« Être islamiste et finir ses jours dans une épicerie casher. Massacrer une rédaction et terminer dans une imprimerie. » On est le 9 janvier, il est midi. Je lis ces mots pris sur Twitter à la salle de rédaction, alors jonchée de Unes de journaux portant ce même slogan : « Je suis Charlie ». On rit sur cette tragique ironie. Est-ce qu’eux aussi, les Charb, Cabu, Wolinski, Tignous, Honoré, ils auraient ri de cette fin ? Probablement.
Ce droit à la satire, cette constante impertinence, ils l’avaient à cœur et en faisaient leur porte-étendard. Rire de tout, quelles que soient les circonstances, c’était ça, l’esprit Charlie.
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J’étais en France le 7 janvier lorsque l’attaque a été perpétrée. Le nez dans mes valises. Mon retour au Québec est pour le lendemain à la première heure. Les médias sont en alerte. Impossible. Un frisson d’effroi me traverse le corps en contemplant, blême, le fil de nouvelles défilant frénétiquement sous mes yeux. Mon père se fige lui aussi. Ses plumes fétiches sont mortes. « Cabu, Wolinski… Je les lisais en 68… », soupire-t-il, déconcerté. L’esprit Charlie, c’est lui qui me l’a fait connaître.
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L’esprit Charlie, c’est aussi ça qui m’a amenée, jeune, vers la voie du journalisme. Je me rappelle des controverses sur la publication des caricatures de Mahomet, en 2006. Je consacrais mon 1er long exposé de secondaire sur le sujet. Avec des mots parfois bancals, j’écrivais ce qui pourrait s’apparenter à mon premier éditorial. Je l’ai relu cette semaine. Tout était déjà là : satire, liberté d’expression, liberté de presse, humour, dérision… À ma façon, je rendais hommage au courage de ces dessinateurs teigneux, mais humanistes.
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Maintenant, je suis journaliste. Et c’est à mon tour de défendre ce principe fondamental qu’est la liberté d’expression. C’est à mon tour de combattre l’obscurantisme. C’est à mon tour de perpétuer l’esprit Charlie.
Cette semaine, malgré la douleur, malgré l’effroi, malgré la rage, j’étais fière d’être journaliste.
C’est la phrase d’Albert Londres qui m’est venue en tête le soir du 7 janvier : « Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus que de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »
Alors, aujourd’hui, plus que jamais, aiguisons nos plumes pour que jamais ne se taisent leur voix, leurs coups de crayon et leurs éclats de rire…