Illustration : Jean-François Latouche

Fusion nucléaire : Pas si près du but

La semaine dernière, un article paru dans The Guardian annonçait en grande pompe les avancées technologiques du Massachusetts Institute of Technology (MIT) dans le domaine de la fusion nucléaire. Les chercheurs promettaient que d’ici 15 ans, il serait réaliste de penser que l’on pourrait développer une centrale fonctionnant avec la fusion nucléaire. Émile Knystautas, professeur titulaire de physique à l’Université Laval, n’en est toutefois pas convaincu. Il estime même que ce ne sont que des promesses vides. Qu’en est-il vraiment?

D’après M. Knystautas, les progrès annoncés en grande pompe par le MIT doivent être pris avec un grain de sel. « Il faut tempérer nos attentes. Il y a encore beaucoup de chemin à faire avant d’atteindre l’énergie universelle pour tous [provenant de la fusion nucléaire] », avance-t-il. Sans trop critiquer les chercheurs, il pense que « c’est sous la pression des relations publiques dans le but d’obtenir des fonds qu’ils font des promesses comme ça. »

Qu’est-ce que la fusion nucléaire?

La fusion nucléaire consiste à chauffer à des températures incroyablement chaudes – à des millions de degrés – des atomes excessivement compactés. La température devient tellement élevée que les noyaux des atomes se séparent de leurs électrons, formant ainsi un plasma où les noyaux et les électrons se promènent librement. Les noyaux légers peuvent ainsi se fusionner avec d’autres noyaux légers pour créer des noyaux plus lourds libérant du même coup une énorme quantité d’énergie.

« Le but, c’est de recréer les réactions atomiques que l’on retrouve dans le soleil. Donc pour obtenir la fusion thermonucléaire, ça prend deux choses ; une haute température et une haute densité », raconte M. Knystautas.

Complexité de la fusion nucléaire

« C’est le même principe qu’une bombe H [bombe à hydrogène], mais de façon contrôlée. C’est ça qui pose problème, contrôler la réaction », poursuit le professeur de physique.

Pour l’instant, le plus gros problème que rencontrent les chercheurs en est un d’ingénierie. « Les parois de la chambre de fusion sont fatales pour la réaction, il ne faut pas que le plasma confiné touche les parois en tungstène, car les atomes de tungstène se mélangent à la réaction et éteigne le plasma », souligne M. Knystautas. Selon lui, ce problème représente le plus gros obstacle auquel les chercheurs font face.

De plus, la réaction ne nécessite pas seulement des atomes d’hydrogène (H), mais aussi ses isotopes, le deutérium (2H) et le tritium (3H). Ceux-ci sont beaucoup plus rares sur la surface de la Terre, donc extrêmement couteux à obtenir.

« C’est inimaginable de penser que dans quinze ans seulement, on aura de l’électricité produite en grande quantité par la fusion nucléaire. Une soixantaine d’années serait un objectif beaucoup plus réaliste. »

Un mode de production d’énergie quasi parfait

Il ne faut pas confondre la fusion nucléaire avec la fission nucléaire, que l’on retrouve dans les centrales comme celles de Gentilly. Comparativement à cette dernière, la fusion nucléaire ne laisse aucun déchet radioactif. En cas de problèmes avec le réacteur, le plasma ne sera que relâché dans l’air ambiant et reviendra à son stade initial, sans aucun danger pour l’environnement. La réaction refroidit et s’éteint tout simplement.

Tel que l’explique M. Knystautas, un autre avantage de la fusion est le combustible. « Il n’y a pas de problème, car le combustible, c’est l’eau. » C’est l’hydrogène que l’on retrouve dans la molécule d’eau qui sert à la réaction. Certains affirment qu’un seul verre d’eau pourrait produire autant d’énergie qu’un baril de pétrole. La fusion nucléaire permettrait ainsi une véritable révolution énergétique.

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