Le frigo partage est une initiative étudiante qui a été implantée par Univert Laval au pavillon Abiti-Price en janvier 2024. Depuis près d’un an, ce frigo permet aux étudiants de prendre la nourriture qui s’y trouve gratuitement et, à l’inverse, d’y déposer des denrées. Retour sur cette initiative étudiante avec l’instigateur du projet, Xavier Magny.
Par Marie Tremblay, journaliste multiplateforme
Risque d’insécurité alimentaire chez les étudiants
La précarité alimentaire chez les étudiants a beaucoup augmenté dans les dernières années en raison de l’inflation et la diminution du pouvoir d’achat. Dans leur rapport annuel, Moisson Montréal affirme que le pourcentage d’étudiants faisant des demandes auprès des banques alimentaires est passé de 10% à 14% dans la dernière année (Bérubé 2024).
Dans l’article « Une épicerie qui vous coûte toujours plus cher » paru dans en décembre 2023, Le Devoir avait calculé le pourcentage d’augmentation du coûts des aliments entre janvier 2022 et octobre 2023, grâce à l’outil Panier à provisions nutritif et économique (PPNE). La différence est drastique. Par exemple, en 2022, un kilogramme de pain se vendait 5,82$ et 10,26$ en 2023.
Le concept de frigo partage existe depuis un moment déjà dans le milieu communautaire. On en retrouve plusieurs dans la ville de Québec, notamment dans le quartier Saint-Roch, où les besoins sont le plus criants. Sur le campus de l’université, il y a des frigos partages dans les résidences, implantés par l’Aeliés. D’autres projets ont été menés par l’association des sciences sociales. Dans les deux cas, l’accès aux frigos est limité à certains utilisateurs. Une première version d’un frigo partage plus inclusif avait été tenté par le passé. Malheureusement, le projet fut enterré par la Covid et ses mesures d’hygiène strictes.
La réussite du Frigo Partage d’Univert Laval
Quand il est rentré dans le baccalauréat en Environnements naturels et aménagés, Xavier Magny avait déjà un intérêt envers le milieu communautaire et la réduction du gaspillage alimentaire. En 2022, il a rejoint le comité Univert Laval et s’est lancé dans son projet : implanté un frigo partage accessible à l’ensemble de la communauté étudiante. Maintenant finissant, Xavier a vu son projet se réaliser tranquillement durant son parcours scolaire.
La première étape a été de sonder les étudiants sur leur besoin et leur intérêt face à un tel projet lors de kiosque tenu dans le cadre de la rentrée scolaire en 2022. Après un retour plutôt positif, il était temps d’écrire la lettre d’intention adressée à l’université afin qu’elle approuve le projet. Une étape moins motivante, me raconte Xavier lors d’une rencontre virtuelle : « Tu débute le projet pis t’as juste le goût de voir un frigo partage s’installer, mais tant que t’as pas rédigé ta lettre, bien ça n’aboutira à rien. ».
La lenteur des démarches administratives constituait un autre défi qui empêchait le projet d’avancer. En parallèle, Xavier et ses autres collègues contactaient des commerces pour connaitre leur intérêt à participer, alors que le projet n’était pas encore concrétisé. Lorsque le projet a finalement quitté le papier pour se réaliser, Xavier a pu compter sur l’aide de Victoria Baer et de plusieurs bénévoles dévoués. Ensemble, ils ont tenu des kiosques de sensibilisation et de promotion pour le projet.
En un seulement un an, le frigo a gagné en popularité et l’enthousiasme face au projet ne cesse d’augmenter. Selon Xavier, les partenaires réguliers font une réelle différence, car cela encourage les gens à jeter un coup d’œil dans le frigo régulièrement. En effet, les étudiants attendent avec impatience la livraison de Bagel Maguire Café.
Après avoir constaté que les gens prenaient l’habitude d’apporter de la nourriture diversifiée, comme des denrées non périssables, l’Armoire partage a été mise en place. En plus du soutient d’Univert, cette initiative peut compter sur le support de l’Aefeul.
« Je suis juste vraiment content de voir qu’il y a autant d’intérêt autour de ce projet et que la communauté étudiante participe autant. On est rendu à un point dans le projet où ce n’est plus nous qui allons contacter les commerçants et les services traiteurs, c’est eux qui nous contactent pour faire des partenariats et des collaborations. », confie Xavier Magny sur le succès du Frigo partage.
Désormais, le Frigo partage d’Univert est inclut dans le réseau de frigos, créé par la Cadeul et de L’Aeliés, lui procurant de la visibilité supplémentaire. Une carte interactive est d’ailleurs disponible pour localiser les différents frigos partage sur le campus.
Une formule gagnant-gagnant
L’association Univert est impliquée dans plusieurs autres projets, dont Sacrée Bouffe, un projet en partenariat avec La Baratte qui complémente bien le Frigo Partage. Sacrée Bouffe, chapeauté par Zénon Michaud – collègue et ami de Xavier – est un atelier de cuisine communautaire. Une fois par mois, des étudiants viennent au centre communautaire pour cuisiner des recettes en grandes portions. À la fin de l’après-midi, un tier des plats est distribué dans les frigos de La Baratte, un tier dans le frigo partage Univert et le dernier tier est réparti entre les participants : tous en ressortent gagnants. Cette activité permet aux universitaires de se familiariser avec le concept du frigo partage et de socialiser dans un contexte non scolaire, en plus de faire une différence dans le milieu communautaire municipal et étudiant.
La valorisation par l’implication
À travers l’implication, Xavier dit avoir développer des compétences professionnelles grâce à des projets concrets. Cela lui a aussi permis de mettre en application les connaissances qu’il accumulait au fil des sessions. Pour lui, comme pour Zénon, c’était aussi une motivation supplémentaire de venir à l’université : ça rend l’expérience beaucoup plus « le fun », ont-ils avoués.
C’est aussi agréable de penser qu’ils auront laissé une trace de leur passage à l’université et que leurs initiatives font une réelle différence dans la vie de centaines d’étudiants. Actuellement, le Frigo partage est en recherche de relève pour assurer la pérennité du projet. Cependant, Xavier n’est pas inquiet que le projet sera repris.
Références
Bérubé, S. (2024). L’insécurité alimentaire chez les étudiants : La crise silencieuse. La Presse.https://www.lapresse.ca/affaires/2024-10-29/l-insecurite-alimentaire-chez-les-etudiants/la-crise-silencieuse.php.
Boumedda, S. (2023). Une épicerie qui vous coûte toujours plus cher. Le Devoir. https://www.ledevoir.com/interactif/2023-12-04/panier-epicerie/index.html.