Un sondage fait par le magazine « Nature » sur 1600 scientifiques américain.es révèle que 75 % de celleux-ci pensaient quitter le pays. En effet, de nouvelles mesures ont été instaurées qui inquiètent la communauté scientifique depuis l’arrivée de l’administration Trump au pouvoir (Julia Musto, 2025).
Par Heidi Lalonde, journaliste collaboratrice
« Alors que les ordres exécutifs se multiplient et nous demandent d’agir en opposition directe avec ce qu’il convient de faire, il est absolument essentiel que nous apportions toute la force du chaos dont nous sommes capables en tant que philadelphien.nes et scientifique » (McAnulty, 2025). C’est ce qu’a exprimé Sarah McAnulty, biologiste américaine, à Philadelphie, lors d’une des nombreuses manifestations qui s’est déroulée le 7 mars aux États-Unis. Sous le nom de « Stand Up for Science », ces manifestations ont rassemblé la communauté scientifique américaine pour dénoncer les récentes coupes budgétaires, les licenciements d’employé.es et l’opération « antiwoke » que mène l’administration Trump. Des départements fermés à la Nasa, un gel de subvention à l’Institut national de la santé ou encore le licenciement de 700 à 1300 employé.es à la FDA (Food and Drug Administration), aucun département scientifique n’est à l’abri (Escher ; Lecornu, 2025). La communauté scientifique avait déjà manifesté dans les rues lors du premier mandat de Donald Trump. Sous la même organisation « Stand Up for Science », les principaux enjeux étaient les changements climatiques et les vaccins (Calfa, 2017).
Éradication du « wokisme »
Les personnes trans qui sont bannies de l’armée ou l’enlèvement des politiques de DEI (Diversité, équité et inclusion), l’administration Trump mène une guerre « antiwoke » depuis le début de son mandat. Les scientifiques ne sont pas épargné.es par ces mesures. Le formulaire est envoyé dans le but de s’assurer que les recherches sont alignées avec les politiques de l’administration américaine (Sumanac-Johnson, 2025). Environ 700 mots sont maintenant interdits d’utilisation dans les recherches scientifiques. «Genre » et « ségrégation » en sont des exemples. Cette liste est notamment utilisée pour refuser des demandes de financement pour les travaux des scientifiques. C’est simple, l’utilisation d’un de ces mots, sans prendre en compte le contexte, peut empêcher un.e chercheur.se de mettre la main sur l’argent nécessaire à la recherche. De plus, des données sur des sujets en rapport avec les mots bannis se sont volatilisées mystérieusement. La virologue canadienne Angela Rasmussen explique que des données sur le VIH concernant la disparité ont disparu du site du Centre pour le contrôle et la prévention des maladies. Une autre mesure qui va ralentir les recherches sur ce sujet (Lachowsky, 2025).
Coupures dans la recherche
Voulant faire des coupes budgétaires, le Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE), géré par Elon Musk, a fait du ménage dans l’administration publique depuis sa création. Environ 75 000 employé.es avaient accepté de démissionner. Le DOGE sème également le chaos dans le monde scientifique en licenciant des employé.es (Gosselin, 2025). En effet, des travailleur.ses comme de jeunes chercheur.ses et des agent.es administratif.ves travaillant dans des organisations scientifiques ont été congédié.es. L’Université de Johns Hopkins qui a dû licencier 2200 employé.es, les trois départements de la NASA qui ont fermé ou encore la NOAA (l’Administration Nationale des Océans et de l’Atmosphère) qui a perdu 10 % de son effectif en sont des exemples. Le financement pour la recherche est également touché par les politiques de la nouvelle administration. En janvier, les subventions de l’Institut national de la santé avaient été bloquées. Pour l’instant, cette mesure a été bloquée par un juge. Cependant, les groupes d’évaluation de recherche ont été suspendus. En charge de réviser les demandes de financement, cela va ralentir les nouvelles recherches (Escher ; Lecornu, 2025).
Des conséquences qui dépassent les frontières américaines
Des scientifiques d’ailleurs ont fait part de leur inquiétude face à la coupe budgétaire de la recherche scientifique. En effet, les États-Unis financent également des recherches d’autres pays. Par exemple, le Canada a reçu 40 millions de dollars au courant de la dernière année (Yoon, Zafar, 2025). Une immunologiste canadienne, Dawn Bowdish explique : «Les institutions envoient des messages aux chercheurs comme moi dans lesquels on nous demande de ne pas dépenser plus d’argent avant d’avoir eu la confirmation du financement » (Traduction libre, Buckley, 2025). Le financement américain pourrait aussi être affecté par les mesures contre le principe de diversité, équité et inclusion. Il n’a pas juste l’aspect monétaire qui inquiète les scientifiques. La communauté scientifique américaine contribue également au financement matériel de plusieurs recherches à travers le monde. Par exemple, les États-Unis sont responsables de 50 % des équipements utilisés par le réseau mondial d’observation océanique. Les recherches ne peuvent pas avancer sans la technologie utilisée pour faire ces découvertes (Escher; Lecornu, 2025).
En regardant le résultat du sondage du magazine « Nature », on peut s’attendre à un exode des cerveaux américain.es dans les prochains mois vers des pays alliés comme le Canada. Ça va créer une opportunité pour ces pays de développer leur communauté scientifique. Le ministre de l’Immigration Jean-François Roberge a affirmé que le Québec est prêt à accueillir des chercheur.ses américain.es (Jones, 2025).
Références
Buckley, C. (2025, 12 février). Incredibly worrisome’: Canadian research facing uncertainty after U.S. funding freeze. CTV News. https://www.ctvnews.ca/health/article/incredibly-worrisome-canadian-research-facing-uncertainty-after-us-funding-freeze/
Calfa, J. (2017, 17 février). Hundred Rally against Trump policies in Stand up for science protest. The hills. https://thehill.com/blogs/blog-briefing-room/news/320323-hundreds-rally-against-trump-policies-in-boston-to-stand-up-for/
Escher, O; Lecornu, P. (2025, 20 mars). Comment l’administration Trump attaque-t-elle la recherche scientifique aux Etats-Unis ? Comprendre en trois minutes. Le monde. https://www.lemonde.fr/comprendre-en-3-minutes/video/2025/03/20/comment-l-administration-trump-attaque-t-elle-la-recherche-scientifique-aux-etats-unis-comprendre-en-trois-minutes_6583792_6176282.html
Gosselin, J. (2025, 7 mars). Qu’est-ce que le doge? Lapresse. https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/2025-03-07/qu-est-ce-que-le-doge.php
Jones, A.M. (2025, 30 mars). A U.S Brain Drain could be Canada’s brain gain. CBC News.https://www.cbc.ca/news/canada/canada-brain-gain-trump-1.7496085
Lachowsky, C. (2025, 22 mars). États-Unis: quelles sont les recherches scientifiques que Donald Trump accuse de « wokisme »? Radio France Internationale. https://www.rfi.fr/fr/podcasts/jusqu-o%C3%B9-va-la-science/20250321-%C3%A9tats-unis-quelles-sont-les-recherches-scientifiques-que-donald-trump-accuse-de-wokismens
Musto, J. (2025, 30 mars). Three-quarters of US scientists are considering leaving the country thanks to DOGE cuts, poll finds. The independant. https://www.independent.co.uk/news/science/doge-cuts-science-america-nasa-b2722946.html
Sumanac-Johnson, D. (2025, 28 mars). Canadian researchers are being asked politically charged questions when trying to secure U.S. grants. CBC News. https://www.cbc.ca/news/canada/canadian-researchers-us-grants-political-questions-1.7493820
Stand up for sciences. 7 mars 2025. Discours de la biologiste américaine Sarah McAnulty à la manifestation de Philadelphie. Instagram
Yoon, J; Zafar A. (2025, 30 janvier). Uncertainty, chaos for Canadian researchers as confusion reigns over Trump administration medical funding. CBC News. https://www.cbc.ca/news/health/nih-trump-1.7445229