L’université offre plusieurs ateliers de méditation chaque session pour inviter les étudiant.es à s’occuper de leur vie intérieure. Je suis le premier à me réjouir de ces initiatives, mais je crois que la méditation, loin d’être une pratique allant de soi, constitue un problème extrêmement complexe dont cet article se veut une exploration.
Par Émilien Côté, journaliste collaborateur
Depuis les années 1970, la méditation a beaucoup gagné en popularité. Aujourd’hui, les gens méditent pour toutes sortes de raisons et de toutes sortes de façons. Pour quelqu’un qui veut pratiquer sérieusement la chose, ce n’est pas facile s’y retrouver. Au milieu des religions, mouvements spirituels et autres tendances de développement personnel, comment repérer une pratique authentique ? Essayons d’y voir plus clair.
La méditation comme méthode
Ce qu’il y a en commun avec toutes les formes de méditation, c’est qu’elles sont centrées sur une méthode. L’une des pratiques les plus répandues consiste à réserver quelques minutes dans sa journée pour s’asseoir, fermer les yeux, et faire le vide. Nous essayons d’éviter les pensées parasites pour maintenir un état de concentration dans lequel nous pouvons atteindre une certaine lucidité. Nous dirigeons notre attention sur un objet précis. Selon les variantes, cela peut être le rythme de notre respiration, un point du corps, un mantra (formule sacrée récitée lors d’une pratique spirituelle), ou les bruits ambiants.
La séance peut durer dix, quinze ou vingt minutes, peu importe. Une fois qu’elle est terminée, il y a généralement un certain calme dans l’esprit, mais, comme l’indique Namkhai Norbu Rinpoché, « Quand les pratiquants […] quittent la salle […], très souvent tout ce qu’ils rencontrent les distrait complètement (Norbu, 2013, p. 94) ». Nous retournons alors à nos activités habituelles. Autrement dit, il y a une séparation entre l’état de méditation et la vie quotidienne.
L’essence de la méditation
À mon sens, il convient d’interroger cette vision des choses. Doit-il y avoir une rupture entre méditation et non-méditation ? Je crois que tout le monde peut s’accorder pour dire que la pratique permet une plus grande conscience du moment présent. N’est-ce pas là le but ultime ? Il y a quelques années, je me suis tourné vers la méditation dans l’espoir de réduire mon anxiété, mais l’absence d’anxiété est une caractéristique d’un esprit fermement ancré dans le présent.
Lorsque vous êtes totalement présent.e à chaque instant de votre vie, avez-vous vraiment besoin de méditer ? En fait, vous êtes déjà en état de méditation. Vous êtes en état de présence. Nul besoin de prendre une posture particulière ou de faire quoi que ce soit de spécial. La vie est votre pratique. C’est pour cela que le mystique Douglas Harding a écrit : « Le monde rugissant est ma salle de méditation (cité par Le Roy, 2022, p. 61) ».
Comment méditer ?
La méditation n’est pas une activité, c’est un état d’esprit : soit je suis dans le moment présent, soit je ne le suis pas. En pratiquant seulement quelques minutes par jour, nous risquons de négliger le reste de notre journée, ou pire, de dépendre de nos séances pour trouver un équilibre mental. Voilà pourquoi Jiddu Krishnamurti condamnait si sévèrement la méditation traditionnelle : « S’asseoir cinq minutes tout seul, les jambes croisées, en respirant comme il faut — cela n’est pas méditer, c’est de l’auto-hypnose (Krishnamurti, 1973, p. 745) ».
Pour être dans le présent, il faut avoir un mental paisible et alerte, libre du passé et de l’avenir. Cela exige de savoir observer ses pensées lorsqu’elles arrivent, sans les juger, pour les laisser passer. Lorsque l’esprit se dissocie des pensées, le niveau d’attention est tellement intense qu’il y a un silence intérieur complet. À ce moment-là, nous pouvons prendre conscience de nos comportements et éliminer ceux qui sont nuisibles afin de ne plus souffrir.
L’essentiel, c’est de ne nourrir aucun conflit entre le moment présent et ce qu’on voudrait qu’il soit, d’accepter totalement chaque situation. En voyant clairement nos désirs et nos peurs dès qu’ils surviennent, en les reconnaissant comme sources de souffrance, il y a une réalisation extrêmement puissante qui se produit. Être le témoin vigilant de ce qui se passe à l’instant même : voilà la méditation.
Bibliographie
Krishnamurti, J. (1973). L’éveil de l’intelligence. Éditions Stock.
Le Roy, J. (2022). L’appel de l’éveil : chacun peut se relier à sa vraie nature. Éditions Almora.
Norbu, N. (2013). Enseignements Dzogchen. Éditions Almora.
Qu’est-ce que la méditation ?
L’université offre plusieurs ateliers de méditation chaque session pour inviter les étudiant.es à s’occuper de leur vie intérieure. Je suis le premier à me réjouir de ces initiatives, mais je crois que la méditation, loin d’être une pratique allant de soi, constitue un problème extrêmement complexe dont cet article se veut une exploration.
Par Émilien Côté, journaliste collaborateur
Depuis les années 1970, la méditation a beaucoup gagné en popularité. Aujourd’hui, les gens méditent pour toutes sortes de raisons et de toutes sortes de façons. Pour quelqu’un qui veut pratiquer sérieusement la chose, ce n’est pas facile s’y retrouver. Au milieu des religions, mouvements spirituels et autres tendances de développement personnel, comment repérer une pratique authentique ? Essayons d’y voir plus clair.
La méditation comme méthode
Ce qu’il y a en commun avec toutes les formes de méditation, c’est qu’elles sont centrées sur une méthode. L’une des pratiques les plus répandues consiste à réserver quelques minutes dans sa journée pour s’asseoir, fermer les yeux, et faire le vide. Nous essayons d’éviter les pensées parasites pour maintenir un état de concentration dans lequel nous pouvons atteindre une certaine lucidité. Nous dirigeons notre attention sur un objet précis. Selon les variantes, cela peut être le rythme de notre respiration, un point du corps, un mantra (formule sacrée récitée lors d’une pratique spirituelle), ou les bruits ambiants.
La séance peut durer dix, quinze ou vingt minutes, peu importe. Une fois qu’elle est terminée, il y a généralement un certain calme dans l’esprit, mais, comme l’indique Namkhai Norbu Rinpoché, « Quand les pratiquants […] quittent la salle […], très souvent tout ce qu’ils rencontrent les distrait complètement (Norbu, 2013, p. 94) ». Nous retournons alors à nos activités habituelles. Autrement dit, il y a une séparation entre l’état de méditation et la vie quotidienne.
L’essence de la méditation
À mon sens, il convient d’interroger cette vision des choses. Doit-il y avoir une rupture entre méditation et non-méditation ? Je crois que tout le monde peut s’accorder pour dire que la pratique permet une plus grande conscience du moment présent. N’est-ce pas là le but ultime ? Il y a quelques années, je me suis tourné vers la méditation dans l’espoir de réduire mon anxiété, mais l’absence d’anxiété est une caractéristique d’un esprit fermement ancré dans le présent.
Lorsque vous êtes totalement présent.e à chaque instant de votre vie, avez-vous vraiment besoin de méditer ? En fait, vous êtes déjà en état de méditation. Vous êtes en état de présence. Nul besoin de prendre une posture particulière ou de faire quoi que ce soit de spécial. La vie est votre pratique. C’est pour cela que le mystique Douglas Harding a écrit : « Le monde rugissant est ma salle de méditation (cité par Le Roy, 2022, p. 61) ».
Comment méditer ?
La méditation n’est pas une activité, c’est un état d’esprit : soit je suis dans le moment présent, soit je ne le suis pas. En pratiquant seulement quelques minutes par jour, nous risquons de négliger le reste de notre journée, ou pire, de dépendre de nos séances pour trouver un équilibre mental. Voilà pourquoi Jiddu Krishnamurti condamnait si sévèrement la méditation traditionnelle : « S’asseoir cinq minutes tout seul, les jambes croisées, en respirant comme il faut — cela n’est pas méditer, c’est de l’auto-hypnose (Krishnamurti, 1973, p. 745) ».
Pour être dans le présent, il faut avoir un mental paisible et alerte, libre du passé et de l’avenir. Cela exige de savoir observer ses pensées lorsqu’elles arrivent, sans les juger, pour les laisser passer. Lorsque l’esprit se dissocie des pensées, le niveau d’attention est tellement intense qu’il y a un silence intérieur complet. À ce moment-là, nous pouvons prendre conscience de nos comportements et éliminer ceux qui sont nuisibles afin de ne plus souffrir.
L’essentiel, c’est de ne nourrir aucun conflit entre le moment présent et ce qu’on voudrait qu’il soit, d’accepter totalement chaque situation. En voyant clairement nos désirs et nos peurs dès qu’ils surviennent, en les reconnaissant comme sources de souffrance, il y a une réalisation extrêmement puissante qui se produit. Être le témoin vigilant de ce qui se passe à l’instant même : voilà la méditation.
Bibliographie
Krishnamurti, J. (1973). L’éveil de l’intelligence. Éditions Stock.
Le Roy, J. (2022). L’appel de l’éveil : chacun peut se relier à sa vraie nature. Éditions Almora.
Norbu, N. (2013). Enseignements Dzogchen. Éditions Almora.
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