Il est grandement en-dessous du seuil acceptable. Oui, mes amis: bientôt, il vous faudra payer la surpollution de l’Alberta à gros prix alors qu’en étant souverain, par exemple, le Québec pourrait vendre au Canada des crédits carbones. Je répète: ce sont des milliards annuellement.
Ce n’est pas qu’un projet de rêveur…
Pendant ce temps, bien des gens qualifient la souveraineté du Québec comme un projet de rêveur dépassé alors que si on s’y penche deux minutes, ça n’a jamais été autant le bon moment d’y songer.
De plus en plus, les grandes décisions du monde se prennent à l’international. Elles se prennent à l’ONU, à l’OCDE, à l’UNESCO, au G20. Le Québec n’est pas assis à cette table car il n’est pas un pays souverain. Ce qui explique en quoi une nation qui ne gère pas 100% de ses leviers, que ce soit légalement, financièrement ou dans ses relations internationales, n’atteindra jamais son plein potentiel.
Je pourrais aussi exposer les avantages qu’aurait un Québec souverain dans des tragédies comme celle de Lac-Mégantic, où le transport ferroviaire est de compétence fédérale, mais on s’en reparlera en temps et lieux par respect pour les victimes et leur famille.
En somme, à partir de maintenant, si nous voulons une société qui nous ressemble et qui nous rassemble, il ne faut plus avoir peur du changement nécessaire, aussi bien dans la vie économique que dans notre vie sociale: il faut embrasser ce changement et le sculpter à notre image, pour nos besoins et nos valeurs.
C’est ça, se construire un pays. N’attendons plus la permission d’une autre nation pour le faire.