Pourquoi revenir?

Encore plus intéressant qu’un athlète qui prend sa retraite : un athlète qui sort de sa retraite. Ça arrive souvent et ce n’est pas nouveau. Guy Lafleur l’a fait, ainsi que Mario Lemieux qui, après une première retraite de quatre saisons, est revenu au jeu pour quatre autres années. Michael Jordan a même pris sa retraite deux fois plutôt qu’une avant de tirer sa révérence de façon définitive en 2003. La liste est longue. Encore la semaine dernière, l’ancienne numéro un mondial, la Belge Kim Clijsters, annonçait son retour sur le circuit professionnel de tennis.

Pourquoi revenir? Qu’est-ce qui pousse ces athlètes de haut niveau à recommencer à souffrir, eux qui ont vécu sous les feux de la rampe pendant de longues années, cumulé des sommes d’argent importantes et pour quelques-uns d’entre eux, élevé leur nom au rang de demi-dieu? Quelques études scientifiques ont démontré que près de 30% des athlètes de haut calibre souffrent d’une détresse psychologique importante une fois à la retraite.

Des psychiatres espagnols ont démontré que les sportifs retraités sont particulièrement menacés par l’abus d’alcool et de drogues et sont même plus susceptibles de divorcer. Selon les études réalisées sur le sujet, l’indice de séparations sentimentales augmente de façon spectaculaire l’année suivant la retraite sportive. L’usage de cocaïne et de marijuana sont les pathologies les plus fréquemment rencontrées chez ceux qui se montrent incapables de passer de la vie de star à la vie, disons, «ordinaire». Le manque d’attention du public et des médias est l’une des causes de cette détresse nommée «syndrome de la retraite».

Dans la majorité des cas, lorsqu’un athlète revient au jeu, il prétend s’ennuyer de la compétition. Le manque de motivation qui l’avait mené à quitter l’univers sportif n’est plus qu’un mauvais souvenir, transformé quelques années plus tard en une surdose de désir d’accomplissement. Serait-ce en réalité pour combler un vide auquel ils ne s’étaient pas préparés? Bien évidemment, tous les athlètes ne vivent pas la même situation. Comme pour le commun des mortels, il est essentiel de prévoir à de quoi «l’après» sera constitué. Mario Lemieux et Wayne Gretzky ont comblé ce vide en achetant une équipe de la Ligue nationale de hockey. D’autres ouvrent des restaurants, alors que quelques-uns choisissent de retourner aux études.

Fait intéressant, des études parues dans les années 1990 font le lien entre le processus de retraite volontaire et l’adaptation à la retraite. Autrement dit, ceux qui ont un plan de retraite bien défini, comme Patrick Roy par exemple, sont plus à même de fixer le moment du départ et du coup, le début de leur nouvelle vie. À l’opposé, une fin involontaire de carrière mène potentiellement à des difficultés psychologiques, à des pertes de contrôle de soi et à une diminution du respect de soi-même. Un retour à la compétition ne devient-il pas un remède à court terme idéal?

Derrière leur allure de super héros, les sportifs de haut niveau restent bien fragiles. Comme dans tous les domaines, la descente vers l’oubli peut être encore plus rapide que la montée vers la gloire. Plusieurs d’entre eux négligent le fait qu’une carrière sportive, en plus d’être éphémère, est une bien courte période dans une vie. En fait, il ne s’agit pas de revenir à la compétition pour guérir les maux de la vie ordinaire, mais plutôt de savoir quand et comment partir.

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