Le probable suicide d’un militaire de la base de Valcartier, le quatrième événement du genre à survenir au sein des Forces canadiennes en l’espace de seulement quelques jours, a relancé la semaine dernière le débat sur la santé mentale des militaires, et plus particulièrement sur les conséquences possiblement tragiques de l’état de stress post-traumatique.
Selon Geneviève Belleville, professeure-chercheuse en psychologie à l’Université Laval et spécialiste des troubles anxieux, il est impossible d’affirmer avec certitude si cette récente vague de présumé suicide dans les rangs de l’armée canadienne est directement attribuable à l’état de stress post-traumatique, ou s’il existe même une association entre les deux variables. « Il n’existe pas, à ma connaissance, de données fiables qui nous permettent de nous prononcer sur cette question », lance-t-elle.
« Ce qui est sûr par contre, poursuit-elle, c’est que le métier de soldat prédispose à souffrir de cet état débilitant. Lors de leurs déploiements parfois prolongés en des terrains la plupart du temps hostiles, les militaires sont amenés à vivre des situations de stress inimaginables où leur vie et celle de leurs collègues sont constamment mises en danger. Dans ce contexte, il est presque normal en fait de développer une telle réponse. »
Lorsqu’interrogée par Impact Campus sur les possibles causes qui poussent certains soldats à s’enlever la vie au lieu d’aller chercher l’aide qui leur est pourtant offerte, Mme Belleville pointe ce qu’elle appelle la culture militaire (voir autre texte). « Il existe chez les militaires une sorte de mentalité d’homme fort dans laquelle la détresse psychologique est une vulnérabilité qu’il faut absolument cacher. Dans leur univers, il est donc honteux de consulter alors que dans celui de la population civile, ce l’est de moins en moins », affirme-t-elle.
Étudier l’état de stress post-traumatique
Depuis 2011, Mme Belleville mène un projet de recherche sur l’état de stress post-traumatique chez les vétérans. Elle étudie les raisons qui expliquent pourquoi, sur les 80 % de militaires retraités qui souffrent de la forme clinique ou sous-clinique de ce trouble, certains arrivent à fonctionner normalement alors que d’autres non.
« S’il est vrai que les anciens combattants restent toute leur vie durant hantés par leurs souvenirs traumatisants, il faut tout de même noter que certains de ces derniers passent par-dessus et continuent à vivre leur vie », illustre-t-elle.
La professeure-chercheuse mène ses études directement sur les usagers qui viennent consulter en clinique universitaire. « Le plus grand défi, c’est d’accéder à cette population qui n’a pas tendance à aller chercher de l’aide », note-t-elle au passage.
Bien que son projet de recherche soit toujours en cours, elle s’attend à la fin de celui-ci d’identifier un gros impact du soutien social, des stratégies d’évitement et de l’attitude générale des retraités militaires dans leurs capacités à fonctionner adéquatement.
Invitée à commenter les tristes événements qui ont eu lieu récemment, Mme Belleville a eu les mots suivants : « C’est triste, car ça ne devrait pas arriver. Le danger devrait être écarté lorsqu’ils reviennent du front ou lorsqu’ils prennent le chemin de la retraite. Or, il semble que ce ne soit pas complètement le cas. »
@bilodma