Professeur en technologies musicales, Aaron Liu-Rosenbaum étudie les liens entre les femmes, le pouvoir et la technologie dans les vidéos musicaux. Impact Campus l’a rencontré avant sa conférence de mercredi sur le sujet.
Laurence Bombardier-Cauffopé
Le professeur Liu-Rosenbaum s’intéresse aux enjeux autour de la représentation de la femme dans la techno-pop. Autrement dit, il étudie l’utilisation de la technologie tant au niveau visuel qu’à celui de la manipulation de la voix. Il affirme qu’il y a un rapport intéressant entre la technologie, la femme et le pouvoir féminin. Ce chercheur musical croit que les femmes utilisent la technologie pour se redéfinir, se rajeunir.
Tout d’abord, l’emploi de la technologie vient rendre le vidéoclip techno-pop plus moderne. Or, le nouveau vend, le vidéoclip techno-pop se vend donc plus facilement. En fait, la nouveauté vient frapper la curiosité des gens. Psychologiquement, la technologie nous fait sentir plus moderne, plus au courant. Les individus veulent faire partie du mouvement, ils ne veulent pas juste en être témoins. Pour preuve, les gens peuvent dormir à l’entrée des magasins lors de la sortie d’un nouveau produit. Ils veulent le dernier appareil in. Ils veulent être capables de twitter deux minutes avant les autres sur le nouveau Iphone.
Une des grandes interrogations de M. Liu-Rosenbaum : «Si les femmes utilisent la technologie, est-ce qu’elles réussissent à prendre le pouvoir sur les hommes ?» L’utilisation de la technologie pourrait-elle marquer notre indépendance vis-à-vis des hommes ? Les observations du professeur laissent croire que les vidéos des femmes sont de plus en plus «masculins». De plus, la représentation de la femme est beaucoup plus agressive avec l’utilisation d’armes ou les combats physiques contre les hommes. La femme tente de prouver qu’elle peut dominer, voire dépasser l’homme.
Mis à part cette agressivité, on retrouve aussi la femme représentée en cyborg (demi-humaine et demi-robotisée) dans la techno-pop. Ainsi, la femme est personnifiée de façon plus androgyne. On assiste, selon Aaron Liu-Rosenbaum, à l’apparition d’un troisième genre. Par exemple, dans le vidéoclip All is Full of Love de Bjork, deux cyborgs amoureux chantent avec une voix féminine, mais tout de même un peu androgyne. Cher dans sa chanson Believe apparaît, elle aussi, en cyborg. Ce qui est intéressant, c’est que cette chanson parle d’être plus puissant. La technologie est donc vue comme palliatif à l’écart de pouvoir entre hommes et femmes.
Le professeur de l’UL relève que l’Auto-Tune (logiciel correcteur de tonalité, NDLR) est un marqueur significatif dans la techno-pop quant à l’utilisation de la technologie. «La manipulation de la voix par l’Auto-Tune permet de changer le genre de celle-ci. Cela confirme encore l’apparition d’un troisième genre. En fait, on veut que la femme sonne plus comme un homme, et vice-versa.» Dans un de ses clips vidéo, la chanteuse Kate Bush joue le rôle du fils d’un scientifique qui doit apprendre à utiliser un appareil pouvant faire pleuvoir. La chanteuse, qui s’est basée sur une histoire vraie, a choisi de ne pas changer le sexe de l’enfant. D’après Aaron Liu- Rosenbaum, c’est le message que les femmes doivent s’engager avec la technologie autant que les hommes. «On peut voir dans la vraie vie que les femmes ont de plus en plus de pouvoir pour réaliser, créer des vidéos et avoir leur propre label. C’est une bonne chose.»
Quoi ? Conférence «Les femmes, le pouvoir et la technologie: leurs liens dans les vidéos musicaux»
Où ? Salle Henri-Gagnon du Pavillon Louis- Jacques Casault
Quand ? Le 19 septembre à 15 heures
Crédit photo Une : Pierre-Louis Curabet