Des chercheurs allemands ont récemment présenté une nouvelle prothèse électronique visant à restaurer, du moins en partie, la vision de patients souffrant de rétinites pigmentaires. L’implant, composé d’une petite puce de 3 mm de large, a été testé sur neuf patients. La quasi totalité a pu reconnaître des visages ainsi que certains objets, et trois d’entre eux ont pu reconnaître des lettres. L’étude soutient donc que ce nouvel « implant pourrait restaurer une vision utilitaire pour la vie de tous les jours chez au moins les deux tiers des patients aveugles ».
Des recherches plus approfondies sont actuellement en cours dans des groupes de recherche à Londres, Oxford, Hong Kong et Budapest.
Valérie Désyroy
Les rétinites pigmentaires désignent un ensemble hétérogène de maladies génétiques de l’oeil, impliquant les photorécepteurs ( cônes et bâtonnets ) ainsi que l’épithélium pigmentaire ( membrane permettant aux rayons lumineux d’être captés puis convertis en influx nerveux ). Les photorécepteurs dégénèrent progressivement, ce qui provoque souvent la cécité à l’âge adulte, et il n’existe aucun traitement disponible pour traiter cette maladie. Actuellement, cette pathologie est la première responsable de cécité héréditaire dans les pays développés, affectant plus de 1,5 million de personnes dans le monde.
Cependant, la voie visuelle demeurant fonctionnelle, l’objectif était donc de remplacer la fonction photoréceptrice faisant défaut via l’utilisation d’un dispositif de prothèse rétinienne, afin de restaurer la sensation visuelle chez des patients.
L’étude a été effectuée par des chercheurs allemands associant la société Retina Implant AG et une équipe de la Universitäts-Augenklinik Tübingen ( Hôpital universitaire de l’oeil à Tubingen, situé dans le Land de Bade-Wurtemberg, à 40 km au sud de Stuttgart ).
Une nouvelle prothèse rétinienne
Les résultats ont été publiés le 20 février dans la revue spécialisée britannique Proceedings of the Royal Society B. L’implant, baptisé Alpha-IMS, est une petite neuroprothèse microélectronique insérée au niveau de la rétine. Elle se compose d’une puce de 3 mm2, qui comporte 1500 microphotodiodes indépendantes. Sensibles à la lumière, elles envoient au nerf optique un courant correspondant à l’image formée dans l’oeil, afin que l’information s’écoule jusqu’au cerveau. Le dispositif est alimenté par un câble très fin, connecté à une petite bobine située sous un pli de peau derrière l’oreille qui fournit la puissance ainsi que divers signaux de commande à la micropuce.
L’implant subrétinal a été implanté chez neuf patients souffrant de cecité totale, sur une période de neuf mois.
Si deux patients ont éprouvé certaines difficultés ( un cas d’échec, le nerf optique ayant été affecté par l’extrémité de l’implant, un second cas pour lequel une hausse de la pression oculaire a dû être traitée par médicaments ), globalement, les résultats sont très encourageants.
Huit d’entre eux ont réussi à percevoir la lumière, sept ont pu la localiser, et cinq ont pu détecter des mouvements. De plus, trois sujets ont été capables de lire des lettres spontanément et un sujet a été en mesure de lire des lettres après un entraînement incluant des tests de choix alternatifs.
En ce qui concerne les tâches de la vie quotidienne, celles-ci ont été grandement améliorées. Une amélioration significative de la fonction visuelle a été rapportée une fois l’implant activé, même si le degré de réussite différait grandement d’un sujet à l’autre. Par exemple, la détection d’objets et leur localisation ( « combien ? » et « où ? ») ont été plus faciles à réaliser que la reconnaissance de leur forme ( « quoi ? » ). De toute évidence, la discrimination des objets nécessite une plus grande surface du champ visuel disponible à la localisation ainsi qu’une certaine résolution spatiale.
En compétition avec Argus 2
Le 13 mai 2012, le groupe de recherche du Dr Daniel Palanker de l’Université Stanford en Californie avait rapporté dans la revue Nature une nouvelle technologie photovolaïde afin de rendre la vue aux personnes souffrant de maladies oculaires dégénératives. Le nouvel implant rétinien californien avait été baptisé Argus 2.
Il s’agit d’utiliser de minuscules cellules de style « panneaux solaires » et de les placer chirurgicalement sous la rétine. Le dispositif impliquait une paire de lunettes disposant d’une caméra miniature et d’un ordinateur spécialement conçus pour traiter un flux de données visuelles. Les images qui en résultent seraient affichées sur un écran miniature à cristaux liquides intégré dans les lunettes, principe rappelant vaguement les lunettes de jeu vidéo. Cependant, grâce à des impulsions laser infrarouges, les images rayonneraient depuis l’écran LCD jusqu’à la puce de silicium implantée sous la rétine. Les courants électriques provenant des photodiodes de la puce déclencheraient alors des signaux dans la rétine, puis s’écouleraient vers le cerveau. L’article décrivait les résultats encourageants obtenus à partir de rétines de rats pour évaluer les réponses électriques engendrant une activité visuelle.
Deux ans après l’Europe, la FDA, l’agence sanitaire américaine, vient tout juste d’autoriser la mise en marché d’Argus 2. Néanmoins, celui-ci ne s’adresse pas à tous les américains: il faut avoir 25 ans au minimum, disposer d’une couche de cellules rétiniennes intactes, avoir été voyant dans le passé, et disposer de la rondelette somme de 98 000 $ canadiens. Pour l’instant, une soixantaine de patients européens en
profitent déjà.
Le nouveau dispositif allemand tentera donc de faire concurrence à son rival californien sur les marchés européens et américains.