À la limite de la folie

Le trouble de personnalité limite (TPL) est difficile à diagnostiquer puisque les symptômes ressemblent à ceux retrouvés dans plusieurs autres troubles psychologiques, tels que la bipolarité, la dépression et le trouble de contrôle des impulsions par exemple. Pour être diagnostiqué, il faut rencontrer cinq des neuf critères caractérisant le TPL selon le Diagnostic and Statistical Manual – Revision 4 (DSM-IV) publié par l’association américaine de psychiatrie (voir l’encadré). Mais attention! Le TPL n’est pas une maladie mentale. «Le trouble de personnalité limite est causé par un ensemble complexe de facteurs tant sociaux que biologiques. Outre un tempérament probablement plus irritable à la naissance, l’enfance des personnes présentant un TPL est aussi souvent caractérisée par un abandon de la part d’une figure d’attachement, le père ou la mère, en bas âge», souligne Sébastien Bouchard. «De plus, près de 60 à 80% des sujets avec un TPL ont été abusés physiquement ou sexuellement par une personne en qui ils avaient confiance lors de l’enfance». Il n’y a pas gène du TPL clairement identifié, mais la recherche tend à suggérer que certains «gènes candidats» pourraient contribuer au développement d’une vulnérabilité à ce grave trouble psychologique qu’est le TPL.

Surtout des femmes
Le TPL touche de 12 à 14% des personnes atteintes d’un trouble de la personnalité, ce qui représente environ 2 à 3% de la population. Près de quatre personnes sur cinq ayant un TPL sont des femmes. En somme, le TPL est caractérisé par une difficulté à contrôler ses pulsions et ses actions, par des relations interpersonnelles instables marquées de cycles d’idéalisation et d’une méfiance importante en situation de stress de même que par une difficulté avec l’intimité. Ce dernier point a particulièrement intéressé Sébastien Bouchard lors de ses études doctorales.

Très peu d’études ont été effectuées sur l’impact de la présence d’une personnalité dite borderline chez un des deux conjoints au sein d’un couple. Pourtant, les difficultés semblent évidentes. «De quelle façon leurs vulnérabilités psychologiques influencent leur vie de couple?», se questionne M. Bouchard. Il a donc tenté de répondre à sa question en étudiant, pendant un an et demi, 35 couples dont l’union datait depuis au moins 2 mois. «Nous avons utilisé une définition très libérale de ce qu’est un couple. Pour ces personnes, deux mois de fréquentation signifient souvent beaucoup», indique
Sébastien Bouchard. La majorité des couples (68,7%) ont traversé des épisodes répétitifs de rupture et de réconciliation durant l’étude. «Près du tiers de ces couples se sont définitivement séparés après une période de
18 mois», continue le doctorant.

Qui se ressemble s’assemble
Sa première surprise a été de constater que les conjoints sont souvent aux prises eux-mêmes avec un trouble de la personnalité. «Près de 56% des personnes en couple avec une personne présentant un TPL rencontrent les critères diagnostiques d’un trouble de la personnalité, le plus souvent un trouble de personnalité évitant, antisocial, paranoïde ou obsessionnel-compulsif», précise M. Bouchard.

Les couples étudiés par Sébastien Bouchard montrent plus de problèmes de communication que la normale. «Curieusement, dans notre échantillon, c’est souvent la femme qui évite les discussions contrairement aux couples contrôles où c’est elle qui demande à communiquer», affirme-t-il. Lors de son étude, Sébastien a également remarqué que près de 90% des femmes avec un TPL usent de violence psychologique et que 54% utilisent la violence physique dans leur couple. Il soulève le fait qu’«une minorité de couples rapportent des niveaux élevés de violence conjugale mutuelle». Pourtant, le taux de satisfaction conjugale au sein de ces couples est étonnant: 51% des femmes ayant un TPL et 60% de leur conjoint se disent satisfaits de leur union. Cependant, la présence d’une majorité de couples ensemble depuis longtemps et se disant satisfaits de leur union indépendamment d’un fonctionnement conjugal hautement conflictuel et instable soulève bien des questions. Selon le psychologue, cela s’explique par le fait que le conjoint, au cours des années, s’est peut-être ajusté aux attentes élevées de sa conjointe. En conclusion, Sébastien Bouchard pense que les cliniciens devraient considérer d’évaluer la personnalité du conjoint dans l’évaluation et le traitement du TPL. «Actuellement, ce n’est pas pris en compte», confirme-t-il.

Aucun remède miracle n’existe pour traiter le TPL. La thérapie demeure le meilleur traitement. «Après une thérapie de deux à cinq ans à raison d’une ou deux fois par semaine, 90% des patients rapportent une amélioration très significative, voire une rémission totale», affirme Sébastien Bouchard. «Il existe certains médicaments destinés à diminuer les traits de la personnalité limite. Ils servent à mettre le cerveau dans un état pour mieux profiter et apprendre de la psychothérapie», estime le psychologue. Certains symptômes sont plus rapides que d’autres à disparaître, mais en persévérant, il est possible d’apprendre à vivre avec le trouble de personnalité limite.

Caractéristiques de la personne borderline

1 – Efforts effrénés pour éviter le rejet, l’abandon: la personne
peut moduler le rejet par des actions violentes.

2- Mauvais contrôle de la colère, rage inappropriée.

3 – Perturbation de l’identité. La personne se sent comme
un caméléon: elle prend les opinions des autres, les goûts des autres, etc.

4 – Hypersensibilité, instabilité affective.

5 – Cycles de valorisation et de dévalorisation: la personne
alterne rapidement entre le sentiment d’être le roi ou la reine de la soirée et celui d’être une personne minable.

6 – Répétition de comportements, de gestes ou de menaces
suicidaires ou d’automutilations.

7 – Impulsivité dans trois domaines pouvant être domma-
geables, par exemple le sexe, la drogue, la prostitution, les dépenses excessives, la boulimie et l’anorexie.

8 – Période psychotique transitoire: la personne peut se
sentir persécutée ou peut entendre des voix, mais
sur de courtes périodes.

9 – Sentiment chronique de vide.

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