Dans un grand projet de restructuration internationale, le géant de l’automobile General Motors a annoncé, à la grande surprise des gouvernements américain et canadien, la fermeture de cinq usines d’ici 2020, dont celle d’Oshawa en Ontario. Bien qu’Unifor, le syndicat qui représente les travailleurs à Oshawa, promet de lutter par tous les moyens pour renverser cette décision, les premiers ministres Doug Ford et Justin Trudeau se concentrent plutôt sur un plan pour limiter l’impact de la fermeture sur la municipalité et les 2500 travailleurs touchés.
Aucune obligation
Comme l’a mentionné Doug Ford au responsable de GM Canada en réaction à cette annonce : « Dire que nous sommes déçus est un euphémisme. » Depuis 2009, ce sont 13,7 milliards de dollars de subventions du gouvernement ontarien et fédéral qui ont été injectés pour sécuriser le secteur de l’automobile dans la région. En 2016, après avoir licencié 1000 personnes à leur usine d’Oshawa, GM assurait pourtant sa présence dans la province.
Le Québec est en mesure de compatir avec son voisin, ayant vécu une expérience similaire avec Bombardier, qui vient tout juste de congédier tout autant d’employés, après avoir bénéficié d’une aide provinciale de 1,3 milliards de dollars en 2015.
S’y ajoute finalement l’accumulation d’une dette de 2,6 milliards de dollars que Chrysler avait contractée auprès du gouvernement, avant de déclarer faillite, qu’Ottawa a décidé simplement d’effacer de ses comptes. Chrysler ayant été racheté par Fiat, l’entreprise n’a plus à s’acquitter de sa créance.
Ces événements démontrent l’absence de conditions que les gouvernements imposent aux entreprises à qui ils viennent en aide, ou alors leur échec à assurer leur conformité. En 2009, le prêt accordé aux industries de l’automobile impliquait initialement que les entreprises devaient fournir un plan de restructuration « acceptable » de leurs activités au Canada. Chose qui en réalité n’a jamais été exigée, selon le vérificateur général dans un rapport de 2014.
Des choix politiques
Si plusieurs semblent avoir été surpris par l’annonce des nombreuses fermetures d’usines GM, un indicateur évident permettait cependant d’anticiper les troubles à venir. De 23 000 dans les années 80, à 15 000 employés dans les années 2000 dans l’usine d’Oshawa, ce sont 11% de diminution de la main d’œuvre totale employée dans le secteur automobile au Canada depuis 2008 ; ceci malgré l’aide financière gouvernementale qui lui fut accordée au passage.
Qu’est-ce qui pousse alors les gouvernements à venir en aide à une industrie en déclin ? Pourquoi ne pas orienter les ressources gouvernementales dans des industries naissantes, comme l’a fait le Québec avec les jeux vidéo à la fin des années 90 ? La réponse se trouve dans la question. Miser sur une industrie naissante, c’est faire le pari qu’elle grandira et se développera pour créer de l’emploi.
Or, les travailleurs d’une grosse industrie comme l’automobile sont très nombreux et pèsent lourd politiquement. Il s’avère normal que ceux-ci défendent coute que coute leurs emplois, peu importe les aléas de l’économie. De son côté, le parti politique au pouvoir souhaite défendre les intérêts de sa population. L’industrie naissante, impliquant beaucoup moins d’individus, devient alors beaucoup moins attrayante à défendre que l’industrie représentée par des milliers de travailleurs.
Avoir une vision
Les industries naissent et meurent et tôt ou tard, si importantes soient-elles, les vieilles doivent céder la place aux nouvelles. L’exemple américain est éloquent à cet égard. Beaucoup ont critiqué le président Donald Trump de créer de faux espoirs aux travailleurs du secteur du charbon pour s’attirer leurs votes. On constate aujourd’hui que, comme de fait, les actions du président n’ont pas pu rescaper cette industrie en déclin.
L’industrie du jeu vidéo est un exemple de bienfaits que peuvent apporter des subventions de l’État bien placées. Sans l’aide du gouvernement, cette industrie n’aurait probablement jamais réussi à percer en se rendant compétitive.
Donner des milliards à des entreprises pour conserver des emplois pendant à peine une dizaine d’années est contreproductif. Si ces mêmes milliards avaient été investie à l’époque dans le développement de secteur de l’automobile électrique, les faillites et les restructurations auraient peut-être été plus faciles à compenser pour les travailleurs affectés. Car la restructuration annoncée par GM stipule justement que la société souhaite s’arrimer avec l’augmentation de la demande en voitures électriques.
Ce qu’il faut donner aux travailleurs affectés par ce genre de situation, c’est une structure adéquate pour assurer leur reconversion dans un autre secteur qui offre plus d’emplois. Dans une économie en pénurie de main d’œuvre, ça ne devrait pas poser problème. Leur donner des compensions financières peut alléger l’impact d’une fermeture à court terme, mais ne constitue pas une solution viable pour redynamiser une région qui dépendait essentiellement de l’industrie automobile.