S’il y a une fonction de Facebook dont je ne me sers pas souvent, c’est bien le « retrait de la liste d’amis ». Le bouton qui sert à flusher les indésirables, en d’autres mots. Dans mon fil de nouvelles, il y a trop de photos de chats, trop de chialage, trop de #déclarationdefillessaoulesavecdeshashtags et pourtant, après ma montée de lait quotidienne, je décide de ne rien faire.
Je les garde à bord de mon vaisseau numérique, ces fameux indésirables. Je me dis, tient, je vais peut-être avoir besoin un jour d’un de ces contacts bidons pour une raison tout aussi bidon. On ne sait jamais. Faut être prévoyant dans la vie. Outre nous faire perdre notre temps, Facebook, ça sert aussi à ça.
Sauf que la semaine dernière, j’ai succombé. J’en ai envoyé une dans les limbes de Mark Zuckerberg, loin de ma liste d’amis ( qui, pour la plupart, ne le sont pas ). Appelons-la Sophie. Évidemment, Sophie ne se nomme pas Sophie, mais voyez-vous, je lui dois bien l’anonymat. Elle n’était pas méchante, Sophie. À l’époque où on se côtoyait dans de vrais lieux, avec du vrai gypse et de vraies briques.
Mais ça, entre vous et moi, c’était il y a longtemps. Pas qu’elle est devenue le suppôt de Satan, mais, c’est bien connu, avec le temps, les gens changent. Les gens pensent différemment. Les gens avancent, régressent, font du surplace.
Ça arrive même que les gens publient sur Facebook des affichettes commémoratives à l’effigie de Paul Rose. Un genre d’infographie à la « Yes, We Can » d’Obama, mais recouverte d’une sauce felquiste.
Écoute Sophie, je ne suis pas certain de bien comprendre. Il est bien beau, le poster, mais le gars dessus, lui, il me donne un petit malaise. Comme toi, j’ai beau pencher à gauche, être ouvert à la cause souverainiste et sensible aux mouvements sociaux, ce gars-là, c’est la crise d’octobre. Ce gars-là, c’est l’enlèvement et le meurtre de Pierre Laporte.
Paul Rose, même si on le qualifie ( sans mentir ) de militant et de politologue, c’est aussi un terroriste. Et malgré son combat pour l’égalité et le pays que tu souhaites, Sophie, il n’est pas le genre de type à qui l’on doit un hommage graphique et romantique. Encore moins sur la place publique. Il s’est battu, mais en choisissant de s’inscrire dans l’infamie de l’histoire du Québec. Essayons donc de garder nos fleurs pour ceux qui auront choisi la route honorable.
La suite de l’histoire, elle est facile à deviner. Après la découverte de l’image au travers d’une douzaine de statuts niaiseux, j’ai ramassé le bas de ma mâchoire qui trainait par terre et j’ai relégué Sophie aux oubliettes virtuelles. Et pouf, Paul Rose n’était plus béatifié dans mon fil de nouvelles. Solution facile me direz-vous, solution efficace je vous répondrai.
Faut savoir qu’Internet est une terre sauvage et que nous, cowboys du 21e siècle, sommes libres du genre de gibier que nous voulons y faire pâturer. Sophie peut bien vouer un culte à qui elle veut, je ne suis pas obligé de cautionner. Et pour Rose, je passerai mon tour.
Raphaël Lavoie