Produire un béton préfabriqué de qualité à partir de granulat de béton recyclé n’est pas problématique, d’après les recherches du Dr Franck Cassagnabère de l’Université de Ryerson à Toronto. C’est en comparant la durabilité et la résistance de ce béton respectueux de l’environnement à celles d’un béton préfabriqué conventionnel que le chercheur français et son équipe sont arrivés à cette conclusion.
Lors de recherches à Toulouse en France, l’équipe de M.Cassagnabère a découvert qu’un béton fait de granulats recyclés
respectait les spécifications de durabilité exigées pour une poutre fabriquée en usine. Le chercheur a présenté ses travaux des deux dernières années le 26 août dernier à l’occasion de la 11e édition des Journées Scientifiques du Regroupement Francophone pour la Recherche et la Formation sur le Béton ( ( RF )²B ) au pavillon Gene-H.-Kruger.
« Il y a une légère perte de résistance mécanique, mais notre béton a offert des performances très acceptables », annonce le chercheur. « La poutre de béton recyclé manquait de résistance en compression durant les premiers jours, mais sa consistance est devenue acceptable au bout de 28 jours », précise-t-il. Les deux mélanges analysés étaient composés à 10 % de granulat, soit du sable et du gravier pour l’un, du béton concassé et de la poussière de ciment pour l’autre. Ces poutres préfabriquées en usine sont de plus en plus en utilisation, ce pour quoi les chercheurs ont expérimenté le produit.
Réduire les déchets de béton
« Utiliser le granulat recyclé à 10 % semble peu prometteur. Mais si tous les chantiers adoptaient cette recette, les déchets supprimés seraient énormes », s’exclame Marc Jolin, professeur au Département de génie civil et de génie des eaux et organisateur du ( RF )²B. Le béton est en effet le deuxième matériau le plus utilisé au monde, c’est pourquoi les déchets de béton s’accumulent rapidement. En fait, chaque année, les déchets du béton équivalent à une tonne par habitat. De plus, substituer le sable et le gravier par du granulat recyclé résoudrait une autre problématique, note le Dr Franck Cassagnabère :
« C’est vrai que la quantité de déchets s’accumule à la suite des opérations de démolition, mais il faut aussi considérer
que les stocks de granulat naturel diminuent », souligne le chercheur. « C’est aussi dans une conscience environnementale
que moi et mon équipe avons fait des recherches pendant deux ans [pour formuler un béton qui puisse utiliser des granulats recyclés] », ajoute-t-il.
Au Québec, les granulats recyclés se taillent rapidement une place en construction, admet le professeur Marc Jolin. Comme le Dr Franck Cassagnabère l’a démontré, le gravier et la roche extraits des carrières demeurent toujours des granulats de meilleure qualité, mais les ingénieurs ont compris l’importance de recycler le vieux béton. « C’est toujours une meilleure chose
de réutiliser la montagne de déchets des opérations de démolition plutôt que de les rejeter dans l’environnement », lance Marc Jolin.
Il tempère cependant que « pour produire un béton durable, il faut s’assurer que le mélange soit consistant. Les ingénieurs ajustent donc la quantité de granulat recyclé en conséquence ». C’est actuellement pour le béton préfabriqué
qu’il demeure plus facile d’utiliser le granulat recyclé. « C’est plus difficile pour les travailleurs de produire un béton durable sur les chantiers, car les mélangeurs sont bien moins précis que ceux en usine », explique le professeur. Il est d’autant plus préférable d’utiliser le granulat recyclé pour des structures qui ne sont pas exposées aux intempéries, ajoute M. Jolin. « Avec les hivers et l’humidité qu’il y a au Canada et au nord des États-Unis, les viaducs et la surface des gratte-ciel en arrachent. Ils
se détériorent plus rapidement qu’un pilier de ciment dans un stationnement souterrain », souligne-t-il.
Plusieurs fois recyclable ?
Malgré le fait que le béton perd en résistance en vieillissant, Marc Jolin croit qu’un béton composé de granulats recyclés puisse être recyclé à son tour. « Le rendement du granulat risque d’être moins bon avec le temps, mais du moment que la durabilité
du mélange continue d’être perfectionnée par les chercheurs, nous aurons toujours un béton de qualité », lancet-il avec assurance.
Pour les années à venir, le granulat recyclé risque d’être un ingrédient toujours plus privilégié, selon le professeur. « Les recherches sur le béton se font aujourd’hui dans le sens de la protection de l’environnement et du développement durable.
C’est certain qu’on n’a pas fini d’en entendre parler », conclut-il.