Le passage du Cégep aux études supérieures est parfois dur pour certains étudiants qui cherchent de nos jours à accéder à des métiers nécessitant de longues formations. Solitude, déprime, doutes, manque d’organisation : de nombreux étudiants font face seuls à des problèmes tout au long de leur cursus. Portrait d’une réalité trop négligée.
Maxime, Camille et Dave sont tous trois étudiants au baccalauréat et doivent occuper un emploi à temps partiel pour subvenir à leurs besoins. Camille, qui en cumule même deux raconte que c’est d’abord une question d’organisation. « J’ai toujours travaillé en parallèle de mes études, donc j’ai toujours su m’organiser en fonction, mais l’entrée à l’université fut difficile pour moi au début, car je me sentais vraiment seule. Ca va mieux depuis », indique-t-elle.
Dans le cas de Maxime, la solitude ne semble pas être la problème, mais le fait de devoir cumuler travail et études en même temps demeure un gros défi pour lui. « En génie, on ne peut pas se permettre de mal étudier, dit-il. Je travaille 20h par semaine pour pouvoir subvenir à mes besoins et j’ai vraiment du mal à concilier les deux. Parfois, je sens que je vais lâcher, mais je tiens le coup grâce à mes amis surtout. »
Dave, quant à lui, est en première année de médecine. Il souligne qu’il a déjà essayé, auparavant, de travailler en parallèle de ses études, mais que l’exercice s’est révélé trop difficile, surtout en raison des exigences académiques.
« Ça devient trop difficile quand tu as des milliers de choses à apprendre par cœur pour réussir, explique-t-il. Mes parents sont là pour m’aider et je les remercie. Je suis trop désorganisé pour être capable de travailler en même temps que mes cours. J’étudie dans un programme avec beaucoup de pression, je ne pense pas que je serai capable de tenir le coup en m’ajoutant de la pression supplémentaire. »
Même constat aux cycles supérieurs
En fonction des programmes d’études dans lesquels sont inscrits les étudiants au baccalauréat, on remarque que les difficultés rencontrées évoluent. Pression pour certains, solitude ou « burn-out » pour d’autres. Néanmoins, un grand nombre d’étudiants réussissent leur programme sans trop de traumatismes et décident de se lancer dans une maîtrise. C’est le cas de Cédric, Annick et Jean.
Pour Cédric, c’était « le chemin logique à suivre ». Annick, elle, nous raconte que de s’inscrire aux cycles supérieurs était une décision prise après une longue année de réflexion. Son baccalauréat ne lui permettait pas de trouver un emploi rapidement au Québec.
« J’ai eu quelques expériences d’emplois dans mon domaine, mais c’était toujours compliqué de trouver, explique Annick. Je me suis dit que de continuer dans des études supérieures serait un plus pour moi et m’ouvrirait davantage de portes. Ce fut un choix dur psychologiquement car dans ma tête, c’était fini l’école. J’ai parfois l’impression que l’université ne finira jamais, mais d’un côté je me rends compte que j’aime ça, l’étude l’ambiance, etc. Je suis consciente qu’il faudra que j’en sorte un jour. On ne peut pas passer sa vie à étudier et j’ai toujours eu de la difficulté à bien m’organiser, à étudier et à travailler en même temps. »
De son côté, Cédric confie qu’il est simplement obligé de continuer ses études pour trouver un emploi décent dans son domaine. « Je travaille en parallèle depuis mon bac et, parfois, je me demande si ce ne serait pas mieux d’arrêter l’université pour poursuivre sur le marché du travail, soutient l’étudiant. En fait, plus la fin approche et plus d’un côté on est heureux car on va sortir de l’école. Mais d’un autre côté, ce qui vient après l’université me fait peur. Je ne sais pas si je vais trouver un emploi ou pas, mais ce genre de choses me font douter constamment de mon futur. »
Beaucoup d’appelés, peu d’élus
Cette peur de l’après-université est commune à beaucoup d’étudiants. Jean, comme d’autres, espère trouver un emploi après sa maîtrise. Selon lui, l’augmentation du nombre d’étudiants à l’université participe à cette compétition constante entre étudiants et nourrit la peur de ne rien avoir une fois la formation terminée. « Je ne pense pas que ce soit si horrible que ça (l’université, la maîtrise), mais c’est vrai qu’on est beaucoup à avoir des doutes, et des petits moments de déprime, nuance-t-il. C’est comme une remise en question en continu. Je ne sais pas si c’était la même chose à l’époque de nos parents, mais de nos jours, c’est devenu une réalité; nous sommes stressés. »
« Je pense que j’aurai un emploi après l’école, mais je sais aussi que dans ma maîtrise, on veut tous faire la même chose plus ou moins. Je pense qu’il faudra que je change de ville pour augmenter mes chances. À quelque part, c’est le fun de ne pas savoir ce qui se passera. »
L’instabilité est ce qui effraie beaucoup d’étudiants, combiné parfois à la frustration de faire une formation qui « ne sert à rien ». Parmi des étudiants au doctorat rencontrés, Antoine est au programme de biologie moléculaire et cellulaire. « Je suis allé en doctorat, car j’aime ce que je fais, confie-t-il. Oui il y a beaucoup de pression, de compétition mais j’aime ce que je fais. »
« Je ne peux pas nier que mon avenir me fait peur. Dans mon centre de recherche, on est plusieurs doctorants à se demander ce qu’on va faire après. C’est comme si après notre thèse, il y avait un trou. On en rigole, mais je pense qu’au fond de nous, ça nous frustre énormément. On continue et on verra ce qu’on fera par la suite. »
Force est d’admettre que les années passées à l’université laisseront sûrement de très bons souvenirs, mais causeront aussi parfois quelques séquelles. De nombreux étudiants vivent des situations problématiques et n’en parlent jamais, préférant affronter leurs soucis de leur côté. Il existe néanmoins des ressources comme le Centre d’aide aux étudiants de l’Université Laval, qui offre des services d’orientation, de psychologie et de soutien à l’apprentissage et à la réussite.