Photo : Assembléetest, Wikimedia Commons

63 % des élues provinciales disent subir de l’inconduite sexuelle

Une enquête de La Presse canadienne publiée dimanche dans certains médias révèle que près de 63 % des élues provinciales à l’Assemblée nationale affirment avoir déjà subi une ou plusieurs formes d’inconduites sexuelles dans le cadre de leurs fonctions politiques, à répétition même dans plusieurs cas.

Le sondage a été effectué auprès de 24 ministres/élues qui ont accepté de répondre aux questions par écrit. Le taux d’échantillonnage demeure légitime à 64 %, considérant que 37 élues siègent actuellement au Parlement.

Parmi les répondantes, on compte principalement 18 députées-membres de plusieurs partis politiques, mais surtout six ministres du gouvernement actuel de Philippe Couillard. 42 % d’entre elles  disent avoir été victimes de harcèlement sexuel avant d’entrer sur la scène politique québécoise, et deux d’entre elles au cours de leur parcours politique.

Plus préoccupant encore : l’une des répondantes, qui ont toutes préféré garder l’anonymat, indique avoir subi un geste d’intimidation claire « avec force physique », venu directement d’un député adverse d’un autre parti politique.

Deux femmes « siégeant présentement à l’Assemblée nationale » ont également indiqué à l’agence de presse avoir déjà vécu des agressions sexuelles au cours de leur vie.

Comment se traduit l’inconduite ?

Les résultats de l’enquête illustrent également comment se traduisent les différentes manières de vivre l’inconduite sexuelle en tant qu’élue, selon chacun des cas. La grande majorité des élues disent faire régulièrement face « à des remarques déplacées à caractère sexuel » (58% d’entre elles).

Les réseaux sociaux ne semblent pas aider dans ce contexte ; 54 % des politiciennes ayant répondu au sondage rapportent plusieurs cas de « propos à teneur sexuel » directement partagés sur Facebook, Twitter et tous ces autres moteurs sociaux de la toile.

Les gestes « physiquement déplacés » viennent en troisième position, à 21 %, suivi de près par le fait de recevoir des textos ou des messages assez « embarrassants », à 8 %.

Sur la provenance concrète de ces actes et gestes, La Presse canadienne explique que 12 % des élues à l’Assemblée nationale identifient directement un collègue de leur formation politique lorsque questionnées. 17 % d’entre elles pointent plutôt vers un élu adverse, à l’extérieur de son parti.

Fait important toutefois : il n’en demeure pas moins que dans la grande majorité des situations rapportées, l’auteur des écarts à caractère sexuel n’est pas impliqué sur la scène politique québécoise.

Culture du viol ?

Une bonne partie de la démarche d’investigation de Jocelyne Richer, journaliste pour l’agence de presse canadienne et auteure du reportage, a été de savoir si la culture du viol « sévit bel et bien au Québec ».

La réponse des élues est relativement mitigée : 46 % d’entre elles affirment que la culture du viol demeure « un phénomène bien présent au Québec ». La plupart de ces femmes s’entendent d’ailleurs pour dire que l’inconduite sexuelle est banalisée, et que la victime est trop souvent blâmée dans l’espace public.

Or, sur le point précis d’une culture du viol réelle et concrète, les opinions se divisent à de forts taux. Pour cause, 38 % des femmes sondées dans le cadre de cette enquête estiment que le phénomène « n’existe tout simplement pas au Québec », mais qu’il est médiatiquement gonflé.

Mutisme ambiant

L’Assemblée nationale est-elle ouverte, rétroactive et surtout disponible, en termes de ressources, pour ce genre d’enjeux ? 67 % des élues croient que non. Elles estiment que le Parlement « n’est pas plus adapté que la moyenne » dans ce domaine, et que l’environnement de travail général n’est « ni meilleur, ni pire » qu’ailleurs.

Parmi les seules femmes à s’être identifiées pour parler, la co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, a expliqué que le mutisme ambiant sur ce genre de sujets est frappant dans les cercles politiques, mais qu’il est très compréhensible au final.

« Tu fermes ta gueule parce que tu as envie de travailler jusqu’à la fin de tes jours » – Manon Massé, en entrevue avec La Presse canadienne

Chose certaine : le mouvement #MoiAussi et ses impacts sociaux semblent actuellement faire quasi-unanimité chez les élues, qui se prononcent à 88 % pour de telles campagnes qui inscrivent selon elles « un tournant décisif et durable » sur notre société.

« Je ne voudrais surtout pas que ce soit épisodique », a d’ailleurs illustré à ce sujet l’autre femme s’étant identifiée, Karine Vallières, qui est pour sa part députée libérale dans Richmond.

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